L’enseignant de Moorea qui distribuait les claques condamné à 4 mois avec sursis

L'homme est condamné à 4 mois de prison avec sursis et à une obligation de soins pour apprendre à gérer sa colère. (Photo Y.P)
L'homme est condamné à 4 mois de prison avec sursis et à une obligation de soins pour apprendre à gérer sa colère. (Photo Y.P)
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Un professeur d’horticulture du collège de Paopao (et non du Lycée agricole d’Opunohu comme La Dépêche l’a indiqué par erreur dans un premier temps) a été condamné à quatre mois de prison avec sursis le 12 mai 2023 par le juge unique du Tribunal de Première Instance de Papeete. Il devra verser 30 000 F d’amende à deux élèves encore mineurs. L’homme de 58 ans, ancien boxeur en arrêt maladie depuis plus d’un an, distribuait régulièrement des claques ou des “tapettes” à certains de ses élèves récalcitrants. Sur les neuf adolescents concernés, aucun parent n’avait porté plainte.

L’homme est ancien champion d’Océanie de boxe chez les welters. Il en a d’ailleurs toujours le gabarit, sec et musclé dans une chemise type militaire près du corps, kaki de la tête au pied. Parallèlement à une formation à la boxe éducative, il travaille dans le secteur de l’agriculture et devient maître auxiliaire, puis titulaire en 2015, en tant que professeur d’horticulture.

Il s’occupe notamment des Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté, les SEGPA. Des classes récemment caricaturées dans une série puis une comédie française lourdingue, où l’on trouve les élèves les plus en difficultés. L’avocat du prévenu, Maître Loyant, invite même le tribunal “à aller voir la bande-annonce” pour avoir un aperçu de ses conditions de travail. 

L’homme a la charge de ces élèves 18 heures par semaine, dit-il. Souvent en extérieur, les coupe-coupes et les sécateurs sont à disposition, des outils potentiellement dangereux qui, selon le prévenu, justifient sa méthode d’éducation pour le moins agressive.

Il insulte parfois les élèves rebelles, les menace en rappelant son passé de boxeur. Il leur dit souvent que “ça pourrait partir”, ou bien qu’un jour, il “règlera ça à sa façon”, brandissant son poing fermé. Quand les menaces ne suffisent plus, il tire parfois les oreilles, met des claques ou les bouscule violemment. Ces gestes condamnables, il les appelle “des gestes de rappel” face à une certaine population d’élèves qu’il veut “recadrer”. 

Un enseignant de nombreuses fois averti par sa hiérarchie

Le premier rapport sur les méthodes de l’enseignant date de 2014. On décrit alors les premiers problèmes de “gestion de ses élèves”. En 2015, sa hiérarchie parle “d’un aspect pédagogique à améliorer”. En 2017, on décrit un enseignant qui a du mal à mettre sa classe en activité. “Il y a urgence à changer la manière de communiquer avec les élèves” écrit même le principal.

Parmi les différents témoignages on apprend que l’homme “n’accepte pas les garçons qui se maquillent”, il fait aussi souvent du prosélytisme religieux, ou encore dit regretter “que la loi française nous empêche d’élever nos enfants à la dure”.

Pas de doute en revanche sur son investissement, l’homme prend son rôle très à cœur et fait au total 45 signalements et rapports d’incidents à sa direction. Il est très impliqué et échange souvent avec les parents. Depuis de nombreuses années, il dénonce des conditions de travail qui se sont dégradées.

Il met en avant le manque de moyens pour son activité, le condamnant à donner cours dans un espace réduit entre la salle de sport et les vestiaires. Son avocat précise qu’il a l’appui de la majorité de ses collègues et fournit au juge seize lettres de soutien.

Pour décrire ses piteuses conditions de travail, son avocat résume son activité au fait “d’apprendre à faire des bouquets” à des jeunes qui sont là “uniquement pour terminer leur scolarité obligatoire”. Même si certains parents dénoncent son comportement, aucun n’a porté plainte. C’est après un signalement du principal que le vice-recteur écrit au procureur, procureur qui nomme un administrateur ad hoc chargé de représenter les deux victimes encore mineurs aujourd’hui. L’enseignant, suspendu quinze jours en 2020 n’a depuis que très brièvement repris le travail, la plupart du temps en arrêt maladie.

Un comportement totalement déplacé

Ce sont les mots du procureur qui fustige les actes de violence de l’enseignant, “malgré les nombreux rappels à l’ordre de sa hiérarchie” dit-il. Pour lui, l’état d’esprit du prévenu n’a pas changé, tout comme ses méthodes. “Dans les années 50 cela pouvait être cautionné, on n’est pas à cette époque-là” ajoute le procureur, qui en plus de huit mois de prison avec sursis souhaite qu’une interdiction d’exercer pour dix ans soit prononcée, “malgré l’inaction de la DGEE” conclut-il.

Le tribunal ne le suit pas et ne prononce aucune interdiction d’exercer. L’homme est condamné à 4 mois de prison avec sursis et à une obligation de soins pour apprendre à gérer sa colère. Il doit verser 30 000F aux deux élèves mineurs.

Compte-rendu d’audience Y.P