Nouvelle majorité Tavini – Quelle réaction pour les élus marquisiens autonomistes ?

Benoît Kautai, maire de Ua Pou et actuel président de la Communauté de Communes des Îles Marquises. (Photo : archives La Dépêche)
Benoît Kautai, maire de Nuku Hiva et actuel président de la Communauté de Communes des Îles Marquises. (Photo : archives La Dépêche)
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Ce mercredi 3 mai, La Dépêche de Tahiti a contacté Benoît Kautai, maire de Nuku Hiva, récemment réélu représentant Tapura à l’assemblée de Polynésie française mais aussi, président de la Communauté de communes des Îles Marquises (Codim), créée en 2010.

Et c’est plus précisément sur ces fonctions que nous l’avons contacté, afin de recueillir les réactions des tavana du Henua Enana, appelés les Hakaiki, sur les résultats des Territoriales de ce dimanche 30 avril, avec la victoire historique du Tavini huiraatira.

Benoît Kautai n’a pas souhaité s’exprimer pour le moment, informant La Dépêche de Tahiti que la Codim se réunirait le semaine du 8 mai à Tahiti et y organiserait une conférence de presse. Thèmes probablement abordés : réactions sur les résultats du scrutin mais aussi, très probablement, la question du statut de l’archipel qui, historiquement, se veut pro-autonomiste, voire “départementaliste”.

Pour rappel, la question du statut de l’archipel des Marquises est un sujet de longue date. Lucien Kimetete, disparu en mai 2002 dans un tragique accident d’avion avec la délégation du Fetia Api au large de Makemo, avait déjà soulevé le souhait d’un rattachement des Marquises directement à la Métropole, “face au désir d’hyper-centralisation à Papeete de Gaston Flosse”….

 En octobre 2007, lors de la visite de Christian Estrosi (alors secrétaire d’État à l’Outre-mer) dans la “Terre des hommes”, plusieurs maires lui demandent la création d’une nouvelle collectivité d’outre-mer, séparée de Tahiti et directement rattachée à la France. Gaston Flosse et Oscar Temaru accusent à l’époque le secrétaire d’État d’être derrière ces revendications marquisiennes. Le leader du Tavini dénonçant alors un “acte de banditisme inadmissible indigne d’un Etat du XXIe siècle.” Du côté du Tahoeraa, pour Gaston Flosse, Estrosi est à ce moment responsable selon lui “d’une pagaille monumentale en laissant supposer qu’il ne s’opposait pas à ce que l’archipel dispose d’un statut particulier qui le distinguerait du reste de la Polynésie.

En 2016, lors d’une visite d’Édouard Fritch, président du Pays, dans l’archipel pour l’inauguration de la navette destinée à la desserte des Marquises du Sud, les six maires de l’archipel, sous l’égide de Félix Barsinas, président de la Codim à l’époque, demandent un changement statutaire avec plus d’indépendance décisionnaire et un partenariat triangulaire avec l’Etat et la Polynésie française. Félix Barsinas déclare alors: “Nous aimerions que l’on nous donne plus d’autonomie et de prise de décisions au niveau des archipels.”

Un archipel, trois possibilités

Lors de la visite d’Annick Girardin (ex-ministre des Outre-mer) aux Marquises, en 2018, le statut de l’archipel est à nouveau remis sur le tapis. Pour la Codim et les six maires des Marquises qui la composent (Nuku Hiva, Hiva Oa, Ua Pou, Tahuata, Fatu Hiva et Ua Huka), il faut que l’archipel dispose d’une existence juridique propre. Pour les élus marquisiens, trois axes de réflexion sont envisageables :

  • Devenir un département d’outre-mer, prévu par l’article 73 de la Constitution.
  • Devenir une collectivité d’outre-mer (rendue possible par l’article 74 de la Constitution) avec l’exemple de Saint Barthélémy aux Antilles.
  • La notion d’archipel via, par exemple, un Conseil des archipels et un transfert de compétences.

Enfin, plus récemment, le 21 novembre 2022, lors de la troisième édition des rencontres entre maires et élus organisée par la délégation sénatoriale aux outre-mer, Joseph Kaiha, maire de Ua Pou et vice-président de la Communauté de communes des Îles Marquises exprime au nom de cette dernière, un souhait de “faire évoluer à un stade supérieur la vie communale dans nos archipels.” Lors de ses déclarations, il regrette : “En dix ans d’expérience de notre vie communautaire, nous n’avons pas évolué en matière de développement économique par rapport à nos compétences”. Puis affirme : “nous souhaitons (les maires des Marquises/CODIM, NDLR) faire évoluer les compétences en matière de gestion au sein de la communauté de communes des Marquises, en passant à la création d’une communauté d’archipel.”

Il termine ensuite ses déclaration ainsi : “Depuis presque un demi-siècle, le développement de la Polynésie s’est implanté à Tahiti, comme si on avait planté l’arbre du développement de la Polynésie sur l’île de Tahiti et que les branches parvenaient jusque dans les archipels. Nous demandons à planter l’arbre du développement de notre archipel avec l’exercice des compétences de développement, au niveau de notre archipel, les Marquises. Si nous voulons développer l’archipel des Tuamotu, plantons-y l’arbre du développement, tout comme aux Australes, aux îles Sous-le-Vent et aux Marquises.”

Teva Rohfritsch, sénateur de la Polynésie française est également présent lors des ces rencontres. Il déclare : “Nous ne pouvons pas faire à nos propres collectivités ce que nous reprochons souvent à Paris. Nous devons accepter de les entendre et de travailler dans la co-construction parce que, lorsqu’il faut changer un lampadaire ou traiter de questions quotidiennes à 1 500 km de Papeete, nous ne pouvons décemment pas opposer à nos maires un principe de centralisation du pouvoir. Dans un geste de confiance et de responsabilisation, nos communautés d’archipel peuvent prendre place dans le débat que nous avons sur cette évolution institutionnelle”