Le GIGN à Raivavae après l’agression de gendarmes, un père et son fils condamnés

Le gouvernement a décidé le maintien du prix du transport maritime à son niveau actuel. (Photo STS)
Le gouvernement a décidé le maintien du prix du transport maritime à son niveau actuel. (Photo STS)
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Sept heures du matin aux Australes. C’est la cohue sur le quai de Raivavae le 14 mars 2023, comme à chaque arrivée du navire Tuhaa pae IV qui ne passe que tous les deux mois. Sur place se trouvent les trois gendarmes de l’île. Ils ne sont pas “en opération”, mais sont venus récupérer du matériel. Ils en profitent pour aider les habitants à décharger le fret.
Également présent un père de 45 ans, pêcheur et ancien boxeur pro, entouré, comme à la barre, de ses deux gigantesques fils au gabarit de joueurs NBA. L’homme est natif de Raivavae.

Parti s’exiler notamment aux Etats-Unis pour sa carrière de boxeur, il est revenu s’installer sur son île il y bientôt cinq ans. Il parle anglais et tahitien, mais très mal le français selon son entourage. L’interprète, absent au tout début de l’audience, est d’ailleurs demandée par la famille présente, ce qui retarde grandement le procès, qui s’achève après 22 heures.

Depuis des semaines voire des mois, les rapports entre la famille et les forces de l’ordre se sont dégradés. D’un côté, il y a les gendarmes et un chef de poste qui doit répondre à des soupçons de vol. De l’autre, une famille fatiguée d’être ciblée par ces mêmes gendarmes et sans cesse contrôlée, à scooter, à vélo électrique, ou encore quand elle pèche.

Le père s’estime respectable. Il fait vivre dix personnes chez lui avec son seul salaire. Des témoignages d’habitants, évoqués par le président du tribunal, décrivent en revanche une ambiance qui s’est dégradée sur l’île, en tout cas dans le quartier, depuis son retour.

Les plus négatifs des commentaires de certains riverains décrivent un caïd. Il a, il est vrai, onze condamnations à son actif pour vols ou violences. Selon le président du tribunal, ce casier judiciaire justifie à lui seul les soupçons et les contrôles des forces de l’ordre.

Retour sur le quai

Alors que la famille a des colis à récupérer, notamment un matelas pour le nouveau-né d’un des fils, regarder les gentils gendarmes aider à décharger la marchandise fait monter la colère du père, et les insultes débutent.

Un des gendarmes, d’origine antillaise, est ciblé. Il a droit au classique “rentre chez toi”, ou “rentre dans ton pays”, phrases devenues presque des gimmick dans le quotidien des hommes en uniforme, à quoi le père rajoute à plusieurs reprises un nauséabond “Sale nègre ! Dégage !”

C’est là que son niveau de français intervient. Il argumente qu’il a dit “nègre” voulant traduire “Siki”, mais qu’il ne connait pas le sens péjoratif du mot. Le “dégage” ou “rentre chez toi”, c’est selon lui une sorte de “dégage le passage”, parce qu’il veut accéder à ses colis.

La rixe débute. C’est là que son niveau de boxe, cette fois, intervient. Un gendarme tombe KO au tout premier crochet. La bagarre s’étale alors sur plusieurs minutes. Le plus jeune des fils frappe également un gendarme.

Les trois hommes en bleu, de l’aveu de tous les témoins présents, font tout pour apaiser la situation. Ils parent les coups, esquivent tant bien que mal, mais ne répondent pas. Pour ne pas envenimer la situation, ils ne tentent pas d’interpeller la famille, rentrent à la brigade, et appellent des renforts. C’est dans un avion de l’armée que douze hommes du GIGN sont alors envoyés le lendemain sur place pour procéder aux interpellations, puis au rapatriement des suspects en garde à vue à Papeete. Le père est en détention depuis.

La procureure le cible d’ailleurs comme principal responsable. Avant sa colère, le climat est serein devant le navire et les gendarmes font simplement leur travail, ils apportent leur soutien à la population. Elle rappelle que les prévenus ont déjà de la chance, car ni le caractère raciste des insultes, ni la menace n’ont été retenus parmi les chefs d’inculpation.

Elle parle ensuite du second fils qui n’a peut-être frappé personne, mais qui a bien participé. Selon la représentante du ministère public, en cas de cambriolages ou braquages, celui qui fait le guet est impliqué même s’il ne rentre pas dans la maison. Tous doivent donc être condamnés selon elle, même celui qui n’a pas directement cogné un gendarme, car ils ont tous porté atteinte à l’autorité publique.

Elle demande des peines de six mois avec sursis et quatre mois ferme pour les deux fils. Deux ans, dont six mois avec sursis et l’interdiction de se rendre à Raivavae pendant 5 ans pour le père. Une annonce qui fait l’effet d’un électrochoc chez la famille du prévenu

“On n’évince pas quelqu’un de son île”

Pour l’avocate de la famille, un des fils n’a rien fait. S’il est agressif, c’est qu’il a un matelas a récupérer mais aucun témoin et aucun gendarme ne le voit donner un coup. Elle demande la relaxe. Le second fils n’a pas de casier. Il a participé, porté un coup de poing, entraîné par son père, mais il n’est à l’initiative de rien soutient l’avocate. Elle souhaite une peine de sursis légère ou des travaux d’intérêt général (TIG). Elle exprime ensuite les regrets du père, prêt à assumer, mais 18 mois de prison ferme “c’est trop” dit-elle. Elle clame qu’on n’évince pas quelqu’un de son île, “ce serait une double peine”, avant de demander une sanction plus adaptée.

Le tribunal suit la défense et relaxe un des fils. Il condamne le second à 117 heures de TIG à réaliser dans les 18 mois s’il veut éviter quatre mois de prison. Le père est maintenu en détention, condamné à 18 mois de prison ferme. Il pourra rentrer à Raivavae à l’issue de sa peine. 

Compte-rendu d’audience : Y.P