Manifestations en France: moins de violences, les syndicats invités par la cheffe du gouvernement

(Photo : Christophe ARCHAMBAULT / AFP)
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La 10e journée de manifestations mardi contre la réforme des retraites en France a été marquée par une fréquentation et des violences en repli, dans un climat général restant très tendu, malgré une invitation des syndicats par la Première ministre.

Le ministère de l’Intérieur a évalué à 740.000 le nombre de personnes ayant marché contre la réforme des retraites, dont 93.000 à Paris. Le 23 mars, lors de la précédente journée de mobilisation, ils étaient plus d’un million sur tout le territoire, dont 119.000 dans la capitale.

Le syndicat CGT a de son côté fait état de 2 millions de manifestants, contre 3,5 millions jeudi dernier. A Paris, ils étaient 450.000 mardi, contre 800.000 manifestants il y a cinq jours, de même source.

Moins peuplées, les marches étaient également moins violentes. Des affrontements brutaux étaient craints après ceux ayant opposé samedi manifestants et forces de l’ordre dans une région rurale du centre de la France sur fond d’hostilité à un projet de retenue d’eau.

A Paris, les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser un groupe de casseurs, dont certains, vêtus de noir et visages masqués, ont pillé un commerce et allumé un feu de poubelles, ont constaté des journalistes de l’AFP.

La police a fait état de 55 interpellations dans la capitale vers 20h30 locales (18h30 GMT°.

Les forces de l’ordre ont tiré des grenades de gaz lacrymogène pour “disloquer” “le bloc” et permettre “l’intervention des pompiers”, a-t-elle ajouté.

Les syndicats français ont appelé mardi soir à une onzième journée de “grève et de manifestations” le jeudi 6 avril, avec une nouvelle grande journée de grève et de manifestations partout dans le pays.

Peu après cette annonce, la Première ministre Elisabeth Borne a invité les syndicats à une rencontre “lundi ou mardi” prochain, a indiqué le secrétaire général du syndicat CFDT Laurent Berger.

Un “mail lapidaire”, selon M. Berger, qui “ira discuter des retraites”, notamment pour défendre sa “proposition de médiation” afin de sortir du conflit.

“On a encore besoin d’en discuter en intersyndicale”, a nuancé la co-déléguée de Solidaires, Murielle Guilbert, qui veut mettre “des conditions avant de s’asseoir à une table”.

– Bouteilles d’acide –

La préfecture des Ardennes (est) a dénoncé mardi des “violences graves” en marge de la manifestation qui a réuni 4.000 personnes à Charleville-Mézières, déplorant des jets de projectiles sur les forces de l’ordre, dont des “bouteilles d’acide”, et annonçant 18 interpellations.

Quelque 49 personnes ont été interpellées à Nantes (ouest), où une agence bancaire a été incendiée et le tribunal administratif visé, et six à Rennes (ouest), où de nombreuses dégradations ont eu lieu, selon les autorités.

Dans l’est, Strasbourg, Besançon et Nancy ont aussi connu des échauffourées, alors qu’à Toulouse (sud-ouest), les forces de l’ordre ont fait usage d4un canon à eau.

L’opposition à cette réforme emblématique du second quinquennat d’Emmanuel Macron, qui retarde l’âge de départ de 62 à 64 ans, s’est radicalisée depuis que le gouvernement a fait passer le texte sans vote à l’Assemblée, s’exposant à des motions de censure qui ont échoué le 20 mars à le renverser.

De nombreux policiers, gendarmes, casseurs et manifestants ont depuis été blessés et des bâtiments publics incendiés, avec notamment des petits groupes de casseurs opérant de nuit.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait annoncé un “dispositif de sécurité inédit” mardi avec “13.000 policiers et gendarmes, dont 5.500 à Paris”.

Et le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a assuré mercredi que l’exécutif était “le rempart à la violence illégitime”, tout en rejetant la proposition des syndicats de recourir à une “médiation”.

“On a l’impression que peu importe ce que l’on fait, rien ne change”, regrette Suzanne, étudiante de 21 ans interviewée par l’AFP à Lyon (centre-est). “Ils nous poussent à bout, mais ne nous auront pas à l’usure”.

Parallèlement, les blocages, piquets de grèves et manifestations continuent depuis des jours, perturbant l’approvisionnement en carburant de certaines régions françaises et certains axes routiers ou dépôts logistiques.

La circulation des trains était fortement perturbée mardi. Et l’aviation civile a demandé mardi aux compagnies aériennes de renoncer à une partie de leurs vols jeudi et vendredi, notamment à Paris-Orly, en raison de la grève des contrôleurs aériens.

Plus de 15% des stations-service de France étaient lundi à court d’essence ou de gazole, particulièrement dans le sud, l’ouest et la région parisienne.

A Paris, la Tour Eiffel et l’Arc de Triomphe sont fermés pour cause de grève, tout comme le château de Versailles.

Et des milliers de tonnes d’ordures, qui servent de combustibles à des groupes de casseurs le soir, défigurent toujours la capitale française après plus de trois semaines de grève des éboueurs. Mais les syndicats ont annoncé la “suspension” de leur mouvement à partir de mercredi.

– “Nul besoin de médiation” –

Tout en restant inflexible sur la réforme, le gouvernement clame sa volonté d'”apaisement”. Elisabeth Borne a ouvert lundi trois semaines de consultations, avec les parlementaires, les partis politiques, les élus locaux et les partenaires sociaux.

Les syndicats, qui ont mis en garde contre un dérapage incontrôlé de la contestation, n’entendent pas renoncer sur l’âge de départ à la retraite, clé de voûte de leurs mots d’ordre, qui rassemblent régulièrement des centaines de milliers de personnes depuis janvier.

Le leader de la centrale réformiste CFDT Laurent Berger, qui réclame une “pause”, dans cette réforme, a demandé mardi à l’exécutif de mettre en place une “médiation” pour “trouver une voie de sortie”. “La France ne se mène pas à coups de trique”, a de son côté prévenu Jean-Luc Mélenchon, le héraut de la gauche radicale.

“Nul besoin de médiation”, a rétorqué le porte-parole du gouvernement, qui se dit prêt à négocier sur tout un tas de sujets liés au travail. Il estime cependant que la réforme est passée et que son sort est entre les mains du Conseil constitutionnel.

A noter dans les cortèges un plus grand nombre de jeunes, notamment mobilisés sur la question des violences policières, dont certaines ont été largement partagées sur les réseaux sociaux. Le Conseil de l’Europe a critiqué un “usage excessif de la force”.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sera auditionné à l’Assemblée nationale sur la “gestion du maintien de l’ordre” dans les jours qui viennent, a d’ailleurs indiqué une source parlementaire.

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