La seule mutuelle santé associative plaide pour “une meilleure reconnaissance” du Pays

Kolka Muller, directeur de Turu Ora : 'Une loi était sortie qui prévoyait une aide financière à la création de cette mutuelle. Nous nous sommes lancés mais l’aide financière… n’est jamais venue." (Photo Damien Grivois/LDT)
Kolka Muller, directeur de Turu Ora : 'Une loi était sortie qui prévoyait une aide financière à la création de cette mutuelle. Nous nous sommes lancés mais l’aide financière… n’est jamais venue." (Photo DG/LDT)
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Association à but non lucratif, Turu Ora est l’unique mutuelle santé qui ne prélève aucun bénéfice sur les sommes perçues par ses adhérents, à la différences des sociétés privées. Son directeur depuis 15 ans, Kolka Muller, explique le parcours du combattant qu’il a mené pour mettre en place cette mutuelle qui n’a équilibré ses comptes qu’au bout de 13 ans. Il s’interroge sur le peu de considération des autorités du Pays alors même que la création de cette mutuelle était prévue dans le cadre de la réforme de la PSG, avec une enveloppe financière… qui n’a jamais été versée selon Turu Ora. Entretien.

Quel bilan peut-on dresser des quinze premières années d’activité de Turu Ora ?

Ce fut une aventure très difficile. Car nous avons été créés en 2008 dans le cadre de la réforme de la Protection sociale généralisée, réforme qui prévoyait d’aider et d’encourager la création d’une mutuelle de santé. Une loi était sortie qui prévoyait une aide financière à la création de cette mutuelle. Nous nous sommes lancés mais l’aide financière… n’est jamais venue.

“Au bout de 13 ans, nous sommes arrivés à l’équilibre

Nous avons donc créé cette mutuelle associative avec rien au départ, puisqu’une mutuelle de santé qui se crée n’a pas d’adhérents, et ils sont sa seule source de revenus. Et comme c’est une association à but non lucratif, personne ne veut investir dans le projet car il n’y a aucun retour sur investissement.

Nous avons donc beaucoup lutté, avec l’aide d’administrateurs qui ont avancé beaucoup d’argent, avec le concours de personnalités qui nous ont aidé par leur travail et leurs facilités de paiement, avec l’aide aussi de la Banque de Polynésie et d’une mutuelle de Nouméa pour la formation du personnel et les systèmes informatiques.

Au bout de 13 ans, nous sommes arrivés à l’équilibre. Et maintenant au bout de 15 ans, nous volons de nos propres ailes avec de la réserve. Mais nous n’avons jamais été vraiment reconnus par le Pays.

Le principe même de la mutuelle de santé est parfois méconnu des ressortissants de la Caisse de prévoyance sociale. Quel est l’intérêt d’avoir une mutuelle, et d’adhérer en particulier à une mutuelle à but non lucratif ?

Nous sommes complémentaires de la CPS. Le ressortissant d’un régime de la CPS adhère et verse une mensualité à Turu Ora. En contrepartie, la mutuelle prend en charge les frais qui ne sont pas supportés par la Caisse, jusqu’à 100% pour certains soins ou produits, c’est selon les options retenues concernant par exemple les soins dentaires, les lunettes,… et qui ne sont pratiquement pas, voire pas du tout pris en charge par la CPS.

Le taux général de prise en charge par la CPS était de 80% et il a été baissé à 70%, donc Turu Ora prend à sa charge les 30%. En France, la sécurité sociale ne paie que 60% et en Nouvelle-Calédonie, la Cafat ne rembourse qu’à hauteur de 40%. Comme nous sommes une association type loi de 1901, tous les avantages ou les marges bénéficiaires que l’on pourrait avoir sont au service de nos adhérents. Il n’y a pas de bénéfices qui partent à l’extérieur, tout est reversé à leur profit.

Que vous inspirent les difficultés relatives à l’équilibre des comptes sociaux ?

Justement, nous avions été créés dans le cadre de la réforme de la CPS prévue par Armelle Merceron, afin de consolider cette réforme via la prise en charge du ticket modérateur par une mutuelle associative. Maintenant, la Polynésie a la chance d’avoir une mutuelle de santé qui est la seule mutuelle locale, qui n’est pas une assurance internationale. Elle est vraiment au service des Polynésiens pour les aider à payer leurs dépenses de santé qui augmentent de 10% chaque année.

Je ne sais pas si le gouvernement est conscient que nous existons et que nous sommes à leur service. Nous méritons davantage de considération, et peut-être même une certaine priorité. Nous rendons service non seulement aux assurés mais aussi au système de santé. Parfois, certains Polynésiens hésitent à aller chez le docteur pour des questions d’argent.

Propos recueillis par DG