Tuisina Ymania Brown-Gabriel, la voix des fa’afafine de Samoa

Tuisina Ymania Brown-Gabriel est une militante transgenre qui oeuvre pour l'égalité des sexes dans le Pacifique mais aussi dans le monde. Elle participe à la table ronde LGBT initiée par le Pays qui s'achève ce mercredi 8 novembre à l'université. (Photo : Facebook)
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À l’occasion de la première journée de la table ronde LGBTQIA+ (lesbienne, gay, bisexuel, transgenre, queer et intersexe et asexuel), mardi 7 novembre, dans l’auditorium du pôle de Recherche de l’Université de la Polynésie française, plusieurs intervenants (ambassadeurs, militants) du Pacifique et du fenua ont été conviés afin d’échanger sur les problématiques liées à la communauté de l’arc-en-ciel. Parmi eux, se trouve Tuisina Yamania Brown-Gabriel, trans fa’afafine (femme transgenre en samoan, Ndlr) samoane qui milite en faveur de l’égalité des sexes dans le Pacifique depuis la pandémie du covid-19.

Née à Samoa, elle a oeuvré dans de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) telle que l’association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexuées (ILGA) dont elle est l’actuelle co-secrétaire générale. Elle a notamment participé à des campagnes qui prônent une meilleure reconnaissance par le gouvernement Samoan de l’adoption d’enfants par des personnes LGBT. Entretien.

Pourquoi êtes-vous présente aujourd’hui ?

“Ma présence aujourd’hui est motivée par le slogan de cette conférence Our Voices, Our Rights and Our Pacific Way. Nos droits et notre façon de vivre sont souvent incompris par les pays occidentaux. Aujourd’hui, les habitants de Tahiti se lèvent pour reconnaitre le mahu comme partie intégrante de leur société. Dans le Pacifique, notre communauté n’est pas persécutée ou assassinée dans les rues contrairement à ce qui peut se passer dans les pays occidentaux. Pourquoi ? Car c’est de cette manière que le Pacifique fonctionne. Nous faisons partie d’une communauté, notre Peuple n’accorde aucune importance au fait de porter des robes ou non. Ce qui les intéresse réellement, ce sont les valeurs que nous apportons à notre société, à quel niveau nous contribuons pour notre famille.”

S’ils n’accordent aucune importance sur le fait de porter des robes, pourquoi certains territoires continuent-ils à pénaliser l’homosexualité ?

“La raison est simple, ce sont les lois coloniales implantées dans notre système gouvernemental. La cause LGBTQIA+, en particulier la dépénalisation, n’est pas une priorité pour eux, parce que la communauté LGBT n’est pas en proie à des tueries. Dans notre société, il n’y a aucune limite pour les mahu ou les fa’afafine. Certaines de ces personnes sont CEO (Chief Executive Officier ou directeur général NDRL) ou font partie du gouvernement. Certes, les actes sexuels entre deux hommes ou deux femmes sont illégaux, mais la loi est rarement appliquée. Ce n’est pas commun de voir une personne LGBT être emprisonnée pour son orientation sexuelle. En revanche, ce qu’il faut souligner c’est qu’il n’est plus possible en 2023 d’avoir une loi qui pénalise une personne d’aimer qui il a envie d’aimer.”

Quelles sont alors les priorités du Pacifique ?

“En réalité, les priorités du Pacifique sont d’abord, le changement climatique, en particulier pour les Kiribati, qui ont acheté 20 hectares de territoire aux îles Fidji car les habitants perdent leur terres. Mais aussi les violences faites aux femmes qui sont un fléau à Samoa. La loi n’est pas suffisamment sévère car je trouve inconcevable de libérer un homme au bout d’un mois d’incarcération alors qu’il a frappé sa femme à mort. Il reprend le cours de sa vie alors que sa victime se bat émotionnellement pour ne pas tomber en dépression. La cause LGBTQIA+ est très importante et c’est une chance d’être réunis aujourd’hui pour en discuter. Toutefois, il ne faut pas oublier les autres causes toutes aussi significatives, comme la violence faite aux femmes.”

Vous êtes militante pour l’égalité des sexes et des genres, où en êtes-vous aujourd’hui ?

“Je me bats actuellement pour la suppression de la peine de mort contre l’homosexualité dans onze pays du Moyen-Orient. Mon peuple ne doit pas mourir à cause de leur choix. Ces territoires qui fustigent cette différence sont membres des Nations Unies. Et puis, bien entendu, la dépénalisation de l’homosexualité, mais relatifs à certains territoires comme en Afrique ou en Asie, où il y a un sérieux besoin de travailler sur ce point-là.”

Quelles sont vos attentes par rapport à ce colloque ?

“Je veux que chacune des personnes qui sortent de ce séminaire reconnaissent que la manière dont le Pacifique gère ses territoires, n’est pas la même que celle des pays occidentaux. Je veux que chacun écoute les voix du Pacifique car ce sont elles qui détailleront les réelles priorités et leurs réels besoins. Être en présence de personnes comme moi est fortificateur. Mes batteries sont rechargées ! Ce colloque est un rassemblement de toute une communauté qui appartient au Pacifique depuis des millénaires.”

Lire notre article précédent : Table ronde LGBT – Le Pays veut promouvoir l’égalité des sexes et des genres dans le Pacifique

(Photo : Facebook)