Justice – Dix affaires de violence par conjoint à juger en une après-midi

(Photo : archives LDT)
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La petite salle du tribunal de Papeete est bondée pour les comparutions immédiates du 16 mars 2023. Il y a onze prévenus à juger en ce bien triste jour. Triste jour, car dès ses premières réquisitions de l’après-midi le procureur Hervé Leroy l’annonce, il y a dix affaires qui concernent des faits de violences conjugales, et quasiment tous les prévenus sont en état de récidive légale.

Une semaine après la journée internationale des droits des femmes, et alors que le Président Emmanuel Macron avait déclaré la lutte contre les violences faites aux femmes “grande cause” de son premier quinquennat, la violence entre époux ou conjoints devient presque ordinaire, en tout cas quotidienne au tribunal de première instance. Un point commun entre toutes ces personnes violentes avec ceux qui partagent leurs vies, ils ont tous vu papa frapper maman.

Chantage au suicide et harcèlement, un jeune de vingt ans prend quatre mois ferme

Après deux ans de relation chaotique, Fanny (prénom d’emprunt), la victime de 42 ans qui n’est pas présente à l’audience, met fin à leur relation en avril 2022. Depuis, l’amoureux éconduit de 19 ans à l’époque, n’accepte pas la rupture. Il se rend à son domicile, l’attend caché dans le jardin, force la porte ou rentre par une fenêtre en pleine nuit.

Fanny doit alors accepter de discuter pendant des heures pour qu’il daigne s’en aller. Quand il ne vient pas, c’est le hors forfait qui explose. “220 appels en quinze jours” dit le président du tribunal, des appels souvent en pleine nuit.

Mais le harcèlement physique ou téléphonique est minime comparé à plusieurs épisodes de violence. Notamment, lorsque le tout jeune prévenu à l’air innocent, quasiment muet à la barre, fait du chantage au suicide. Il s’est déjà ouvert les avant-bras avec un couteau. Il s’est coupé la gorge avec un tesson de bouteille. Il s’est poignardé à l’abdomen. A chaque fois au domicile de la femme qu’il veut reconquérir.

Après plusieurs interventions de la gendarmerie de Moorea où travaille l’ex-mari de la victime, il est condamné en janvier 2023 à du sursis, avec interdiction de contact avec l’élue de son cœur. Une peine clairement insuffisante puisque l’on apprend dans les réquisitions du procureur que le jeune harceleur suicidaire s’est à nouveau rendu chez la victime au premier jour du contrôle judiciaire imposé par le tribunal. Comme s’il fallait en rajouter, lorsqu’il est interpellé une nouvelle fois dans le jardin de la victime, il a sur lui plusieurs sticks de paka destinés à la vente. Le procureur demande une peine de huit mois de prison, dont quatre avec sursis probatoire et à nouveau, une interdiction de contact avec la victime.

“Elle m’a pourri la vie pendant 14 ans”

C’est l’avocate du jeune homme qui rapporte cette phrase de l’ex-mari de la victime qui témoigne pendant l’instruction. Elle plaide le fait que l’ex-femme de gendarme a utilisé le jeune Polynésien de 23 ans son cadet pour “emmerder” son mari alors qu’elle entamait une procédure de divorce. De son côté, le prévenu vit son premier grand amour, il n’a jamais eu de relations de couple avant de rencontrer Fanny. “Elle lui a fait croire à un amour impossible” conclut l’avocate, qui demande la clémence et une peine de sursis pour son client. Le tribunal suit les réquisitions du procureur et demande le maintien en détention pour quatre mois. 

Compte-rendu d’audience YP