
Depuis maintenant plusieurs semaines, tous les lundis, mercredis et vendredis matin, quelques jeunes, affiliés à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), “travaillent la dimension du corps et de la parole” à travers des ateliers de break dance et de slam, respectivement coordonnés par le groupe de danse Breaking Motion et le slammeur Paul Wamo.

Ainsi, ce mercredi 25 octobre, dans les anciens locaux de Sotop Tahiti à Papeete, onze jeunes ont présenté, timidement, et en comité restreint, leur travaux effectués durant ces semaines d’apprentissage et d’évasion. C’est grâce à l’initiative sportive et nationale “Fabreak ton slam”, organisée dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques 2024, que ces jeunes ont pu, durant cinq semaines, s’adonner à de nouvelles pratiques. “Cette action permet d’aider les jeunes, soit à trouver leur voie professionnelle, soit à trouver des disciplines qui leur permettent de réguler leur comportement et d’être des leviers éducatifs“, souligne Liliane Vallois, directrice territoriale de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) en Polynésie.
S’exprimer autrement que par la violence
Le break dance est l’une des quatre nouvelles épreuves intégrées aux JO 2024. Au fenua, c’est le groupe Breaking Motion, unique prestataire, qui promeut la discipline principalement aux adolescents. Aux côtés de Johann Kwang-Liu et Warren Faaeva, les jeunes ont pu “travailler la pratique de ce sport et en même temps, découvrir toutes les valeurs porteuses“, indique Liliane Vallois. “Il s’agit d’utiliser des leviers pour créer chez le jeune l’envie de changer de voie, de ne plus être dans cette dynamique qui est de causer du tord à la société“, précise-t-elle.

Bien que tous, immobilisés par “la honte“, n’ont pas osé démontrer leur pas de danse sur scène aux quelques invités présents, leur plume quant à elle, a su mettre en avant leur univers propre. “Un jour viendra, je serai riche“, “j’aurai compris que j’aurai fait du mal“, “passe-moi un stylo, une feuille et toutes ces erreurs que je puisse faire le deuil“, “je ne veux pas vivre sans être libre“, “je veux partir loin d’ici“, “je n’ai plus d’espoir“, pouvait-on lire. À l’aide d’un crayon et d’un stylo, ces jeunes gens ont exprimé, au-delà des préjugés, toute la détresse, l’innocence et l’espérance que porte cette génération déchue.”L’idée était de les familiariser avec l’écriture, notamment au sujet des rimes. Ils étaient très réceptifs, ils ont pris goût à l’écriture et à cette nouvelle manière poétique d’exprimer ce qu’ils ressentent“, explique Paul Wamo. En parallèle, ils ont notamment enregistré leur son avec l’aide des éducateurs de la PJJ.
La parole à Tiare* [*le prénom a été changé, NDLR], 17 ans :
“Cet atelier m’a appris à m’exprimer ouvertement et à pouvoir m’évader”
“Mon texte raconte mon histoire et plus particulièrement ce que j’ai fait subir à mes parents. Ils me prenaient pour un exemple et je leur ai brisé le cœur. Quand j’écris “je n’ai plus d’espoir, j’aimerais les encourager”, je fais référence à mes parents car ils m’encouragent à redevenir la petite fille que j’étais auparavant et être leur lumière.“
“J’ai écrit ce que j’ai sur le cœur, ce que je n’arrive pas à exprimer à haute voix. Ce n’était pas une tâche facile mais j’ai tout de même trouvé les bons mots. Cet exercice m’a fait du bien car j’ai pu partager mon histoire avec les gens, surtout mon éducatrice qui a compris le message que j’ai souhaité partager.”
“L’écriture permet de ne pas rester caché, plusieurs personnes partagent la même situation mais n’osent pas en parler.“
Mélanie Tempia, juge des enfants :
“Mettre en place l’accompagnement dont ils ont besoin”

“Je suis très fière de leur travail car ce sont des jeunes qui ont commis des infractions à la loi pénale, qui sont souvent déscolarisés, dans des consommations toxiques ; pour qui, le simple fait de se lever le matin est un challenge. De savoir qu’ils ont participé à cinq semaines de travail acharné, qu’ils ont réussi à mettre des mots sur ce qu’ils ressentent, sur leurs émotions, sur leur envies, je ne peux que les applaudir. Ils ont eu le courage de nous présenter leur travail, ce n’est pas évident de se dévoiler de cette manière.”
“Il y a un travail de prévention qui devrait être plus important concernant les violences physiques, sexuelles et notamment le harcèlement moral. Le service de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est très présent et accompagne beaucoup les jeunes. Et c’est la raison pour laquelle, il faut dénoncer les faits commis par les jeunes car, c’est de cette manière que nous allons pouvoir mettre en place l’accompagnement dont ils ont besoin, pour sortir de la spirale dans laquelle ils peuvent être amenés à tomber.“
“Fabreak ton slam“
C’est un parcours d’étapes sportives et artistiques qui jalonneront toute la France au cours de l’année qui nous sépare des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024. L’objectif est de lancer une dynamique positive autour de l’insertion par le sport des jeunes confrontés à la justice. Pour surfer sur cette vague, la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de Polynésie française inscrit les jeunes qui lui sont confiés dans cet élan, avec des ateliers d’initiation au slam et au break dance. “C’est le comité organisateur de JO Paris 2024 qui finance exclusivement cette action pour les jeunes du fenua“, conclut Liliane Vallois.