Interdiction d’aller en mer : un surfeur tahitien réputé “comprend” mais “regrette”

Teva n'est le porte-parole de personne mais il affirme que de nombreux surfeurs ont regretté de ne pouvoir aller à l'eau "dépasser leurs limites". (Maoti à Mahina, photo DG/LDT)
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Teva (prénom d’emprunt) est l’un de ces milliers de surfeurs tahitiens presque autant poisson qu’humain à force de sessions de glisse, plusieurs heures tous les jours depuis qu’il est tout petit. Il est même réputé tout autour de l’île pour une petite spécialité bien à lui mais que La Dépêche se gardera de préciser, puisqu’il préfère garder l’anonymat, avouant avoir désobéi à l’interdiction d’aller à l’eau prononcée par le Haut-commissariat de la République. Il a surfé “en face de chez lui” sur un spot “qu’il connaît les yeux fermés” et ne “s’est pas fait prendre”, à la différence d’une bonne vingtaine d’autres surfeurs verbalisés par la gendarmerie. Il n’en tire aucune gloire mais tient à expliquer que ce type d’interdiction reste parfois largement incompris des sportifs qui se préparent précisément à ce type de conditions. Entretien.

Tu contestes l’utilité de l’interdiction d’aller en mer décidée par les services de l’État ?

Les autorités ont leurs raisons, c’est normal. En tant que surfeur, on va dire qu’on est tous athlètes depuis notre enfance, on s’entraîne pour ce genre de conditions. Là, ce qui nous a surpris, c’est cette interdiction pour une dépression alors qu’on a surfé quasiment à l’occasion de tous les cyclones depuis notre enfance. Pour Oséa, pour Martin, pour Oli, on a surfé mais il n’y avait pas les mêmes restrictions de sécurité. Jamais une interdiction de surfer n’avait été prononcée à ma connaissance. Je comprends les questions de sécurité mais il y a quand même un petit coup de gueule de surfeurs, car on rate de belles occasions de pouvoir dépasser nos limites. C’est aussi cette adrénaline que l’on cherche, on a l’habitude d’affronter la nature telle qu’elle est. Ça reste un challenge et on trouve dommage de ne pas pouvoir le relever, de ne pas pouvoir nous exprimer pleinement.

Tu es allé surfer hier mercredi lorsque la mer était vraiment agitée ?

Non pas mercredi, avec le vent et compagnie, les conditions n’étaient pas bonnes. Mais aujourd’hui, ce jeudi, ça n’est pas la même histoire. De toute façon dans le surf, on guette toujours la météo sur 2 ou 3 jours. Je ne dois pas être le seul à souhaiter aller à l’eau, d’ailleurs j’y suis allé ce matin, en face de chez moi, je connais le spot les yeux fermés. Tous ceux qui s’entraînent pour être prêts à surfer de telles conditions trouvent que c’est dommage de le leur interdire, à mon avis. Alors oui, si ce sont des petits jeunes, on peut comprendre l’interdiction. Et on peut comprendre aussi que ce serait compliqué pour les autorités de faire la distinction entre les surfeurs confirmés et les débutants. C’est la raison pour laquelle c’est “pour tout le monde”. Je veux juste dire que pour nous, certains surfeurs très entraînés, c’est dur à avaler de ne pas pouvoir surfer ces conditions-là.

L’idée des autorités, c’est sans doute d’éviter de devoir consacrer des secours, peut-être plus utiles ailleurs, pour aller chercher des personnes qui n’arrivent pas à revenir au rivage ?

Oui, c’est ce qu’on disait par rapport aux surfeurs débutants. Mais pour certains surfeurs suffisamment qualifiés physiquement et psychologiquement, on connait les courants marins. Ça n’est pas comme les baïnes en France où on se fait vraiment emporter vers le large. Ici la plupart des courants tourbillonnent et à un moment ça te ramènera au bord, ça ne sert à rien de lutter contre le courant, il vaut mieux te laisser emporter. Cette histoire me rappelle un code rouge à Teahupoo. Des surfeurs dans le monde entier ont vu que la vague allait recevoir une houle monstrueuse venue de l’Antarctique. Ils sont venus à Tahiti, souvent accompagnés d’un photographe, ils ont payé des billets d’avion, des chambres. Et arrivés sur le site, la gendarmerie qui leur dit de ne pas aller à l’eau… Ils sont tous quand même partis surfer, de mémoire !