Le gouvernement central, visé par des motions de censure, en crise politique

L'intersyndicale a appelé à "des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end" et à une neuvième "grande journée de grèves et de manifestations le jeudi 23 mars".
L'intersyndicale a appelé à "des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end" et à une neuvième "grande journée de grèves et de manifestations le jeudi 23 mars". (Photo AFP)
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Deux motions de censure ont été déposées ce vendredi 17 mars contre le gouvernement français, plongé dans une crise politique après son passage en force sur la réforme des retraites, qui a amplifié la colère sociale et déclenché des échauffourées en plein Paris.

Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées en soirée place de la Concorde, à quelques centaines de mètres de l’Assemblée nationale.

Un brasier a été allumé par des manifestants, et l’ambiance s’est tendue à la tombée de la nuit, la police chargeant la foule, selon des journalistes de l’AFP.

Plusieurs centaines de personnes ont affronté la police par petits groupes, avec jets de bouteille et feux d’artifice, tandis que les forces de l’ordre répliquaient à coup de gaz lacrymogène, en tentant d’évacuer la place, sous la pluie.

On comptait 12 interpellations vers 21H00 (20H00 GMT), selon la préfecture de police.

“Passer en force”

A Strasbourg (est), c’est sur la place Kléber que se sont retrouvés 1.600 protestataires. “Nous aussi, on va passer en force”, ont scandé les manifestants.

Un millier de personnes ont défilé dans le centre de Lille (nord), et un cortège de quelques centaines s’est dispersé sans heurt à Bordeaux (sud-ouest).

Les motions de censure devraient être examinées à l’Assemblée nationale lundi à partir de 16H00 (15H00 GMT), ont indiqué des sources parlementaires à l’AFP, sous réserve d’une validation juste avant la séance.

Les députés du groupe parlementaire indépendant centriste Liot ont annoncé à l’Assemblée le dépôt d’une motion “transpartisane” de censure du gouvernement, cosignée par des élus de la Nupes (gauche radicale).

Le Rassemblement national (extrême droite) a également déposé vendredi une motion de censure, fustigeant une “réforme injuste et inutile”.

Ces démarches sont des ripostes à la décision du président Emmanuel Macron de recourir jeudi à l’arme de l’article 49.3 de la Constitution, permettant l’adoption d’un texte sans vote à l’Assemblée, sauf si une motion de censure venait à renverser le gouvernement.

Ce choix sur cette très impopulaire réforme des retraites, contre laquelle de nombreux Français se sont mobilisés depuis le 19 janvier, “est l’apogée d’un déni de démocratie inacceptable dans sa constance et son mépris de nos institutions et de nos corps sociaux”, est-il notamment écrit dans le texte de la motion de Liot.

Vendredi, le secrétaire général du syndicat réformiste CFDT, Laurent Berger, a appelé le président français à “retirer la réforme” des retraites.

“Éteindre le feu, ce n’est pas lié au changement de Premier ministre ou changer de gouvernement, c’est retirer la réforme”, a affirmé M. Berger à des journalistes.

La motion de censure déposée par le groupe parlementaire Liot est celle qui pourrait potentiellement causer le plus de problème au gouvernement par son côté transpartisan.

“Sa faute”

Pour faire tomber le gouvernement, une motion de censure devra recueillir une majorité absolue à l’Assemblée, soit 287 voix. Ce qui nécessiterait notamment qu’autour d’une trentaine de députés de droite Les Républicains (sur 61) votent la motion du groupe Liot.

Le gouvernement français a choisi de relever l’âge de départ à la retraite 62 à 64 ans pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population.

La France est l’un des pays européens où l’âge légal de départ est le plus bas, sans que les systèmes de retraite ne soient complètement comparables.

Cette mesure du recul de l’âge légal de départ à la retraite cristallise la colère, sur fond de grèves reconductibles.

Les différentes enquêtes d’opinion montrent que les Français y sont majoritairement hostiles, même si le nombre de manifestants dans les rues et de grévistes stagne ou reflue au fil du temps.

Le recours au 49.3 est presque unanimement considéré comme un revers pour Emmanuel Macron, qui a beaucoup misé de son crédit politique sur cette réforme clé de son second quinquennat.

“Crise des retraites: sa faute”, titrait ainsi en Une le journal Libération (gauche) à côté d’un portrait d’Emmanuel Macron.

L’intersyndicale a appelé à “des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end” et à une neuvième “grande journée de grèves et de manifestations le jeudi 23 mars”.

Conséquence épineuse des grèves reconductibles chez les éboueurs – qui soulignent la pénibilité de leur travail – la situation sanitaire à Paris, capitale mondiale du tourisme, s’aggrave: la barre des 10.000 tonnes de déchets non ramassés a été atteinte vendredi à la mi-journée, selon l’estimation de la mairie, au douzième jour de grève.

En ce concerne l’état du trafic ferroviaire, les quatre syndicats représentatifs de la compagnie nationale SNCF ont appelé vendredi à “maintenir la grève” entamée le 7 mars et “à agir massivement le 23 mars” pour s’opposer à la réforme des retraites.

La Direction générale de l’aviation civile a demandé aux compagnies aériennes d’annuler lundi 30% de leurs vols à Paris-Orly et 20% à Marseille-Provence (sud-est), en raison du mouvement de grève des contrôleurs aériens contre la réforme des retraites.

AFP