Le temps presse à huit mois des Jeux olympiques ! Le Pays n’est plus en mesure de suivre les procédures réglementaires de la commande publique, en raison des modifications qui devront être apportées à la tour des juges en aluminium ; le projet initial étant contesté par des associations de défense de l’environnement.
En conséquence, un projet de loi a été adopté le 29 novembre en commission et soumis, dans la foulée au Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC) qui a émis ce vendredi 1er décembre un avis favorable de 33 votes pour et 5 abstentions.
Au vu du contexte, le CESEC n’avait pas d’autre choix sous peine de voir les JO compromis. En effet, d’après les auteurs du texte, si la réglementation et les modalités de la commande publique étaient respectées telles qu’elles existent, avec ses délais et ses procédures, les travaux à réaliser sur la tour ne débuteraient qu’au début des épreuves !
Ce projet de loi du Pays portent “diverses adaptations et dérogations provisoires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la construction, de la reconstruction ou de la réfection des aménagements indispensables à la livraison et à l’organisation des épreuves olympiques de surf en Polynésie française.”
En clair, le projet de texte prévoit que les maîtres d’ouvrage puissent déroger à certains principes du droit commun relatif au Code Polynésien des Marchés Publics (CPMP).
Ce régime dérogatoire “JO” concerne les “marchés publics de travaux qui ont pour objet de répondre à des besoins strictement nécessaires à la construction, à la reconstruction ou à la réfection des aménagements indispensables à l’organisation et au déroulement des épreuves olympiques de surf 2024 sur l’aire de compétition de Teahupo’o, ainsi que les marchés publics d’étude, de maîtrise d’oeuvre et autres services connexes à ces marchés de travaux.”
“Une situation d’urgence mais…”
En préambule, le CESEC reconnaît une situation d’urgence dans le but de réussir une manifestation sportive “symbole de paix, d’unité et de dialogue entre les cultures et les peuples”.
Le Conseil prend acte également de la contestation de la tour des juges par une partie de la population, des écologistes, surfeurs ou habitants du village de Teahupo’o qui considèrent que le projet initial aurait des conséquences sur l’environnement en dégradant les fonds marins et en nuisant à la biodiversité du site.
Il prend acte également que le Pays et l’Etat ont accepté le principe d’un redimensionnement de l’ouvrage contesté.
Toutefois, les membres du CESEC s’interrogent sur les causes profondes de la situation actuelle. “Comment cette impasse advient-elle alors que le site de Teahupo’o a été choisi en mars 2020 ? “Aussi, cette gestion particulière dans l’urgence ne doit pas exonérer l’ensemble des responsables politiques du Pays d’une introspection sur les tenants et aboutissants de cet événement dont l’héritage économique, social et environnemental devra également être dressé.”
Par ailleurs, l’institution relève que certains éléments d’appréciation essentiels sur les coûts, la faisabilité et les délais sont en cours de réalisation au moment de la rédaction de l’avis. Dans ces conditions, le CESEC prône un meilleur encadrement des dérogations afin de préserver les fonds publics et d’éviter la création d’un précédent dérogatoire trop large dans la mise en oeuvre du CPMP.
Le CESEC rappelle enfin que “le respect du code des marchés publics reste une garantie d’équité et de transparence dans l’utilisation des deniers publics.”
Recommandations du CESEC
- la détermination sans équivoque dans la loi du pays de l’objet du régime dérogatoire comme étant la tour des juges et ses ouvrages connexes ;
- la fixation d’un montant plafond des coûts dédiés au régime dérogatoire ;
- le respect par les autorités des modalités d’exécution des marchés comme par exemple la publication au Journal Officiel de la Polynésie française des attributions de marchés qui seront conclus dans le cadre du régime dérogatoire ;
- la détermination de la date de fin du régime dérogatoire au plus juste selon les nouvelles contraintes de temps en cours d’élaboration.
Le coût des travaux de la tour est démesuré pour le CESEC au regard des retombées attendues de l’événement et des préoccupations quotidiennes de la population
Le CESEC rappelle que le coût initial budgétairement estimé de la tour des juges était d’environ 60 millions de F et le coût final est de 527 millions de F, avant modifications.
Il relève que le projet réglementaire semble acter le principe du “quoi qu’il en coûte” pour la modification de cette tour avec les mentions : “quelle que soit la valeur estimée de ces besoins” ou “quel que soit le montant de la modification en résultant”.
Selon les auteurs du projet de texte, les enjeux dépasseront le seuil des 35 millions de F nécessitant, en théorie, un marché formalisé pour la Polynésie française. Cependant, le CESEC note, que dans le cadre de la mise en oeuvre du CPMP pour des marchés de travaux, il est déjà admis les dépassements par avenant en dessous de 15 % du coût initial. Ceci permettrait en l’état une marge de manoeuvre de 79 millions de F dans le cas de la tour des juges. Le CESEC en déduit que cette enveloppe devrait donc être dépassée également.
Le CESEC prend également note d’un surcoût probable évoqué de l’ordre de 50 à 100 millions de F . Selon les éléments recueillis par l’institution, ce surcoût pourrait même atteindre 354 millions de F HT. Le coût des travaux de la tour est démesuré pour le CESEC au regard des retombées attendues de l’événement et des préoccupations quotidiennes de la population. Les estimations liées à l’adaptation de la tour des juges sont en cours et devraient pouvoir servir prochainement de base à la fixation d’un plafond.