Agriculteurs: la tension monte d’un cran en France avec le démarrage du “siège” de Paris

Autour de Paris, au moins huit "points de blocage" autoroutiers ont été prévus par les syndicats qui ont annoncé un "siège de la capitale pour une durée indéterminée", la FNSEA et les Jeunes agriculteurs. (Photo AFP)
Autour de Paris, au moins huit "points de blocage" autoroutiers ont été prévus par les syndicats qui ont annoncé un "siège de la capitale pour une durée indéterminée" (Photo : AFP).
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La mobilisation des agriculteurs partout en Europe a franchi un nouveau cap lundi en France avec le démarrage du “siège” de Paris, qui fait craindre une “semaine de tous les dangers” entre paysans en colère et forces de l’ordre françaises.

Entre blocages d’autoroutes et défilés de tracteurs, la grogne agricole s’est d’abord manifestée en décembre et janvier en Allemagne, avant de toucher la France, mais aussi la Roumanie, la Pologne, ou encore la Belgique. Des agriculteurs ont bloqué lundi les axes de circulation menant à plusieurs ports allemands, dont celui de Hambourg (nord), protestant contre la suppression d’un avantage fiscal.

“Les blocages autour de Paris comptent un millier d’agriculteurs et un peu plus de 500 engins”, a affirmé en soirée à l’AFP une source policière qui relève que “l’objectif de tenir jusqu’à vendredi est manifeste”.

Dans toute la France, “un peu moins de 10.000 agriculteurs étaient mobilisés sur le terrain” lundi, “avec près de 5.000 engins”, selon la même source.

Autour de Paris, au moins huit “points de blocage” autoroutiers ont été prévus par les syndicats qui ont annoncé un “siège de la capitale pour une durée indéterminée”, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs (JA).

Dans une nouvelle tentative de désamorcer la crise, les patrons de la FNSEA et des JA ont été conviés en fin d’après-midi à une rencontre avec le chef du gouvernement français Gabriel Attal, alors que l’exécutif a annoncé “de nouvelles mesures dès” mardi.

Non convié, le syndicat minoritaire Confédération paysanne, de gauche, appelle les autres organisations à porter principalement “deux mesures“: “l’arrêt des accords de libre-échange et la suspension immédiate de toutes les négociations” et “l’interdiction formelle de l’achat des produits agricoles en dessous de leur prix de revient”.

Le président français Emmanuel Macron a lui réuni dans l’après-midi plusieurs ministres à l’Elysée pour un “point sur la situation agricole“. Il devait ensuite partir en Suède mardi et mercredi, avant un Conseil européen extraordinaire à Bruxelles jeudi.

Il s’y entretiendra avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen des mesures de soutien attendues par les agriculteurs. L’échange portera notamment sur le gel de l’accord commercial que l’UE négocie avec le Mercosur et l’arrivée de produits ukrainiens dans l’Union, selon la présidence française.

Explosion des importations

Face au risque de débordements, 15.000 membres des forces de l’ordre ont été mobilisés. Dès dimanche soir, un important dispositif comprenant des blindés de la gendarmerie avait été déployé aux abords de Rungis, le plus grand marché de produits frais du monde, au sud de Paris, a constaté l’AFP.

Alors que des dizaines de tracteurs ont organisé une opération escargot dimanche sur une autoroute du Sud belge, et que plusieurs ports dont celui de Hambourg, le plus grand du pays, ont été bloqués lundi par des agriculteurs allemands, le siège de Paris résonne comme un nouveau cap dans la mobilisation européenne.

Episodes climatiques extrêmes, grippe aviaire, flambée des prix du carburant ou afflux de produits ukrainiens exemptés de droits de douane, les facteurs communs de mécontentement ne manquent pas.

La nouvelle politique agricole commune européenne (PAC), qui renforce depuis 2023 les obligations environnementales, et les législations du “Pacte vert” européen (ou “Green Deal”)- même si elles ne sont pas encore en vigueur – cristallisent tout particulièrement la colère.

Chute du nombre d’exploitations

La France a beau être le premier bénéficiaire des subventions agricoles européennes avec plus de neuf milliards d’euros par an, ses paysans dénoncent une PAC selon eux déconnectée du terrain.

“La France est l’un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent”, pointait un rapport sénatorial français en septembre 2022. En vingt ans, elle est passée du deuxième au sixième rang mondial pour ses exportations – et au troisième européen, après les Pays-Bas et l’Allemagne.

“Les importations alimentaires en France explosent : elles ont doublé depuis 2000 et représentent parfois plus de la moitié des denrées consommées en France dans certaines familles”, poursuivait cette étude.

Les agriculteurs européens dénoncent une concurrence déloyale, notamment parce que les produits importés ne sont généralement pas soumis aux mêmes réglementations.

Le nombre d’exploitations agricoles a en outre été divisé en France par quatre en 50 ans: de 1,5 million en 1970, elles sont désormais moins de 400.000.

M. Attal, qui s’est rendu dimanche sur l’une d’entre elles, avait annoncé vendredi l’abandon de la hausse d’une taxe sur le gazole des tracteurs et des sanctions lourdes contre des industriels de l’agroalimentaire ne respectant pas les lois sur les prix. Des mesure insuffisantes pour les protestataires.

Le mouvement actuel est la troisième crise d’ampleur à laquelle est confronté le pouvoir depuis le début du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, après la réforme des retraites qui a déclenché des manifestations populaires monstres en 2023, et l’adoption d’une loi immigration controversée en décembre. Sans compter, lors de son premier mandat, le soulèvement des “gilets jaunes” (fin 2018-début 2019).

AFP