Tour des juges – “L’objectif est de continuer d’avancer, d’être à l’écoute” assure Tony Estanguet, le patron de Paris2024

La future tour devant accueillir les juges et les caméras lors des épreuves de surf des Jeux Olympiques de Paris 2024 est au cœur d’une polémique environnementale grandissante. Pour tenter d’apaiser les craintes, une réunion s’est tenue en fin de matinée, samedi 21 octobre 2023, sur le chantier de la pointe Riri, à Toahotu.
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Le projet de construction d’une nouvelle tour en plein lagon sur le spot mythique de Teahupo’o à Tahiti pour accueillir les juges de l’épreuve de surf des JO de Paris à l’été 2024 cristallise depuis plusieurs jours les tensions et les incompréhensions sur l’île.

L’idée de Tony Estanguet, le patron du comité d’organisation de Paris-2024, d’organiser l’épreuve de surf à Tahiti, ne se fait donc pas sans vague.

Dimanche 15 octobre, une marche pacifique rassemblant plusieurs centaines de personnes a été organisée près du village de Teahupo’o. Différentes associations et des riverains s’opposent à la construction de cette tour des juges, en aluminium, édifiée dans l’eau spécialement pour l’épreuve des JO, et qui pourrait dégrader selon eux les fonds marins et nuire à la biodiversité du site.

La tour prévue, de 14 mètres de hauteur, devrait comporter trois étages, un local technique climatisé pour les serveurs internet alimentés par un câble sous-marin, mais aussi des toilettes avec un système d’évacuation raccordé à une canalisation.

Le coût du projet est estimé à près de 4,4 millions d’euros.

“Casser le corail”

Ce qui inquiète principalement les opposants à cette tour, ce sont les possibles dégâts sur le corail qu’entraîneraient les travaux.

“Le gouvernement (polynésien, NDLR) veut faire passer la barge de la foreuse par un endroit impossible, ça va tout péter. Ce n’est pas possible de faire ça proprement. Je leur ai dit mais ils vont le faire quand même. Ça va être une catastrophe”, regrette Milton Parker, vice-président de l’association Atihau, qui gère le domaine Parker (une grande partie du village de Teahupo’o, NDLR). Pour l’instant les travaux n’ont pas débuté.

“Dès qu’ils vont commencer à casser le corail, c’est là qu’il va falloir intervenir. Les techniciens disent qu’ils connaissent le site, mais c’est faux, ils nous mentent”, s’insurge Milton Parker.

Le surfeur local Matahi Drollet, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, explique notamment que pour l’épreuve de la World Surf League (WSL) organisée chaque année à Teahupo’o, une tour en bois est installée puis démontée une fois l’épreuve finie.

“Même pendant le +code rouge+ en 2011, avec une série de vagues à 15 mètres, la tour (en bois, NDLR) a tenu, elle a toujours résisté”, assure Matahi Drollet à l’AFP. “Et on n’a pas besoin de 40 personnes sur cette tour, on peut réduire. D’autant plus qu’il n’y a que cinq juges sur une compétition.” Une pétition contre la nouvelle tour a été lancée en ligne et a recueilli, selon lui, “plus de 70.000” signatures.

Le comité d’organisation justifie lui ce projet en avançant des raisons de sécurité, la tour en bois (13,50m) n’étant plus aux normes. “Il faut  bien rappeler que si on en est aujourd’hui avec un projet d’une nouvelle tour, c’est parce que la tour actuelle des juges n’est pas conforme”, a expliqué Tony Estanguet mardi, en marge de la présentation du parcours du para-marathon. “Paris-2024 ne mettra en danger la sécurité de personne”, a-t-il dit.

Son emplacement sera également identique à celui de la précédente tour. Un bureau d’études spécialisé en environnement marin a été missionné par le gouvernement polynésien – qui est maître d’oeuvre sur ce projet – et les travaux envisagés doivent respecter un strict cahier des charges environnemental.

“La nature reprendra ses droits”

Le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, a tenté de rassurer les riverains en se rendant samedi dans un village voisin, à Toahutu. “Il est évident qu’au moment du forage, il va y avoir du bruit et des dégagements de sable, mais tout ça va être contenu et nettoyé. Ensuite, la nature reprendra ses droits”, a-t-il assuré selon des propos rapportés par la presse locale.

“L’objectif est de continuer d’avancer, d’être à l’écoute”, a assuré Tony Estanguet mardi. “Ce projet, il est encore amendable pour faire en sorte de répondre encore mieux aux préoccupations de la population locale (…) On veut préserver absolument ce site”, promet le patron du Cojo.

Des assurances qui ne semblent pas convaincre les opposants. “C’est une certitude qu’ils vont dégrader les coraux, voire creuser un chenal. C’est aussi une destruction de notre garde-manger, l’un des rares endroits de Tahiti où le poisson-chirurgien est encore comestible”, regrette Matahi Drollet.

“On ne dit pas non aux JO, mais on dit non à la tour en aluminium. Le gouvernement avait dit que ce n’était pas à Teahupo’o de s’adapter aux JO (mais) aux JO de s’adapter à Teahupo’o. On attend qu’il tienne parole”, a ajouté le surfeur.

ml-cto/hpa © Agence France-Presse