
Israël a affirmé samedi que la guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas était “entrée dans une nouvelle phase” dans la bande de Gaza, trois semaines après avoir été déclenchée par l’attaque la plus meurtrière de l’histoire d’Israël.
L’ONU a dit craindre une “avalanche de souffrances humaines” dans ce territoire palestinien où s’entassent 2,4 millions d’habitants qui manquent d’eau, de nourriture, d’électricité, et qui se retrouvent depuis vendredi sans communications ni internet.
Depuis le 7 octobre, l’armée israélienne pilonne sans répit la bande de Gaza, en représailles à l’attaque du Hamas depuis laquelle plus de 1.400 personnes ont été tuées en Israël, essentiellement des civils ce jour-là, selon les autorités locales.
Le Hamas, qui contrôle Gaza, a affirmé que 7.703 personnes, en majorité des civils, avaient été tuées dans les bombardements israéliens, le bilan le plus lourd depuis le retrait israélien du territoire palestinien en 2005.
“Nous sommes entrés dans une nouvelle phase dans la guerre”, a déclaré le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant.
Selon le porte-parole de la Défense civile à Gaza, Mahmoud Bassal, “des centaines d’immeubles et de maisons ont été entièrement détruits”.
L’armée israélienne a intensifié ses bombardements dans la nuit de vendredi à samedi et mené plusieurs incursions sur le territoire d’environ 360 m2. Samedi soir, les blindés et soldats israéliens y opèrent toujours au sol, a précisé l’armée.
Environ “150 cibles souterraines” ont été touchées dans le nord de la bande de Gaza où, selon l’armée, le Hamas dirige ses opérations depuis un gigantesque réseau de tunnels.
Elle a fait état de “plusieurs terroristes du Hamas tués” dont un responsable “ayant pris part à l’organisation du massacre du 7 octobre” qui a profondément traumatisé la société israélienne.
“Champ de bataille”
Dans le camp de réfugiés de Chati, dans la périphérie de Gaza-ville, les bombardements ont provoqué d’importants dégâts.
“Ce qui s’est passé à Chati est pire qu’un tremblement de terre”, a déclaré à l’AFP un habitant, Alaa Mahdi, 54 ans. “Ca bombardait de partout, la marine, l’artillerie et les avions.”
“Dans les rues, les gens sont devenus des corps sans vie qui marchent”, décrit à l’AFP Jihad Mahdi, un habitant de la ville de Gaza.
“Nous préférons mourir à l’intérieur de nos maisons plutôt que de partir vers le sud”, assure pour sa part Hasan Hammoud.
L’armée israélienne a répété son appel aux habitants de Gaza (nord) de “partir immédiatement” vers le sud, affirmant qu’elle considérait désormais cette ville et sa région comme un “champ de bataille”.
Les bombardements se sont poursuivis toute la journée sur Gaza, alors que des salves de roquettes étaient tirées de Gaza vers le sud d’Israël, faisant trois blessés selon des médecins.
Le Hamas a fait état en outre d’affrontements entre ses combattants et des soldats à Beit Hanoun (nord) et al-Boureij (centre).
“Angoisse” des familles d’otages
Au terme d‘”une nuit d’angoisse immense”, sans sommeil avec l’intensification des bombardements, les familles des otages ont dit “s’inquiéter” de leur sort et ont été reçu par le gouvernement.
D’après l’armée, près de 230 personnes, des Israéliens, binationaux ou étrangers, ont été enlevés le 7 octobre par le Hamas, qui a relâché quatre femmes depuis. Le mouvement islamiste, qui avait menacé d’exécuter des otages, estime à “près de 50” le nombre d’entre eux tués dans les bombardements israéliens.
La branche militaire du Hamas a affirmé samedi dans une vidéo être prête à relâcher les otages, en échange de la libération de tous les Palestiniens incarcérés en Israël.
Ifat Kalderon, dont le cousin Ofer Kalderon serait détenu à Gaza avec des membres de sa famille, a déclaré à l’AFP qu’elle soutenait ce type d’échange.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré aux familles des otages qu’il explorerait “toutes les options” pour faire libérer les otages.
Les bombardements sur Gaza ont coïncidé avec une coupure des communications et internet à Gaza.
Des ONG et des agences de l’ONU ont indiqué avoir perdu le contact avec leurs équipes à Gaza.
Les opérations humanitaires et l’activité des hôpitaux “ne peuvent continuer sans communications”, s’est alarmée Lynn Hastings, une responsable de l’ONU.
Manque de produits anesthésiques
Le 9 octobre, Israël a imposé un “siège total” à Gaza, y coupant les approvisionnements en eau, électricité et nourriture, alors que le territoire palestinien était déjà soumis à un blocus israélien terrestre, aérien et maritime depuis plus de 16 ans.
“Beaucoup plus” de gens vont “bientôt mourir” en raison du siège, a indiqué le chef de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini.
Certaines opérations chirurgicales sont réalisées sans endormir complètement les patients en raison de la pénurie de produits anesthésiques, a alerté samedi Médecins Sans Frontières (MSF).
Léo Cans, chef de mission de MSF à Jérusalem en charge des territoires palestiniens a raconté l’opération cette semaine d’“un enfant de 10 ans, qu’on a dû amputer de la moitié de son pied gauche sous demi-sédation, sur le sol de l’hôpital dans le couloir parce que tous les blocs opératoires étaient pleins”.
Depuis le 21 octobre, 84 camions d’aide humanitaire sont arrivés via l’Egypte, selon l’ONU, quand il en faudrait au moins cent par jour.
Manifestations
Israël veut “anéantir” le mouvement islamiste, en représailles du 7 octobre. Ce jour-là, en plein Shabbat, le repos juif hebdomadaire, des centaines de combattants du Hamas se sont infiltrés depuis Gaza sur le sol israélien, où ils ont commis l’attaque la plus meurtrière dans l’histoire d’Israël.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé samedi l’Occident d’être “le principal coupable des massacres à Gaza”, qualifiant Israël de “criminel de guerre”.
Israël a dans la foulée annoncé rappeler ses diplomates de Turquie afin de “réévaluer les relations” entre les deux pays.
L’Arabie saoudite, qui avait amorcé un rapprochement avec Israël avant la guerre, a dénoncé une violation “injustifiée” du droit international.
Des milliers de personnes ont manifesté à l’étranger, à Londres et à Paris en soutien aux Palestiniens.
La communauté internationale redoute un embrasement régional, alors que l’Iran, soutien du Hamas et du Hezbollah libanais, a lancé des avertissements aux Etats-Unis, proche allié d’Israël.
La tension est aussi très vive en Cisjordanie occupée depuis 1967, où plus de 100 Palestiniens ont été tués par des soldats ou des colons israéliens depuis le 7 octobre.
A la frontière nord d’Israël avec le Liban, où les échanges de tirs sont quasi quotidiens entre l’armée israélienne et le Hezbollah, le siège des Casques bleus de l’ONU dans le sud du Liban a été touché samedi par un obus, sans faire de victime.
bur/mdr/vl © Agence France-Presse