Le “Lionel Messi” du trafic d’ice écoule plus de 600 grammes à Tahiti

La cargaison a passé les contrôles américains et locaux sans encombre, cachés dans des coussins de voyage.
La cargaison a passé les contrôles américains et locaux sans encombre, cachés dans des coussins de voyage. (Photo : archives LDT)
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Trois prévenus en détention provisoire sont extraits de cellule pour l’audience, ce jeudi 23 février, du tribunal correctionnel. Un homme et deux femmes comparaissent libres dans la même affaire, un trafic d’ice entre les Etats-Unis et Tahiti en avril 2022. 700 grammes ramenés de Los Angeles et vendus en Polynésie. Une cargaison qui a passé les contrôles américains et locaux sans encombre, cachés dans des coussins de voyage. C’est dans le cadre d’une surveillance quelques jours plus tard que le réseau tombe.

Face au tribunal, on trouve un jeune couple, les deux mules. Lui en détention et elle revenue de métropole pour son procès. L’oncle de la jeune femme est un spécialiste du trafic avec plusieurs condamnations à son casier, notamment dans la célèbre affaire Sarah Nui. 

Il est le financier et le grossiste du réseau. Cet homme est chargé de mettre en contact les deux transporteurs et le fournisseur américain. Le père de la jeune mule, frère du revendeur et l’une de ses maîtresses de l’époque, sont accusés d’avoir blanchi, ou plutôt dépensé, une belle part de l’argent provenant du délit.

C’est le tonton, présenté comme l’initiateur de l’opération, qui répond “je suis comme Lionel Messi” quand on lui demande comment il trouve ses clients pour revendre de l’ice. “Pas besoin de chercher”. Ils viennent chez lui, car sa réputation le précède. 

Ce ballon d’or de la meth donne tout d’abord deux millions de francs à sa nièce et son compagnon pour qu’ils se rendent aux États-Unis chercher de l’ice, et accessoirement effectuer la séance shopping du siècle. 

Partis avec trois kilos de bagages, ils reviennent avec 72 kilos de vêtements en soute ! A leur retour, l’homme revend pour plus de 600 grammes d’ice. Pour un chiffre d’affaires de 70 millions de francs annonce-t-il. Dont trente millions qu’il garde, et qu’il investit en partie dans des crypto-monnaies après avoir effectué une formation à Dubaï sur le sujet. Les quarante autres millions pour le jeune couple qui s’est rendu sur place.

Un autre homme reçoit 50 grammes. Surnommé “Biggie”, il est présenté comme celui qui sait où trouver la drogue aux États-Unis. “La pulga” locale l’a rencontré en prison, et quand sa nièce et son concubin veulent monter l’opération dit-il, c’est Biggie qui leur dit où aller à Los Angeles. A-t-il donné un nom et un rendez-vous précis ? Non, selon lui. Juste un quartier où se rendre. Le tribunal ne semble pas faire confiance à ce Biggie, qui a d’ailleurs refusé de répondre à la moindre question en garde à vue.

Plus de 20 millions de francs d’achats “plaisir”

Puis il y a le père de la voyageuse, le frère du super vendeur. L’annonce de sa fonction provoque une réaction générale dans la salle. Ancien policier municipal, il est aujourd’hui agent chargé de la prévention de la délinquance à la mairie de Papeete. 

“Au courant de rien”, dit-il, au moment du voyage. Mais lorsque sa fille et son compagnon lui déposent de l’argent en cash, 27 millions de francs, il comprend. Il comprend, mais ne fait rien. Pire, il cache l’argent chez sa maîtresse et décide sans scrupule de profiter de cette montagne de billets. 

Décrit comme dépensier depuis toujours, il le confirme avec un beau score : 20 millions de francs flambés en trois mois. Nuits d’hôtel et restaurants, deux paddles, un va’a, une rôtissoire, des pneus, des meubles, un scooter T-Max, un SUV. Ce dernier véhicule est mis au nom de sa maîtresse, la dernière prévenue, l’une des trois femmes qui partage sa vie au moment des faits.

Le procureur insiste sur le fléau qu’est l’ice au Fenua. Il rappelle les tarifs : six dollars le gramme au Mexique. Entre dix et trente dollars aux États-Unis. 240 000 F le gramme en moyenne à Tahiti. Pour le tonton déjà condamné, qui est d’ailleurs sous bracelet électronique pendant qu’il vend la drogue, il demande huit ans de prison ferme. Pour les deux mules cinq ans, dont un avec sursis, avec mandat de dépôt. Cinq ans et maintien en détention pour celui qui a donné le contact du fournisseur. Quatre ans, dont deux avec sursis pour le père flambeur, avec mandat de dépôt. Pour la maîtresse de l’agent de prévention de la délinquance, le procureur déclare : “Si l’amour rend aveugle, la cécité a des limites”, il demande trois ans de prison, dont deux avec sursis.

Les avocats des différents prévenus tentent tous la même opération. Amoindrir le rôle, et donc les peines encourues par leurs clients. A les entendre, tout le monde a bien participé, mais personne n’est à l’initiative de l’opération. Tous insistent sur la “démesure” des peines de prison requises par le procureur. 

21h30 fin des plaidoiries. Le délibéré sera rendu ce vendredi 24 février à 17h.

Compte-rendu d’audience : Y.P