60 ans après le naufrage de la Manuia I, Maupiti panse toujours ses blessures

Un destin tragique pour la Manuia I et ses passagers en ce 23 mai 1963. (Source : Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours)
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Maupiti n’oublie pas. La Polynésie française n’oublie pas. Soixante années ont passé depuis le naufrage, le 23 mai 1963, de la goélette Manuia I. Ce jour-là, la mer emporte avec elle 15 personnes. Le temps passe, la douleur demeure. L’émotion reste vive dans l’île aux penu. A l’occasion de ce triste soixantième anniversaire, la commune rend hommage aux malheureux disparus lors d’une commémoration, ce 23 mai à 18 heures, place Paetaha. TNTV

La coque de la Manuia I, sur le récif de la passe de Maupiti. (Source : Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours)

Ce matin du 23 mai 1963 – il y a pile 60 ans aujourd’hui -, rien ne laisse présager le pire. La Manuia I s’apprête à effectuer la liaison Huahine-Maupiti, comme elle a l’habitude de le faire. A cette époque, deux navires assurent la desserte vers Maupiti : la Manuia I et la Chance.

Les passagers, nombreux, embarquent. Les quatre membres d’équipage accueillent à bord de la goélette quarante-six personnes. Cinquante personnes prennent donc la direction de Maupiti. La plupart des passagers sont membres de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Ils sont venus à Huahine pour l’inauguration de la chapelle de Haapu.

La passe de Maupiti est réputée compliquée, délicate à appréhender. Elle est étroite. Sujette à des courants très forts, elle est parfois même infranchissable. Un récif à fleur d’eau n’arrange en rien la navigation. Et en cette matinée du 23 mai 1963, la météo n’est pas clémente. Un temps gris, des vents de secteur Est de 14 nœuds, une mer agitée. La passe est ce jour-là est en ébullition…

En mai 2021, lors de l’inauguration d’une stèle commémorative en souvenir des victimes, Thierry Teriihaunui, descendant d’un survivant du drame, commente au micro de nos confrères de TNTV : “Mon père et les autres passagers ont dit au capitaine de ne pas s’engager dans la passe. La mer était trop agitée. À l’époque, la vitesse du bateau n’était que de 8 nœuds”.

La coque de la Manuia I après le naufrage. (Source : Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours)

Malgré les contre-indications des passagers, le capitaine s’engage. Les conditions de la mer, le poids du bateau et un moteur de puissance trop faible empêchent toute manœuvre. La Manuia I chavire.

Certains passagers réussissent à se “réfugier” sur le récif avant que des déferlantes n’emportent certains d’entre eux. Beaucoup d’autres passagers sont emportés vers le large, d’autres encore vers le fond. Certains débris du navire abîmé font office de bouée de sauvetage.

Les secours s’organisent alors. Les habitants de Maupiti sont les premiers à venir en aide aux victimes avant d’êtres rejoints, entre autre par la gendarmerie nationale et la Marine nationale.

Le bilan est lourd : quinze personnes perdent la vie lors de ce drame. Six ne seront jamais retrouvées. Toujours au micro de nos confrères de TNTV, en mai 2021, Papa Maui, survivant du drame, se remémore douloureusement : “dans le fracas de la mer agitée, on entendait des voix qui s’élevaient comme un dernier soupir. À cet instant, l’île était en larmes. Et jusqu’à aujourdhui, on ne peut pas oublier ce qui sest passé.

LC/SB avec “Tahiti, de l’atome à l’autonomie”, de Philippe Mazellier, fondateur de La Dépêche de Tahiti.

Afin que personne n’oublie ce tragique évènement, Woullingson Raufauore, maire de Maupiti, organise une cérémonie de commémoration à la place Paetaha à partir de 18 heures ce mardi 23 mai 2023.

60 années après, des survivants du naufrage reviennent sur la plus grande tragédie que Maurua (Maupiti) ait connue. Documentaire réalisé par Axel T. Lichtlé, en tahitien sous-titré en français et diffusé sur TNTV mercredi 24 mai à 19h20.

Stèle commémorative érigée en mai 2021 à Maupiti, en mémoire des victimes du drame. (Source : Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours)

L’histoire d’une goélette qui se répète

Après ce tragique accident, la Manuia I est reconstruite et conserve son nom, malgré le drame, pour devenir la Manuia II. La navire reprend alors du service sur la même desserte.

Après une dizaine d’années de navigation depuis sa remise en service, le sort s’acharne une fois de plus sur la goélette.

Le 6 mars 1975, dans la même passe, le bateau sombre. “Le barreur n’a pas le temps de manœuvrer, que brusquement, porté par une courte lame, le bateau s’écrase sur le récif à droite de la passe sans faire de victimes” relate Philippe Mazellier dans “Tahiti, de l’atome à l’autonomie”.