Sport – Le réveil du street workout à Tahiti

Vrille 360° à 2m50 du sol, sans matelas de sécurité... Ugo Vergeaud n'a pas froid aux yeux ! (Photo : Wendy Cowan)
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Vous les avez peut être déjà croisés au parc Paofai, ou au centre-ville, au hasard d’une promenade ou en allant faire du shopping, ces jeunes à l’allure nonchalante qui défient les lois de la gravité. Hitiarii Castellani, Maverick Tchan, Ugo Vergeaud ou encore Desmond Tumahai, une bande de copains passionnés par le street workout et véritable gymnastes des temps modernes.

La rue est leur terrain de jeu. Suspendus ou à même le sol, peu importe, tout est bon pour la pratique de ce sport qui laisse les passants sans voix.  “Back or Front lever”, “Human Flag”, “V-sit” ou encore “One arm pull up”… les figures sont aussi nombreuses qu’impressionnantes, et demandent une excellente condition physique.

Né pourtant dans les années 90, le street workout se popularise surtout dans les années 2010, via Youtube et les vidéos d’athlètes stars, tels que Hannibal For King ou Franck Medrano. Un art de rue par lequel le poids de corps est utilisé comme résistance pour développer un physique affuté et naturel. Un succès chez les jeunes qui y voient une manière saine d’utiliser l’environnement urbain pour faire parler leur créativité.

Il y a dix ans, Tahiti prenait le coche. Le street workout s’immisçait dans les cours de récréation et dans les foyers. Une démocratisation rapide qui n’était pas passée inaperçue aux yeux des élus locaux, qui décidèrent d’installer des barres fixes un peu partout. Une bonne volonté du pays et des mairies qui a toutefois très vite trouvé sa limite : les modules n’étant pas adéquats et le mouvement pas assez encadré, le street workout sombrait dans l’oubli. 

Toutefois, depuis deux ans, on observe chez les jeunes un regain d’intérêt pour cet art, qui ne subsiste alors que chez les plus passionnés. Sous les barres fixes des différentes aires de jeux, petits et grands s’essayent à nouveau aux acrobaties. Beaucoup de chutes, peu de réussites, mais une activité saine et fédératrice qui retrouve son public. 

Hitiarii Castellani, pratiquant de street workout depuis bientôt six ans, compte bien partager sa passion avec le grand public.
(Photo : Wendy Cowan)

Pour Hitiarii Castellani, c’est le moment de redonner au street workout ses lettres de noblesse : “Avec les copains, nous sommes en train de monter une association, afin de rebooster le street workout et avoir plus de légitimité face aux différentes autorités et aux sponsors. Nous espérons organiser une compétition très bientôt, en avril, afin de rassembler toute la communauté et montrer que nous sommes là.” 

Un parcours administratif qui ne réjouit pas Hitiarii et ses amis qui aimeraient “juste pratiquer notre sport, sans se soucier de tout ça. Mais on n’a pas le choix, si on ne le fait pas, personne ne le fera. Par le passé, nous avons essayé de taper à toutes les portes en quête de sponsoring ou autre, mais personne ne voulait de nous. Tant que nous n’avons pas de cadre légal, nous ne serons pas pris au sérieux.

Pourtant, le talent est là. Certains de ces jeunes ont déjà réussi à s’exporter à l’international et à se mesurer au plus haut niveau. Aux États-Unis, les compétitions de street workout sont légion et pour Hitiarii “d’ici quelques années, avec les bonnes infrastructures, nous pourrions être de plus en plus nombreux à concourir dans ce genre de compétitions.

Maverick Tchan, déjà vétéran de la discipline malgré son jeune âge, fait parler son expérience ! (Photo : Wendy Cowan)

Un manque d’infrastructures adaptées que constate avec regret Maverick Tchan, pratiquant de street workout depuis 9 ans : “On trouve des barres un peu partout, dans les salles ou les aires de jeux, mais ce sont des barres pour de l’exercice physique normal, comme le crossfit. Pour nous, il faudrait des barres isolées, plus hautes et plus longues, afin de pouvoir nous exprimer pleinement lors des acrobaties. Les modules mis à notre disposition actuellement sont contraignants et inadaptés.

Autre problème majeur, les certifications encadrant le street workout à l’international ne sont pas valides et reconnues par l’administration française. Il n’existe, pour l’heure, aucun cadre légal pour ce type d’activité qui nécessite pourtant un suivi particulier : “Les blessures sont nombreuses et importantes dans notre sport. C’est pourquoi il est important d’être bien formé afin de prévenir ce genre d’incident. Comme tous les sports, il faut des coachs certifiés pour garantir un bon apprentissage.” 

Si le chemin est encore long pour ces jeunes et pour la reconnaissance de leur art, ils n’en démordent pas pour autant : “Nous irons au bout de notre projet ! C’est le moment ! Il y a un nombre croissant de pratiquants depuis deux ans, il faut en profiter” conclut Hitiarii. 

Nous leur souhaitons bon courage. Allez les jeunes ! 

En freestyle, certaines figures donnent le tournis ! (Photo : Wendy Cowan)