L’Ifremer s’intéresse au potentiel économique et écologique des oursins

Guillaume Mitta et Thomas Camus au-dessus du bac des oursins-diadème juvéniles (Photos/Vidéo : ACL/LDT).
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Consommés crus ou cuits selon les espèces, les oursins sont un met très apprécié en Polynésie. En tant que baigneur, on a tendance à les fuir, mais ces animaux à la morphologie singulière sont pourtant aussi fascinants qu’utiles.

À l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) de Vairao, ils font l’objet de travaux de recherche ciblés depuis 18 mois. Cette étude est menée par Thomas Camus, ingénieur en zootechnique, et Manaarii Sham Koua, technicien aquacole, sous la direction de Guillaume Mitta, responsable du laboratoire des Ressources Marines en Polynésie française et directeur de l’Unité mixte de recherche (UMR) Santé et services des écosystèmes polynésiens (Secopol).

Deux espèces à la loupe

Deux espèces locales de vana sont actuellement passées à la loupe : l’oursin-diadème (tara roa) et l’oursin à bonnet de moine (hāva’e). “On est parti sur ces deux espèces parce qu’on les trouve naturellement autour du centre, ce qui laisse penser que le milieu leur convient en termes de qualité de l’eau et de nourriture, et aussi parce qu’on les retrouve ailleurs dans le monde dans des projets similaires”, explique Thomas Camus.

Les oursins-diadème juvéniles issus de la première production obtenue grâce à des géniteurs mesurent aujourd’hui entre 3 et 4 centimètres de diamètre. À deux mois de vie, ils n’étaient pas plus gros qu’un grain de sable blanc, soit pas plus d’un millimètre.

Leur bonne croissance est associée à plusieurs points de vigilance. “Au premier stade de leur vie, ils consomment des micro-algues dans la colonne d’eau, puis ils se métamorphosent et restent posés au sol. C’est sur cette transition qu’on travaille en ce moment, avec des bouts d’algues, du bio-film, etc. De par la composition de leur carapace, ils sont très sensibles au pH de l’eau. S’il est trop acide, ils ont du mal à la former”, détaille l’ingénieur, à titre d’exemples.

Repeupler pour les pêcheurs et pour l’écosystème

Autant de données essentielles à la mise en œuvre de ce projet pensé comme une aquaculture de repeuplement, avec un double objectif à la fois économique et écologique. “Notre mission est de contribuer au développement de filières commerciales, mais on se tourne aussi de plus en plus vers une aquaculture qui fait du bien à l’environnement, en restaurant des populations surpêchées ou en décroissance”, souligne Guillaume Mitta.

L’ambition va même plus loin, à plus ou moins long terme. “Repeupler des herbivores permet de limiter les méfaits du développement des algues sur les coraux. On fait d’une pierre deux coups en redonnant la possibilité à la population de pêcher de l’oursin, pour le consommer ou le vendre, tout en contribuant à restaurer la fonction écologique qu’ils exercent dans l’écosystème”, poursuit-il.

Outre les huîtres perlières ou le platax, ces nouvelles recherches, qui incluent l’huître de roche et des poissons herbivores, présentent aussi l’avantage de diversifier les activités. “C’est crucial pour la résilience de l’économie polynésienne face aux défis liés au changement climatique. Au niveau de l’autonomie alimentaire, il y a aussi cet enjeu de répondre aux besoins en protéines sans forcément passer en amont par la production de farines animales“, remarque le responsable du laboratoire.

Des essais-pilotes fin 2024 ?

Augmenter la production, définir la taille favorable au réensemencement, organiser le suivi en mer, voici quelques-uns des prochains défis qui attendent l’équipe en charge du projet sur les oursins. Les premiers essais en milieu naturel pourraient intervenir entre fin 2024 et début 2025 sur des zones-pilotes, en lien avec les communes et la population.

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