Dans son dernier rapport d’observations définitives de 80 pages, la Chambre territoriale des comptes (CTC) s’est penchée sur les exercices 2017 à 2021 de la société de Transport d’énergie électrique en Polynésie (TEP).
En introduction, il est rappelé que cette Société d’économie mixte locale (SEML) est titulaire de la concession territoriale de transport d’énergie électrique de l’île de Tahiti depuis 1989, et jusqu’en 2027. Selon la TEP, le coût relatif au transport de l’électricité représente environ 7 % de la facture d’électricité, l’essentiel étant constitué par le coût de production. Elle tire la quasi intégralité de ses ressources via cette redevance de transport fixée par arrêté par le Pays. Le réseau compte près de 300 km en exploitation et 40 km en cours de finalisation entre les zones Nord et Sud, dont 89 % de circuits enterrés.
Pour mémoire, les principaux centres de production d’électricité sont les centrales de la Punaruu et de la Vairaatoa pour la production thermique, les installations d’hydroélectricité localisées au sud de l’île et les deux nouvelles fermes solaires, qui seront raccordées sur le réseau Sud courant 2024.
“L’absence d’acheteur unique”
Au fil de son analyse, la CTC émet quatre recommandations. La première consiste à “mettre en œuvre de façon effective, dès 2023, la mission de responsable d’équilibre, en lien avec le Pays et EDT/ENGIE”. Il est souligné que la période de contrôle se caractérise par l’entrée en vigueur du Code de l’énergie, qui implique de profondes évolutions pour les missions de la TEP. “Afin de garantir l’indépendance par rapport à EDT/ENGIE, cette société est sortie du capital de la TEP”, est-il précisé.
La CTC relève toutefois “l’absence de désignation de la TEP comme acheteur unique par le Code de l’énergie”, précisant que “si cette absence d’acheteur unique ne semble pas encore poser de difficulté, cela peut constituer une source potentielle de contestations voire de contentieux dans un contexte où il n’existe pas en Polynésie de structure non juridictionnelle indépendante du Pays chargée de résoudre les différends dans le secteur de l’énergie”.
Le cumul de fonctions du Pays (autorité de régulation, de concession et actionnaire) à l’égard de la TEP serait également “de nature à faire naître des risques sur l’impartialité des décisions prises par le Pays à l’égard de la SEM”.
“Un sous-investissement sur certaines parties du réseau”
En l’absence d’un cadre juridique clair, la deuxième recommandation consiste à “conclure, dès 2023, des conventions d’indemnisation des pertes de transport avec Marama Nui et EDT/ENGIE”. La CTC rappelle que “la performance de la mission de transport d’électricité est importante pour les consommateurs”. Selon les statistiques fournies par la TEP, les incidents liés au transport sont minoritaires comparé à ceux liés à la production et à la distribution, nuance qui échappe aux clients qui ont une perception globale du service, notamment en cas de black-out, comme en octobre 2019, suite à un incendie sur un poste de transformateur de la Punaruu.
“Selon le rapport de gestion 2019, il est établi que 90 % des incidents ont une origine matérielle” et “qu’ils sont principalement liés à un sous-investissement sur certaines parties du réseau, en particulier dans le sud de l’île”. Malgré un renouvellement des liaisons 20 kV à partir de 2023 jusqu’en 2026, la Chambre relève “le caractère tardif des investissements sur cette partie du réseau”. Un point qui rejoint la troisième recommandation, à savoir “présenter, dès 2023, dans les rapports du délégataire l’historique de chaque programme de renouvellement”.
“2 milliards d’investissements structurants par an”
Il en va de même pour la quatrième recommandation : “Dès 2023, présenter régulièrement au Pays différents scenarii de financement des investissements“, compte-tenu des montants engagés et des délais de réalisation.
La situation financière de la TEP s’est améliorée à partir de 2018, malgré une révision tarifaire “qui n’est pas fixée sur une base rationnelle, c’est-à-dire conformément aux coûts de transport réellement supportés par la TEP”, indique la CTC. Abaissée, puis revue à la hausse, la redevance de transport est passée de 2,30 à 1,95 francs par décision du Conseil des ministres en 2005, pour atteindre 2,75 francs en 2017.
Les charges de personnel (172 millions de francs en 2017 pour 20 salariés contre 353,4 millions de francs en 2021 pour 39 salariés) constituent désormais le deuxième poste de dépenses en raison du renforcement des effectifs, “compte-tenu de l’élargissement des missions de la TEP avec la reprise des missions auparavant externalisées auprès d’EDT/ENGIE”, et du niveau de compétences requises dans le domaine du transport électrique.
Il est également mentionné que sur la période 2017 à 2021, “la TEP a investi pour plus de 10 milliards de francs”, des “investissements structurants dont le projet phare est le bouclage de la zone Nord, liaison de 90 000 volts”.
Le rapport complet de la CTC et le droit de réponse du président directeur général de la TEP, Hervé Dubost-Martin, sont consultables en ligne.