Enquête Feti’i e Fenua : les Polynésiens de 40 à 59 ans sont majoritairement en couple, mariés et originaires de la même subdivision 

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L’enquête Feti’i e Fenua menée par l’Institut de la statistique (ISPF) en partenariat avec l’Institut national d’études démographiques (INED) apporte des informations sur les couples en Polynésie.

La génération décrite dans l’enquête est celle des 40 à 59 ans, génération pivot dans la population au sens où elle peut être amenée à vivre à la fois avec des enfants et des parents âgés. Les foyers multi-générationnels sont en effet nombreux en Polynésie française. 

Les résidents polynésiens de 40 à 59 ans sont majoritairement en couple (79 %) et originaires de la même subdivision (72 %). 

Au moment de la mise en couple, un tiers d’entre eux a emménagé dans la famille de l’un des conjoints et la moitié s’est installée dans un logement conjugal, les disparités géographiques étant importantes sur ce point. Parmi les conjoints ayant tous deux grandi hors de Tahiti, 39 % ont grandi dans deux îles différentes, traduisant des mobilités individuelles importantes. 

Huit personnes de 40 à 59 ans sur dix sont en couple, 65% des couples sont mariés

Les résidents polynésiens de 40 à 59 ans sont donc majoritairement en couple (79 %), dont 97 % vivent sous le même toit et 3 % séparément. Parmi ceux ayant déclaré ne pas être en couple (21 %), 2 % ont tout de même déclaré une relation amoureuse. Les femmes déclarent être plus souvent en couple que les hommes (82 % versus 75 %).
Parmi les personnes de 40 à 59 ans ayant déclaré être en couple, 65 % sont mariés, 33 % sont célibataires (au sens légal, c’est-à-dire jamais mariés), 1 % est pacsé et les autres sont divorcés (0,9 %) ou veufs (0,1 %). 

Baisse constante de la nuptialité 

Les couples sont un peu plus fréquemment mariés aux Australes et aux Marquises que dans l’archipel de la Société. Si le mariage demeure majoritaire, ce pourcentage modéré reflète le fait que le mariage est moins systématique et arrive plus tardivement dans les trajectoires conjugales. 

Une baisse de la nuptialité est en effet amorcée depuis plusieurs décennies en Polynésie française, puisque le taux est passé de 7,3 mariages pour 1 000 habitants en 1985 à 4,7 en 2000 et 4,2 en 2019 (cf. Bilan démographique 2020).

Les couples composés d’une femme et d’un homme représentent la plus grande partie des couples déclarés (97 %). Les autres situations conjugales sont des couples de même sexe (2,8 % des couples sont composés de deux hommes ou deux femmes) et plus rarement des couples dans lesquels au moins une personne s’identifie à des minorités de genre (mahu, rae rae ou autrement).

Les hommes ont en général 3 ans de plus

Le fait d’être en couple est corrélé au niveau d’éducation :les femmes et les hommes qui ont fait des études secondaires longues et des études supérieures sont en moyenne plus souvent en couple que les personnes qui n’en ont pas fait.
La différence d’âge moyenne absolue dans les couples déclarés est de 5,1 ans. Dans les couples hétérosexuels (97%), les hommes ont en moyenne 3,0 ans de plus que les femmes. Concernant les couples de femmes, la différence d’âge est de 6,5 ans et elle est de 4,3 ans pour les couples d’hommes.

Au moins un enfant pour neuf couples sur dix


Dans près de neuf couples sur dix, les conjoints ont eu au moins un enfant ensemble. Pour 24 %, ils ont eu au moins un enfant en dehors de leur couple actuel. Les personnes qui n’ont pas déclaré être en couple sont 59 % à avoir au moins un enfant.

72% des conjoints issus de la même subdivision

L’enquête Feti’i e Fenua présente l’originalité de documenter les lieux de vie des membres de la famille au fil de leur vie, notamment les lieux de scolarisation. Il est ainsi possible de s’intéresser aux origines géographiques des conjoints. Ces origines sont ici abordées par le lieu de vie des répondants au moment où ils ont suivi leur enseignement primaire.
La plupart des couples ayant effectué tous les deux leur scolarité primaire en Polynésie française est originaire de la même subdivision (72 %), ainsi que de la même île (63 %), notamment; de Tahiti, chose attendue compte tenu de son poids démographique dans l’ensemble de la Polynésie française. 

39% ont grandi dans des îles différentes (hors Tahiti) 

Les situations dans lesquelles les conjoints sont originaires de deux subdivisions distinctes en dehors des Îles du Vent (par exemple Australes/Marquises ou Îles-Sous-le-Vent/Tuamotu-Gambier) sont relativement rares (3 %).
Lorsque l’on examine ces origines en mettant de côté les personnes qui ont grandi toutes les deux à Tahiti, on observe que les cas où les partenaires ont grandi dans une île différente sont relativement fréquents (39 %). Cela reflète des mobilités individuelles importantes des Polynésiens et Polynésiennes dans l’enfance, l’adolescence ou en tant que jeune adulte.

