
L’océan Pacifique occidental et central abrite les pêcheries thonières les plus vastes et les plus productives du monde, représentant plus de la moitié des captures mondiales de thon. Les stocks des quatre principales espèces de thon de la région – thon obèse, thon jaune, bonite et germon du sud – font l’objet d’une exploitation considérée comme durable.
“Cela dit, le recours à des dispositifs de concentration de poissons dérivants (DCPd) dans le secteur de la pêche à la senne soulève des inquiétudes quant au risque d’enchevêtrement des espèces marines non ciblées, de pollution marine et de dégradation des habitats côtiers fragiles” expliquent Lauriane Escalle, Gala Moreno et Tracey Holley dans la dernière Lettre des pêcheries éditée par la Communauté du Pacifique sud (CPS) à Nouméa. “Sachant qu’entre 23 000 et 40 000 DCPd sont mouillés chaque année dans les eaux de la région, il est urgent de réduire les effets des DCPd sur l’environnement.”
Il est “urgent” d’adopter “des DCPd biodégradables et non maillants”
Bien que les outils de localisation permettent aux senneurs de repérer leurs DCPd pour y effectuer
leurs calées, les DCPd perdus ou abandonnés qui dérivent en dehors des zones de pêche peuvent
avoir une incidence négative sur la vie marine, en raison des risques d’enchevêtrement et de dégra-
dation des habitats marins. Les filets, cordes et lignes utilisés pour assembler les DCPd forment une “queue” suspendue dans la colonne d’eau qui attire les thons, mais ils créent aussi un maillage sous la surface où peuvent s’enchevêtrer d’autres espèces telles que les requins et les tortues.
La CPS estime qu’il est devenu “urgent” d’adopter “des DCPd biodégradables et non maillants”, du type DCP “Méduse”. Mis au point par l’International Seafood Sustainability Foundation (ISSF) et les océanographes de l’Institut de Ciències del Mar de Barcelone (Espagne), ce nouveau système est actuellement mis à l’essai par la Communauté du Pacifique (CPS) et l’ISSF dans le cadre du projet 110 de la Commission des pêches du Pacifique occidental et central (WCPFC), complété par le programme technique de réduction des prises accessoires (BREP) de l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère des États-Unis.


La CPS, l’ISSF et les sociétés de pêche partenaires ont récemment déployé une première série de DCPd biodégradables dans le Pacifique occidental et central. Le nouveau modèle de DCP “Méduse”
– qui doit son nom à sa flottabilité neutre, qui lui permet de dériver entre deux eaux telle une méduse – est fabriqué au moyen de matériaux naturels, comme des tiges de bambou, de la toile de coton et des cordages en fibre de coton, qui se saturent en eau de mer en 20 à 25 jours. Des blocs composés de sable ou d’argile permettent de plomber le dispositif. Ils sont appelés à se dissoudre lentement dans l’eau dès que les tiges de bambou atteindront une flottabilité neutre.
“Les DCP de type méduse sont l’avenir de la pêche
industrielle écologique sur DCP”
“Dans ce modèle de DCP, la structure flottante en surface est très limitée : elle se compose uniquement de quatre flotteurs en plastique – seuls éléments non biodégradables du dispositif– et d’une balise satellite” précisent Lauriane Escalle, Gala Moreno et Tracey Holley. “Ce modèle à flottabilité neutre permet de réduire les contraintes exercées sur la structure par le vent, les vagues et les courants, ce qui améliore sa longévité. C’est un aspect clé de la conception, dans la mesure où les matériaux biodégradables ne sont pas aussi solides que les matériaux synthétiques. Dans l’idéal, les matériaux se dégraderont progressivement après 9 à 12 mois de vie utile, ce qui effacera en grande partie l’empreinte environnementale du dispositif. Les DCP de type méduse sont l’avenir de la pêche industrielle écologique sur DCP et permettront de réduire les risques d’enchevêtrement des espèces non ciblées, telles que les tortues et les requins, de même que les impacts provoqués par les DCPd perdus et abandonnés ainsi que par les éléments qui les composent.”
En phase de tests dans le Pacifique
Au total, 426 DCP “méduse” seront testés dans le Pacifique sur une période de deux ans (de la fin 2022 à la fin 2024). L’an dernier, 100 DCP “méduse” ont été fabriqués en Équateur. Fin 2022 et début 2023, ils ont été mis à l’eau par la flottille de senneurs des États-Unis (American Tunaboat Association et Cape Fisheries). Plus récemment, 100 unités supplémentaires ont été fabriquées aux États fédérés de Micronésie et huit d’entre elles dérivent aujourd’hui en mer après avoir été déployées avec succès par trois sociétés : Caroline Fisheries Corporation (États fédérés de Micronésie), FCF Co., Ltd (Taiwan) et Silla (Corée). Les autres DCP « méduse » seront confectionnés au cours des prochains mois aux États fédérés de Micronésie, aux Samoa américaines et en Équateur.