
L’examen parlementaire d’une loi renforçant le contrôle de l’immigration a débuté lundi en France, pris entre partisans à gauche et dans la majorité présidentielle d’un assouplissement pour les métiers en manque de bras, et la droite qui dénonce un “appel d’air” pour les clandestins.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a ouvert les débats devant le Sénat, dirigé par l’opposition de droite, en demandant à la chambre haute de “co-construire” avec le gouvernement “un texte ferme, juste et surtout efficace”.
Le projet de loi devra ensuite poursuivre son parcours législatif devant l’Assemblée nationale, où le chef de l’Etat Emmanuel Macron ne dispose que d’une majorité relative.
Sauf à trouver un compromis à droite ou à gauche, il pourrait passer aux forceps grâce à une disposition constitutionnelle (“article 49.3”) qui permet une adoption sans vote, si aucune motion de censure n’est adoptée.
Conscient du piège, le gouvernement a maintes fois reporté ce projet sur un sujet qui enflamme régulièrement la classe politique, sur fond de crise migratoire à l’échelle de l’Europe.
En présentant il y a un an les contours de la loi promise par M. Macron durant sa campagne de 2022, Gérald Darmanin a voulu en donner une image équilibrée: “être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils”.
Contexte tendu
Le volet répressif du texte veut notamment faciliter les expulsions d’étrangers délinquants, une demande forte à droite mais aussi, selon les sondages, dans l’opinion.
Le contexte s’est tendu sur ce sujet avec l’assassinat en octobre dans le nord de la France d’un professeur de français par un jeune Russe radicalisé.
Un tour de vis sécuritaire toutefois adouci par la promesse de faciliter leur régularisation pour les clandestins employés dans des métiers “en tension”, où la main d’oeuvre est difficile à trouver, un thème cher à la gauche et à une large partie du camp présidentiel.
“Nous chercherons des majorités”, a répété lundi la Première ministre Élisabeth Borne sur la radio France Inter.
Dimanche, M. Darmanin était également convaincu de trouver “une voie de passage” et rappelé son opposition au recours au 49.3, déjà maintes fois utilisé ces derniers mois.
“Illusionniste!”, lui a répondu lundi le patron des députés Les Républicains (LR, droite), Olivier Marleix, sur Europe 1, donnant le ton des débats à venir.
Emmanuel Macron a de son côté envoyé un signal à la droite en se disant prêt dimanche soir à élargir le champ des référendums aux questions de société, dont l’immigration, une demande pressante de la droite. “C’est insuffisant”, a commenté M. Marleix.
Au Sénat, droite et centristes aux commandes pourraient remanier le texte à leur main, à condition de s’entendre entre eux.
Car les deux alliés peinent à s’accorder sur l’article 3, qui prévoit un titre de séjour d’un an renouvelable pour les travailleurs sans papiers dans des secteurs en pénurie de main d’œuvre.
“Bon sens”
“On ne peut pas à la fois avoir un texte qui veut expulser plus, tout en régularisant plus”, argue auprès de l’AFP le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, alors que les demandes d’asile ont explosé en 2022 (+31,3 % par rapport à 2021), proche du record de 2019 (137.046 contre 138.420 premières demandes).
Cette mesure n’entraînera pas “un appel d’air” pour l’immigration illégale, a répondu Élisabeth Borne lundi, évoquant plutôt “une mesure de bon sens, largement partagée”, notamment par les employeurs.
En 2022, 34.029 sans-papiers ont été régularisés, en hausse de 7,8% par rapport à 2021.
La mesure divise jusqu’au sein de la majorité, l’aile sociale de la macronie l’ayant érigée en totem.
“La majorité est attachée à l’équilibre de ce texte”, a ainsi déclaré la députée Stella Dupont, rattachée au groupe Renaissance, se disant “troublée” par certaines “expressions” du gouvernement. “Je ne suis pas inquiète mais je ne voterai pas n’importe quoi”, a-t-elle prévenu.
Les débats porteront aussi sur l’instauration d’une politique de quotas migratoires déterminés annuellement par le Parlement ou encore la restriction des conditions du regroupement familial.
Trente-cinq associations et collectifs ont épinglé un projet de loi contraire aux “principes humanistes”, comme sur la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) pour les sans-papiers, que le Sénat veut réduire en aide médicale d’urgence.
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