Assemblée – Le Rapport d’orientation budgétaire vise “la maîtrise des dépenses”

Le gouvernement veut faciliter les relations avec l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI)
Le gouvernement Brotherson présente aux élus de l'assemblée ses orientations budgétaires pour l'exercice 2024 : une exigence de rigueur et une volonté de gouverner autrement. (Photo archives LDT)
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Le président du Pays, Moetai Brotherson, a fait parvenir, le 11 octobre aux représentants de l’assemblée de la Polynésie française, le Rapport d’orientation budgétaire (ROB) du gouvernement, en vue du débat lors de l’examen du budget primitif de l’exercice 2024.

Un débat, rappelle d’emblée le chef de l’exécutif, qui “s’inscrit dans un contexte particulier tant à la fois sur le plan politique avec le renouvellement de la classe politique en mai 2023, que sur le plan budgétaire dont le défi majeur est de rétablir la maîtrise des dépenses publiques qui a connu un sursaut face au contexte 2020-2021, dans un contexte inflationniste.”

Le document d’information remis aux élus fait 113 pages, dont La Dépêche ne présente aujourd’hui que les grandes orientations budgétaires et leur “philosophie politique” sous-jacente, abondamment détaillée et justifiée. Avant de les aborder, le gouvernement rappelle le contexte économique international “avec un net ralentissement de l’activité”, les perspectives pour la France dont l’économie “peine à sortir de sa torpeur”, les nombreux facteurs de risque, le rappel de la situation budgétaire du Pays de 2018 à 2022, la structure de la dette et bien sûr le rappel du budget 2023 en cours d’exécution.

Les orientations budgétaires pour 2024 sont les premières que présente le gouvernement Tavini élu lors des dernières élections territoriales et il assure qu’elles “reflètent d’ores et déjà une partie de ses ambitions.”

Pour une fiscalité “plus juste et équitable”

Moetai Brotherson prévient toutefois qu’en raison de l’inertie de la “machinerie territoriale”, lui et son équipe ne peuvent “impulser instantanément la rupture avec le passé“.

“Afin de conforter la soutenabilité budgétaire au service des politiques publiques sectorielles de la collectivité”, la structuration du budget du Pays sur les prochaines années s’établit sur la base des orientations suivantes :

Une révision de la fiscalité pour la rendre plus juste et plus équitable,

Une stabilisation de la pression fiscale voire son abaissement, pour libérer davantage l’activité économique et rendre du pouvoir d’achat aux consommateurs,

Une politique de maîtrise des dépenses publiques pérenne particulièrement au niveau du fonctionnement de l’administration et de la masse salariale,

Une optimisation de l’allocation des ressources budgétaires pour servir mieux et plus efficacement l’action publique au bénéfice du développement économique, de la concurrence, de la création d’emploi et de valeur ajoutée,

Un soutien confirmé à la commande publique dans les domaines structurants du Pays (infrastructures, transports, logements, santé, …),

Une rationalisation de l’accompagnement budgétaire dans le cadre des réformes structurelles de la protection sociale,

Une amélioration du soutien aux personnes vulnérables au travers d’une aide sociale ciblée,

Une gestion optimisée de la dette pour redonner à la collectivité des capacités d’intervention maximales.

Selon le ROB, “le contexte économique actuel favorise la situation budgétaire de la Polynésie française”. Le bon résultat financier de la collectivité en 2022 se reproduira sur cette année 2023, assure l’exécutif, “porté par un regain d’activité dans de multiples secteurs, le tourisme restant toutefois le moteur essentiel.”

La politique budgétaire du Pays sur les prochaines années “mise sur ce contexte positif tout en étant attentive aux évolutions internationales susceptibles de l’affecter.” Le secteur touristique et la consommation des ménages “devraient rester soutenus et permettre une progression de la croissance économique sur 2024”.

D’abord, “changer la gouvernance”

Le changement de gouvernance est “l’ambition première que s’est fixée le gouvernement pour les cinq prochaines années”. Il s’agit de promouvoir, à tous les niveaux de l’administration, une manière de gouverner “qui favorise l’unité, la confiance et la concertation autour de valeurs communes : l’égalité devant la loi pour garantir une société juste, la responsabilité individuelle et collective pour assurer une gouvernance efficiente, et la solidarité nécessaire à la cohésion sociale.”

Le gouvernement rappelle que l’administration du pays comptait, au 31 décembre 2022, 8 129 agents répartis dans 51 services administratifs, 13 établissements publics administratifs et une autorité administrative indépendante, pour un coût total avoisinant les 48 milliards de francs.

Les dépenses de personnel correspondent à un tiers du budget de fonctionnement. Selon le ROB, il devient “impératif de les contenir par la modération des recrutements temporaires”.

Les dépenses de transferts, qui représentent près de la moitié des dépenses de fonctionnement, “seront réorientées à terme vers les besoins de solidarité et de santé. Pour ce faire, les dépenses de transferts progresseront pour l’exercice 2024, notamment pour compenser la suppression de la contribution pour la solidarité (CPS, ou “TVA sociale”).

Par ailleurs, le Fond intercommunal de péréquation (FIP), à qui profite la hausse des recettes fiscales, “va également bénéficier d’un versement important sur les prochaines années”.

Les intérêts de la dette vont progressivement se réduire à 3,3 milliards de francs “du fait de l’annulation de 3 milliards de francs du PGE2”.

Selon le ROB, la stratégie financière de 2023 à 2027 se base “sur la réduction de l’encours de la dette du Pays et l’amélioration de la capacité d’autofinancement en maîtrisant les dépenses publiques, pour redonner de la marge de manœuvre budgétaire au gouvernement.”

La dette cumulée du Pays à fin 2022 est de plus de 156 milliards de francs et son annuité (intérêts et capital) “qui restait en deçà des 12 milliards de francs il y a 3 ans, est désormais de 16 milliards de francs”.

Malgré une épargne nette qui décroît sur 2024 et 2025, “le désendettement de la Polynésie française se poursuit en 2024 avec un recours à l’emprunt limité à 10,5 milliards de francs”.

Une inscription de 10,4 milliards de francs d’emprunt “permettra d’accorder 30 milliards de francs de crédits de paiement nouveaux.”

Brotherson ne veut plus d’un “pays à deux vitesses”

(Photo : archives LDT)

“Vivre dans un pays à “deux vitesses” est un constat d’inquiétudes et de défis pour un nouveau gouvernement. Le constat complémentaire qui se dégage de l’examen en toute objectivité de notre société est une perte progressive de valeurs, une perte de cet héritage culturel de peuple autochtone, une perte de ce savoir vivre, de ce savoir être, d’une vie partagée en communauté malmenée par une plus forte individualisation de la société et la disparition progressive d’une identité d’autochtone, de mā’ohi” peut-on lire dans le Rapport d’orientation budgétaire (ROB).

Des constats “tout du moins normaux dans une société qui s’occidentalise, fortement métissée de surcroît ; nous vivons, en effet, désormais dans un monde ouvert et différent”. Selon le gouvernement Tavini, “la spécificité d’une société dont les traditions sont séculaires est de vivre la modernité dans le respect de ses valeurs et coutumes ancestrales”.

Il estime qu’il faut pour cela baser l’action politique sur des piliers stables, “essentiels et inéquivoques”, qui rassemblent, fédèrent et sont en mesure de structurer le futur du Pays. Le gouvernement entend affirmer ses ambitions et ses priorités politiques autour de trois grands piliers que sont : “FA’ATURA (RESPECTER) ; FA’AORA (SOUTENIR) et FA’ATUPU : BATIR”