
Un peu plus de 100 pages assorties d’une note de synthèse en français et en tahitien. Lundi 30 octobre 2023, le rapport d’observations définitives de la Chambre territoriale des comptes (CTC) portant sur le contrôle des comptes et de la gestion des exercices 2017 à 2021 de Tahiti Tourisme a été transmis aux médias.
En préambule, il est rappelé que le Groupement d’intérêt économique (GIE) est une entité de droit privé créée en 1992 à l’initiative du gouvernement avec “comme particularité de poursuivre un objectif d’intérêt général”, à savoir “assurer principalement la promotion touristique de la destination Polynésie française”, bien que son texte constitutif recense un total de 26 actions “ambitieuses”, mais “contraignantes”. La Chambre salue toutefois “un réel dynamisme” des équipes en place, des actions marketing à l’international “importantes”, et des opérations de sensibilisation de la population locale “visibles”.
Cinq nouvelles recommandations
Compte-tenu du précédent rapport de 2013, une attention particulière a été portée sur la gouvernance (respect du périmètre de l’objet social, stratégie et liens avec la politique publique du ressort du Pays, relations éventuelles avec la direction du tourisme, pilotage et performance, outils de gestion financière) et l’économie des moyens (l’activité promotionnelle, la situation financière, la procédure des achats, et la gestion des ressources humaines).
La CTC formule cinq nouvelles recommandations. La première consiste à “formaliser et diffuser auprès des membres et des administrateurs un recueil de déontologie et de prévention des conflits d’intérêt, dès 2023”. La Chambre estime que la gouvernance est “à consolider”. Lors du contrôle, il a été demandé à Tahiti Tourisme de justifier d’un dispositif de prévention des conflits d’intérêt concernant les administrateurs et plus largement tout élément portant sur la déontologie des membres et des administrateurs, ainsi que tout moyen formel de limitation du pouvoir d’ingérence des administrateurs sur les services. Aucun document sur ces aspects n’a été communiqué au cours de l’instruction, mais un recueil dédié serait en cours de rédaction.
Un financement à 98,2 % par le Pays
La deuxième recommandation suggère d’ “adresser à la collectivité de la Polynésie française une demande formelle d’instaurer une subvention unique, dès 2024 pour la mise en œuvre”. Le fonctionnement et les actions que Tahiti Tourisme conduit sont financés “quasi exclusivement” par les subventions octroyées par la collectivité de la Polynésie française. En 2021, sur un total de recettes de 1,628 milliards de francs, le Pays a versé 1,6 milliards, soit une contribution de 98,2 %. Le principe de subvention unique demandée par la Chambre doit être assorti de “conditions conventionnelles précises”, à savoir : “garantir à l’avenir par une formalisation améliorée, un dialogue de gestion avec la Polynésie française adapté aux montants significatifs en jeu, sur la base d’un financement unique, qui n’empêche pas les contrôles adaptés de la part du financeur”. Des discussions seraient en cours avec les services du Pays pour améliorer la procédure.
Justifier l’effectivité des actions de promotion
Troisième recommandation, et non des moindres : “Formaliser et adopter en assemblée générale et en conseil d’administration une stratégie pluriannuelle, dès 2023”, avec un premier pas franchi via la stratégie FM27. La Chambre salue des rapports annuels d’activité “de bonne facture”, mais regrette l’absence de recoupements, source “d’une certaine confusion”. “La première difficulté pour le GIE réside dans sa capacité à justifier l’effectivité de retombées économiques directes issues de ses propres actions de promotion, obstacle qui semble être communément partagé en matière d’économie touristique”, est-il souligné, en matière de mesure de performance. Dans la même lignée, la quatrième recommandation consiste à “mettre en œuvre des indicateurs de pilotage stratégique sous la forme de tableaux de bords synthétiques intégrés, dès 2023”, dans un souci de transparence.
La CTC encourage par ailleurs “la mise en cohérence des stratégies” de promotion de Tahiti Tourisme et Air Tahiti Nui, afin de diversifier les marchés de clientèle émetteurs. En 2019, les États-Unis et la métropole représentaient près de 60 % du total du nombre de touristes, alors que “l’accès au marché asiatique est considéré par le GIE comme une priorité”.
L’application du code des marchés publics est également préconisée par la Chambre, d’autant que Tahiti Tourisme procède à environ 8.000 engagements par an, qui donnent lieu à 12.000 à 15 000 factures, dont près de 50 % sont inférieures à 200 000 francs. Parmi les frais engagés, on retrouve les salons du tourisme, mais aussi la promotion dématérialisée, avec pour projet de rassembler les 12 sites web en une plate-forme unique multilingue.
“Une série de péripéties” à Papeete, en Californie et en Russie
Trois autres sujets stratégiques, ou “une série de péripéties”, ont retenu l’attention de la CTC, en commençant le Fare Manihini. Le coût de conversion d’une ancienne agence bancaire en office de tourisme à Papeete s’est soldé par une majoration de 85,7 %, passant de 35 à 65 millions de francs, en raison de la “découverte en cours de chantier de la présence d’amiante”, le tout sans convocation d’un conseil d’administration.
La fermeture annoncée de la filiale américaine Tahiti Tourisme North America (TTNA), basée en Californie avec sept salariés, est longuement détaillée. Depuis plusieurs années, il était constaté des “dérives importantes dans la gestion […] faisant face à des détournements de toute nature”, qui ont notamment conduit à deux licenciements, dont un litigieux. L’appel à une prestation de service est désormais envisagé.
Il est également question de “la prospection ratée” du marché russe en 2017 “en ayant recours à un intermédiaire imposé par le gouvernement”. Pour la CTC, ces exemples “témoignent de la nécessité de professionnaliser les méthodes de gouvernance, de pilotage et de contrôle interne”.
Ressources humaines et handicap
Cinquième et dernière recommandation : “Élaborer un plan RH pluriannuel adapté doté d’indicateurs de suivi de type SMART, dès 2023”, en dressant une liste d’actions d’amélioration à ordonner par ordre de priorité. “Un audit relatif à la qualité de vie au travail a été mené en 2019 dans le but de prévenir les risques psycho-sociaux et d’améliorer la qualité des relations de travail au sein du GIE”, tels que l’insécurité de l’emploi suite au plan de 2012 et l’exigence émotionnelle. Bon point : sur la période, 98 % de l’enveloppe disponible au titre de la formation professionnelle a été mobilisée. En revanche, un effectif manquant de travailleurs handicapés est constaté. “Le GIE, investi d’une mission de service public, devrait davantage considérer l’objectif social d’inclusion des personnes handicapées”, remarque la CTC.
En conclusion, “si des efforts récents de la part de la direction en fonction dans l’organisation du groupement sont observés, des marges de manœuvre subsistent sur des sujets clés”.
Le rapport complet assorti du droit de réponse de l’actuel directeur général du GIE Tahiti Tourisme sont consultables en ligne. Chaque point a été présenté et détaillé en conseil d’administration, le 9 octobre dernier.