SOS “détresse” au sein de la police nationale 

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Comme nous l’écrivions hier jeudi 2 février, deux plaintes de femmes officiers au sein de la Direction territoriale de la police nationale (DTPN) ont été déposées en fin d’année dernière, auprès du procureur, contre le chef de la police Mario Banner. Des plaintes pour harcèlement moral. 

Leur avocat, Thibaud Millet, s’exprime aujourd’hui pour “replacer le débat dans son contexte” alors que le syndicat Alliance Police annonçait hier jeudi qu’il avait déposé lundi une plainte et qu’une enquête administrative était lancée contre deux officiers (dont l’une des deux plaignantes), leur reprochant des propos racistes. 

Maître Millet précise que les deux femmes qu’il défend sont “deux commandantes de police, l’une polynésienne et l’autre sous contrat, qui travaillent ensemble dans le même service, elles ont déposé chacune une plainte pénale contre Monsieur Mario Banner, pour des faits de menace, de harcèlement moral, et de dénonciation calomnieuse.”

Il souligne par ailleurs que “plusieurs agents et officiers de police, pour la plupart polynésiens, reprochent au directeur territorial de la police nationale, monsieur Mario Banner, un management brutal et clanique, des faits de dénonciation calomnieuse et de menaces, et des faits de harcèlement moral, caractérisés notamment par des propos blessants, mensongers, et diffamatoires.”

Il va plus loin en affirmant que “depuis quatre mois, c’est toute la tête de l’état-major de la police en Polynésie qui est en souffrance et en arrêt de travail du fait du comportement de son directeur.”

C’est dans ce contexte que l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) est venue en mission cette semaine, de lundi à ce vendredi, à Tahiti. 

Fonctionnement de la DTPN et souffrance au travail

L’IGPN s’est déplacée pour faire un point sur la mise en place de la Direction territoriale de la police nationale (DTPN) telle qu’elle est organisée depuis un an mais elle disposait également d’un dossier sur l’état de détresse au travail au sein de la police. Elle a interrogé des dizaines de personnes dont les chefs de filières de la Direction territoriale de la police nationale (DTPN), les responsables du Service général de l’administration de la police (SGAP), du cabinet du Haut-commissariat, des syndicats, de la gendarmerie. 

Le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI) indique, de son côté, dans un courrier que l’inspection est venue pour deux raisons : le fonctionnement de la DTPN un an après son installation et la souffrance au travail. 

Le syndicat, par la voix de son secrétaire général, Christophe Rouget, souligne dans une lettre officielle remise à La Dépêche de Tahiti que les plaintes des deux officiers “n’est pas un fait anodin. Cela fait suite à plusieurs situations de souffrances similaires subies depuis plusieurs années par d’autres officiers avant elles, qui ont exercé ou exercent encore dans plusieurs services de la direction, qu’ils soient sous contrat ou polynésiens. Des insultes, des stigmatisations d’agents lors de réunions officielles et dans les mails qui installent une autorité par la peur et les menaces, ne sont pas tolérables.”

Timiona Hapaitahaa, représentant du personnel, membre de l’unité syndicale SGP FO majoritaire confirme cet état de fait et parle “d’une situation de détresse des collègues bien réelle et qui ne date pas d’hier avec plusieurs plaintes de la part de personnels de son corps d’encadrement et d’application, les hommes de terrain, à l’encontre de Mario Banner.”

Pour Christophe Rouget, ce management nocif doit cesser pour la bonne marche des services partout sur le territoire national mais également en Polynésie française. Il ajoute qu’il se doit d’intervenir aujourd’hui au vu “des prises de positions publiques de ces derniers jours et pour défendre l’honorabilité des officiers injustement attaqués.” 

Il fait référence à un témoignage paru jeudi sur le site de nos confrères de TNTV qui rapportait des propos racistes de la part d’un officier. Le syndicat Alliance Police a précisément déposé une plainte lundi auprès du procureur contre deux officiers, leur reprochant des propos racistes. Le secrétaire général du syndicat, Johan Tehihipo évoquait, sur le site de TNTV, un climat délétère au sein des équipes de police : “Ce sont des faits qui ont été récurrents, et dont les plus récents datent de la fin d’année 2022, déclarait-il. On est dans une situation de détresse qui est palpable et qu’on ne souhaite pas aggraver. Prudent, M. Tehihipo en appelait au discernement de la population : “Il n’est pas question d’amalgamer tous nos collègues métropolitains. Lorsque le respect est mutuel, les choses fonctionnent bien“.

Pour Maître Millet, “contrairement à ce que prétend le syndicat Alliance, ce dossier n’est absolument pas une affaire de racisme entre Polynésiens et métropolitains. Il est totalement irresponsable, surtout de la part d’un syndicat de police, d’attiser ainsi la haine raciale. C’est non seulement hors de propos et abject, mais aussi inutilement dangereux. Si des propos racistes avaient été tenus devant et contre des policiers, ils auraient évidemment fait l’objet de rapports d’incidents, de signalements, et de plaintes pénales immédiates…et certainement pas d’une plainte syndicale plusieurs mois après, le jour de l’arrivée d’une inspection, et alors même que la personne accusée est en arrêt de travail depuis 4 mois !  Il ne faut pas jouer avec le racisme, c’est un phénomène réel sérieux qui doit être combattu avec force, et qui ne doit pas être instrumentalisé à des fins syndicales ou personnelles. Nous appelons donc le syndicat Alliance à la prudence et au sens des responsabilités afin que l’enquête puisse être menée sereinement.”

Nous avons contacté Mario Banner qui n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Son poste est officiellement “susceptible d’être libéré” selon les termes d’un communiqué public diffusé à tous les commissariats nationaux.