Biomatériaux – La fibre de coco, alternative au cordage plastique ? 

À l'occasion de la Semaine européenne de réduction des déchets (SERD) dont l'Agence de la transition écologique (ADEME) est partenaire, l'Union des producteurs d'objets compostables de Polynésie française (UPOC-PF) s'est réuni, le temps d'une soirée, à Papeete afin de présenter les entreprises qui la composent. (Photo : DR)
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À l’occasion de la Semaine européenne de réduction des déchets (SERD) dont l’Agence de la transition écologique (ADEME) est partenaire, l’Union des producteurs d’objets compostables de Polynésie française (UPOC-PF) s’est réuni, le temps d’une soirée, à Papeete afin de présenter les entreprises qui la composent. Il s’agit de Biobase tahiti, Au’a tahiti, Biopack, Cocorig, Ninamu solutions et Technival. Leur point commun : fabriquer des objets compostables et être en capacité de les composter.

Pour la plupart ce sont de jeunes entrepreneurs comme Ayana Champot, fondatrice de Biobase Tahiti. La toute jeune présidente de ce mouvement espère insuffler un vent écologique sur la Polynésie et ses acteurs privés et publics. Ces entrepreneurs ont pour but de fabriquer des objets et emballages du quotidien, allant de la vaisselle au contenant les plus divers comme des pots ou bouteilles qui seront intégralement compostables à l’échelle domestique.

La Dépêche de Tahiti a rencontré récemment l’un de ces entrepreneurs à l’occasion d’un séminaire sur les biomatériaux à l’université. Benoît Parnaudeau, dirigant de l’entreprise Polyacht et porteur du projet Cocorig, un cordage en fibres de coco, qu’il a initié en 2020. Entretien.

L’exemple de Cocorig

Benoît Parnaudeau, dirigant de l’entreprise Polyacht et porteur du projet Cocorig.
(Photos : LC)

Comment exploitez-vous votre biomatériau ?

“Nous récupérons les demies noix de coco issues de la coprahculture. Dans la bourre de coco, il y a deux tiers de tourbe (résidu poudreux, Ndlr) et un tiers de fibres, que nous séparons : la tourbe est récupérée par la ferme Vaihuti Fresh de Taha’a qui l’utilise comme terreau de semier et nous récupérons la fibre pour faire des cordages. On plonge les bourres de coco dans de l’eau de mer pendant deux mois. Puis, on les passe dans une défibreuse, avant de les faire sécher pendant 48 heures au soleil. Lorsqu’elles sont prêtes, la machine file les fibres puis les tresse en cordage.

À l’époque, il était nécessaire de diversifier la source de revenus des coprahculteurs et, dans le même temps, on a des cordages en plastique dans les fermes perlières qui polluent le lagon. C’est dommage parce que traditionnellement on fait le nape. Donc on a pensé que produire du cordage avec les ressources locales serait bénéfique pour le fenua. Telle est notre idée de départ.”

Un cordage résistant

Quels ont été les principaux défis associés à votre projet ?

“D’abord, nous avons eu un temps limité pour fabriquer le prototype. Nous avons aussi fait venir une machine d’Inde mais c’était une veille machine qui date de 40 ans. Il a fallu la remettre en état et faire des modifications. C’était vraiment au niveau de la mécanique que nous avons eu beaucoup de difficultés mais elle est nécessaire pour produire le cordage.”

Quelles sont les différences, par rapport à un cordage “normal”, notamment en terme de résistance ? 

“Nous n’avons pas encore assez de retour d’expérience. Mais le cordage peut, à priori, durer trois ans dans de l’eau de mer. Toutefois, dans un environnement plus sain que l’eau, le cordage peut durer très longtemps. Par exemple, la cathédrale de Rikitea a été reconstruite très récemment et, toute la charpente est ligaturée par du nape. De plus, ils ont réutilisé trois quarts du cordage manié déjà il y a 150 ans. Donc, on peut se dire que le cordage pourrait durer autant d’années. 

Nous faisons des tests dans l’eau de mer et, pour le moment, tout se passe bien. Nous avons donné du cordage à Coral Gardeners mais les algues prolifèrent beaucoup plus vite que sur un cordage en plastique. Et donc, cela gène le développement des coraux. En parallèle, nous avons utilisé ces cordages pour tenir les pieds de tomates de la ferme Vaihiti Fresh et, pour le moment, elles résistent. Donc, on continue nos examens afin de trouver une meilleure solution pour le long terme.” 

“Une société d’abondance où il y a beaucoup de gaspillage”

Quelles sont vos attentes par rapport à ce séminaire ?

“D’abord, de rencontrer des personnes qui font la même chose que nous, de voir ce qui est fait ici et peut-être, être inspiré pour de nouvelles idées. Personnellement, je veux valoriser les déchets parce que nous sommes dans une société d’abondance où il y a beaucoup de gaspillage. Par la suite, on s’aperçoit qu’avec beaucoup d’objets que l’on jette, on peut faire des choses.”

Où en êtes-vous dans votre projet ?

“Nous arrivons à la fin d’un processus puisque c’est un programme qui a été financé par PROTEGE (Projet régional océanien des territoires pour la gestion durable des écosystèmes, Ndlr). En ce sens, nous devons rendre 1 000 mètres de cordage à la Direction des ressources marines et, en même temps, nous avons fait un business plan pour établir leur coût et leur prix à la vente. Pour le moment, nous attendons les résultats qui devront être communiqués prochainement.” 

Propos recueillis par Lana Chaine