95 % vivent sous le même toit

Parmi les personnes déclarant être en couple, 95 % vivent sous le même toit. L’enquête Feti’i e Fenua permet de documenter la manière dont les personnes se sont mises en couple et plus particulièrement où elles ont habité ensemble pour la première fois. La Polynésie française est caractérisée par une forte proportion de ménages étendus et multigénérationnels (par contraste avec les ménages conjugaux), il est ainsi possible que l’installation commune se fasse aux côtés des parents de l’un des conjoints.

Un tiers des couples ont emménagé dans la famille de l’un des conjoints

Un couple sur deux déclare avoir emménagé dans un logement “conjugal” au moment de la mise en couple (chez l’un des conjoints ou dans un nouveau logement). Un tiers des couples ont emménagé dans la famille de l’un des conjoints, 14 % dans un autre type de logement et 2 % ne se sont pas installés ensemble. Dans ce cas où les personnes disent s’être installées dans la famille de l’un des conjoints, aucune dynamique en faveur d’une lignée en particulier n’est observable : dans les couples composés d’une femme et d’un homme, 16 % se sont installés dans la famille de la femme et 18 % dans la famille de l’homme.
L’importance des installations dans la famille, probable effet de l’importance des familles étendues en Polynésie française, des solidarités familiales et des possibilités d’accéder au foncier par la famille, contraste considérablement avec les observations réalisées pour la France hexagonale où les conjoints s’installent très majoritairement dans un nouveau domicile ou dans le domicile individuel de l’un des deux membres du couple (Rault et Régnier-Loilier, 2015).

Disparités selon les subdivisions

Plusieurs facteurs semblent associés au fait d’investir un logement conjugal ou de s’installer dans le réseau de parenté.
Les couples ayant fait des études supérieures sont plus nombreux parmi celles et ceux qui ont emménagé dans un logement conjugal. Pour 24 % des couples qui se sont installés ensemble, au moins l’un des deux membres a fait des études supérieures, ils ne sont que 14 % parmi ceux s’étant installés aux côtés des parents.
Des disparités importantes sont observables suivant les subdivisions : l’installation aux côtés de la famille de l’un des conjoints est particulièrement répandue aux Îles Sous-le-Vent (près d’un cas sur deux) et dans une moindre mesure aux Îles du Vent. Inversement, ce type d’installation en couple est rare aux Marquises. 

Les Australes et les Tuamotu-Gambier sont dans une situation intermédiaire. Ces pratiques sont à mettre en relation avec des habitudes résidentielles variables selon les subdivisions de la Polynésie française : les Marquises se distinguent en effet de longue date par une proportion plus élevée de ménages conjugaux (Sierra-Paycha et alii, 2022).

Plus rares, les relations à distance

Au-delà du couple dans lequel les deux conjoints vivent sous le même toit, il existe d’autres configurations relationnelles. Le questionnaire permettait de déclarer deux types de situation : des relations de couple non-cohabitantes ou des “relations amoureuses”. Ces situations représentent 5 % des personnes. Elles sont en relation “à distance” au sens où les conjoints ne vivent pas sous le même toit, les deux situations se retrouvent dans des proportions similaires.

Se voir malgré la distance

Ne pas vivre ensemble ne signifie pas que l’on se voit rarement : un tiers des personnes dans cette configuration dit voir son conjoint tous les jours. Un autre tiers dit le voir toutes les semaines. À l’opposé, 15 % disent voir leur conjoint 3 fois par an ou moins. Ces disparités sont étroitement liées à la distance qui sépare les partenaires. Les configurations dans lesquelles ils vivent dans une certaine proximité, c’est-à-dire sur une même île, sont majoritaires (environ 69 %). Les trois quarts (74 %) déclarent que leur partenaire vit dans la même subdivision. Dans cette configuration, les partenaires se voient pour la plupart d’entre eux (86 %) au moins une fois toutes les deux semaines. Se voir à une telle fréquence est plus rare quand ils vivent dans une subdivision différente ou lorsque le partenaire ne vit pas en Polynésie française (46 %). Cette dernière configuration est toutefois peu fréquente : 8 % des personnes qui ne vivent pas sous le même toit ont déclaré un partenaire qui vit hors de Polynésie française : 5 % en France hexagonale, 2 % en Outre-mer et 1 % à l’étranger.

Situations contrastées pour les couples qui ne vivent pas ensemble

Le fait de ne pas vivre sous le même toit recouvre des situations contrastées. Parmi les personnes qui ont déclaré un conjoint non-cohabitant, les deux membres du couple vivent dans 60 % des cas dans la même subdivision (dont 50 % aux Îles du Vent) et 40 % dans des subdivisions différentes. Dans cette dernière situation, l’un des membres réside systématiquement aux Îles du Vent. Compte-tenu du poids démographique des Îles du Vent et de sa centralisation, en particulier de Tahiti, il est peu étonnant de ne pas retrouver de couples dans deux subdivisions éloignées.
La situation est un peu différente pour les personnes qui ont déclaré une “relation amoureuse”. En effet, elles sont plus fréquemment résidentes de la même subdivision et d’une même île. Les personnes dans cette situation sont plus couramment à proximité et voient plus souvent leur partenaire.