Trois ans avec sursis requis contre l’ex-prêtre Sergio Tefau

Sergio Tefau à gauche. (Photo : YP)
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Parole contre parole. C’est ainsi que l’on peut résumer cette unique journée d’audience destinée à juger l’ex-curé de la paroisse Sainte-Thérèse, Sergio Tefau, accusé d’avoir agressé sexuellement deux adolescents mineurs en 2017, après les avoir fait boire et leur avoir montré des films pornographiques. S’il a reconnu avoir eu une “relation privilégiée” avec l’un des adolescents, il a nié tout au long de l’audience avoir commis le moindre délit, même si son attitude vis-à-vis de la principale victime a plus qu’étonné le tribunal tout au long de l’audience. Le procureur a demandé une peine de trois ans de prison avec sursis. Le délibéré sera rendu le 17 octobre.

Rapprochement

Suspendu par le diocèse depuis les faits, Sergio Tefau ne fait plus partie de l’Église depuis les révélations du père d’une des victimes à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE). Passé par Paea et Taravao, le père Sergio Tefau a été nommé à la prestigieuse paroisse de Sainte-Thérèse en 2016. Quelques mois plus tard, il a pris sous son aile une famille de paroissiens en difficulté qu’il a installée près de l’église. Une relation amicale presque fusionnelle s’est développée entre cette famille et l’homme d’Église, puisqu’ils partageaient la majorité de leurs repas. Si l’activité religieuse était avant tout ce qui liait le curé et le père de famille, le prêtre s’est rapproché de manière fondamentalement malaisante de l’un des adolescents du foyer.

Il inondait l’adolescent de cadeaux 

En à peine plus d’un an, il a offert au jeune homme de 17 ans deux smartphones, deux vélos haut de gamme, des vêtements, des casquettes, une enceinte, ou encore des écouteurs sans fil, pour une somme de plusieurs centaines de milliers de francs. Mieux encore, après quelques séjours avec les jeunes de la paroisse dans les îles, l’homme d’Église a payé un voyage aux États-Unis au jeune homme, argent de poche inclus. Un séjour où l’adolescent a déclaré être surpris de constater que le curé avait réservé une seule chambre avec un seul lit.

Je me suis laissé emporter par ma générosité et mon affection naturelle“, a déclaré Sergio Tefau. Le Président du tribunal lui demande alors comment il finance tout cela avec sa maigre indemnité. L’ex-curé répond sans sourciller : “Parfois, les gens de la paroisse me donnent de l’argent dans une enveloppe“. Le président rétorque : “Pour vous ?”. “Oui“, répond le curé. Les paroissiens généreux apprécieront l’utilisation de ces fonds.

Ça jase les jours de messe

Les rumeurs concernant cette proximité douteuse circulent sous le mobilier liturgique au point qu’on grave “curé pédophile” sur l’un des bancs de l’église. On ne peut qu’admettre que l’attitude du curé envers la victime est suspecte, du moins moralement discutable. Une profusion de cadeaux et, comme une malsaine contrepartie, des “câlins” interminables, plusieurs fois par jour, entre l’adolescent de 17 ans et son curé de 41 ans à l’époque. Le comble de l’embarras, c’est cette nuit d’hôtel réservée par le curé, où il invite la victime, avec la bénédiction de parents étrangement apathiques. C’est cette nuit-là que Sergio Tefau, après lui avoir fait boire une dizaine de verres de whisky, aurait pratiqué une fellation sur le jeune homme. La victime avoue les faits deux ans plus tard, juste avant de quitter le territoire “pour fuir tout ça“, déclare-t-il à la barre.

Une relation “ordinaire”

L’ex-curé, qui a reconnu être homosexuel après plus d’un an de procédure, a toujours nié les faits. “Je regrette d’avoir été trop proche de lui, mais c’était une relation ordinaire“, a-t-il expliqué. Il a sous-entendu que la famille de la victime et un cousin, à qui le prêtre aurait soulevé le t-shirt devant un film porno, inventaient toutes ces histoires pour lui faire perdre sa place, notamment dans l’organisation des activités de la paroisse destinées aux jeunes dont il avait la charge.

“Un homme qui ment, qui dissimule et manipule”

L’avocat des victimes a commencé par justifier les évolutions des déclarations de la victime tout au long de la procédure. Ce n’est que lors de sa dernière audition, alors qu’il avait la certitude de partir intégrer l’armée en métropole, qu’il a donné tous les détails de la scène sordide. En état de sidération, il se souvient très bien avoir fait semblant de dormir lorsque le prêtre l’a agressé. La plaidoirie s’est également attardée sur cette “affection disproportionnée et déplacée” de la part d’un homme qui s’est “imposé dans cette famille comme Machiavel“, a déclaré l’avocat des deux victimes, qui a présenté ses demandes de dommages et intérêts par écrit au président.

La citation complète du procureur est : “Même si cela nous titille, nous ne sommes pas là pour juger une faute morale”. Il n’est pas non plus question de l’homosexualité du prêtre, ni même de la manière dont il n’a pas respecté son vœu d’abstinence. “Ce que nous jugeons, c’est une agression sexuelle commise par un homme qui ment, qui dissimule et manipule”. Il requiert une peine de trois ans de prison avec sursis.

Parole contre parole

L’avocat de l’ancien homme d’Église met, comme prévu, en avant les contradictions des différents témoignages de la victime, en attaquant vivement le président du tribunal à qui il reproche d’avoir mené une instruction uniquement à charge. Il rappelle lui aussi qu’il n’est pas question ici d’homosexualité, ni même de relation consentie. Son client a toujours nié. Après avoir critiqué le magistrat principal, il critique également les enquêteurs qu’il qualifie “d’hystériques“. “Nous sommes dans une situation de pure parole contre parole“, dit-il, avant de remettre au juge une pétition signée par 327 paroissiens demandant le retour du curé. Après une longue série de témoignages en faveur du prévenu, il demande tout simplement la relaxe de son client.

Le délibéré sera rendu le 17 octobre.

YP