Le juge administratif valide un refus d’investissement étranger à Taha’a

"Il n’est pas démontré que les étrangers seraient à l’origine de la raréfaction du foncier, de la hausse des prix de l’immobilier et de la spéculation foncière." (Archives LDT)
(Archives LDT)
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John Frédéric Fowler et Anne Marie Moore, représentés par la Selarl Mikou, demandent au tribunal administratif de Papeete d’annuler une décision du ministre de l’Economie et des Finances en date du 4 octobre 2022.

Celui-ci a en effet rejeté leur demande d’autorisation préalable d’investissement étranger en Polynésie française relative à une maison à Taha’a, et non Huahine comme indiqué par erreur dans nos colonnes dans un premier temps. Ils soutiennent que la décision du ministre “est dépourvue de base légale dès lors qu’elle se fonde sur la délibération n° 96-141 APF du 21 novembre 1996 qui est, elle-même, illégale ainsi que cela a été relevé dans un jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 6 mars 2012“.

Selon les demandeurs, cette délibération institue une discrimination non justifiée entre les “étrangers” et les ressortissants français ou européens quant à la possibilité d’acquérir un bien immobilier en Polynésie française “et ce, alors qu’aucun intérêt général ne le justifie”.

Pour John Frédéric Fowler et Anne-Marie Moore, cette délibération est “contraire au principe constitutionnel d’égalité” et surtout, il n’est “pas démontré” que les étrangers seraient à l’origine de la rareté du foncier, de la spéculation ou de la hausse des prix de l’immobilier.

“Pouvoir discrétionnaire” du gouvernement

De plus, la décision du Pays serait “entachée d’une erreur manifeste d’appréciation” car le terrain appartient déjà à une personne étrangère de nationalité hollandaise et que  “l’occupation du bien immobilier en question assure des retombées directes et indirectes au bénéfice de la Polynésie française sur un plan social et économique”.

De son côté, par un mémoire en défense enregistré en janvier 2023, la Polynésie française conclut au rejet de la requête car le conseil des ministres dispose d’un “pouvoir discrétionnaire” sur ce thème. Si le principe de la liberté des investissements étrangers reste présent, le texte soumet à une autorisation préalable toute opération d’investissement étranger dans trois secteurs : l’acquisition de biens ou de droits immobiliers, l’investissement dans le secteur de la pêche, de l’aquaculture, de la nacre ou de la perle, entraînant ou non occupation du domaine public maritime, et l’investissement concernant l’audiovisuel ou les télécommunications, écrit le tribunal administratif dans son jugement.

Selon les magistrats, le fait que la délibération de 1996 ne précise pas expressément l’objectif d’intérêt général poursuivi au travers de la restriction qu’elle impose “n’est pas de nature, à elle seule, à rendre cet acte illégal dès lors que le seul exposé des domaines d’intervention de l’administration énoncés dans son article 2 justifie le contrôle qu’elle impose par le moyen du dispositif de l’autorisation préalable”.

En se bornant à faire valoir qu’il n’est pas démontré que les étrangers seraient à l’origine de la raréfaction du foncier, de la hausse des prix de l’immobilier et de la spéculation foncière en Polynésie française, “les requérants n’établissent aucune illégalité” selon le tribunal administratif.

De plus, le fait que la propriété appartienne déjà à une ressortissante étrangère de nationalité hollandaise est sans incidence sur la légalité du refus d’autorisation contesté “dès lors que le rejet de la demande des requérants a été fondé sur un impératif de contrôle d’accès prioritaire de la propriété foncière aux ressortissants de la Polynésie française, sans considération de l’identité de l’actuel propriétaire du bien convoité.

Au passage, la Polynésie française fait valoir que la société Sirius Providence Holdings Limited , dont l’acquisition de la totalité des parts composant le capital social a fait l’objet de la demande d’autorisation litigieuse, relève du droit de l’île anglo normande de Jersey. Une île qui, selon le réseau “Corporate Tax Haven Index”, est classée au 8ème rang mondial des “paradis fiscaux” en 2021.