Aux quatre coins du monde, la liberté de la presse “attaquée”

Plus de 2000 journalistes ont été tués dans le monde depuis 1990.
Plus de 2000 journalistes ont été tués dans le monde depuis 1990. (Photo AFP)
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Journalistes harcelés, emprisonnés ou tués à travers le monde: organisations internationales et médias se sont alarmés, mardi 2 mai, des menaces contre la liberté de la presse à la veille du 30e anniversaire de la Journée qui la célèbre.

“La liberté de la presse représente l’élément vital des droits humains. Mais aux quatre coins du monde, la liberté de la presse est attaquée”, a lancé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres dans un message vidéo diffusé lors d’une conférence organisée par l’Unesco au siège des Nations unies à New York.

“Les journalistes et employés des médias sont directement pris pour cible en ligne et en dehors en faisant leur travail vital. Ils sont quotidiennement harcelés, intimidés, arrêtés, mis en prison”, a-t-il dénoncé.

S’il n’a cité aucun nom ni aucun pays, d’autres intervenants ont souligné des situations individuelles, comme celle du journaliste américain du Wall Street Journal Evan Gershkovich, détenu en Russie pour des accusations d’espionnage qu’il rejette.

“Je viens d’un pays, l’Iran, où être journaliste est un crime. Je viens d’un pays où être journaliste, citoyen journaliste, peut vous envoyer en prison, vous faire tuer, vous faire torturer”, a lancé de son côté la journaliste et militante du droit des femmes Masih Alinejad, qui vit aux Etats-Unis.

Selon Reporters sans frontières, 55 journalistes et 4 collaborateurs des médias ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions en 2022 dans le monde.

Une situation “inacceptable”, a insisté la directrice générale de l’Unesco Audrey Azoulay, soulignant que nombre de ces journalistes sont tués “à leur domicile, souvent devant leur famille”.

Et si depuis 30 ans, des progrès ont été faits pour la liberté de la presse, notamment en matière de lois garantissant l’accès à l’information, a-t-elle estimé, “il nous faut aussi beaucoup de lucidité, rien n’est acquis, bien au contraire”.

“Avalanche” de désinformation

Au-delà des attaques contre les journalistes, “l’avancée de l’ère numérique modifie la totalité du paysage de l’information”, a-t-elle mis en garde, soulignant que dans ce contexte, “nous avons besoin (des journalistes) plus que jamais”.

Parce que “la vérité est menacée par la désinformation et les discours de haine, qui cherchent à brouiller les frontières entre les faits et la fiction, entre la science et les conspirations”, a renchéri Antonio Guterres.

Le secrétaire général de l’ONU s’est également inquiété “de l’augmentation de la concentration de l’industrie des médias dans les mains de quelques-uns et la faillite de nombre de médias indépendants”.

“La technologie qui a donné aux journalistes la possibilité d’atteindre les gens n’importe où a sapé le modèle économique de l’information”, a insisté le directeur de la publication du New York Times A. G. Sulzberger, décrivant en parallèle l’“avalanche sur internet de désinformation, de propagande, de commentaires, de contenus racoleurs qui submergent l’écosystème de l’information, noyant notre journaliste crédible”.

“Quand la presse libre s’affaiblit, l’érosion démocratique suit presque toujours. Et sans surprise, cette période de faiblesse de la presse coïncide avec la déstabilisation des démocraties et l’enhardissement des autocraties”, a-t-il jugé.

Alors “il est urgent et impératif que les Etats réaffirment et renouvellent leur engagement à protéger et promouvoir des médias indépendants, libres et pluralistes, piliers vitaux de la démocratie”, ont estimé dans une déclaration commune les rapporteurs sur la liberté d’expression de l’ONU, de l’OSCE, de l’Organisation des Etats américains et de la Commission africaine des droits humains et des peuples.

“Malheureusement, la censure est devenue la position par défaut de nombreux gouvernements pour contrôler ce que sait la société et la plier à leur volonté”, a de son côté commenté Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International. “Mais tout ce que cela fait plier, c’est notre avenir”.

AFP