Justice – Maltraitée depuis plus de 10 ans, elle porte plainte à la troisième fracture

Le 6 avril, en état de récidive légale, le prévenu avait giflé un de ses enfants mineurs et roué de coups sa femme au point de lui casser l'avant-bras.
Le 6 avril, en état de récidive légale, le prévenu avait giflé un de ses enfants mineurs et roué de coups sa femme au point de lui casser l'avant-bras. (Photo archives LDT)
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Un père de famille violent de Raiatea a été condamné en comparution immédiate, le 13 avril dernier, à trois ans de prison ferme et maintien en détention. Le 6 avril, en état de récidive légale, il avait giflé un de ses enfants mineurs et roué de coups sa femme au point de lui casser l’avant-bras. Des blessures qui ont provoqués 45 jours d’interruption temporaire de travail (ITT).

Il est 22h30 à Uturoa quand les gendarmes sont appelés au domicile des parents du prévenu. Il a 41 ans et elle 35. Sans-emploi, ils vivent des allocations de leurs quatre enfants chez les grands-parents. Si madame trouve parfois des petits boulots, lui ne fait “rien depuis quatre ans” dit-il. “Il ne fait rien de sa vie”, précise la mère du prévenu. Le témoignage de sa femme est plus catégorique sur son goût pour l’oisiveté : “Je ne l’ai jamais vu travailler” avoue-t-elle. Ils sont ensemble depuis 2009…

L’homme réussit la performance d’être à la fois extrêmement possessif et “jaloux de tout”, dit le tribunal, tout en admettant avoir une maîtresse depuis plus de deux ans. L’air absent, timide, les cheveux jaunes sur le dessus, rouges sur les cotés et noirs sur la nuque, le prévenu est décrit par le président du tribunal comme “un tyran domestique”.

Il est violent, très violent, et pour une fois dans ce genre d’affaires, c’est sans lien avec l’alcool. Sa femme avoue, enfin, après des années de maltraitance, qu’elle est régulièrement victime des coups de son mari. Elle a déjà prétexté des accidents ou des chutes pour cacher des blessures, notamment deux fractures du bras. Ce 6 avril, c’est la troisième, une double fracture de l’avant-bras, toujours le même, comme si cela semblait volontaire.

Un problème de partage de connexion

Comme le dit le président du tribunal, dans ce genre de relation toxique, le point de départ des disputes est souvent futile. C’est le cas, car c’est pour un problème de partage de connexion internet que les premières gifles partent.

L’homme passe en effet ses journées sur les réseaux sociaux, notamment pour chatter avec sa maîtresse. Après avoir couru après la voiture du père qui voulait prendre l’air, la victime est à nouveau la cible de violents coups de poing et coups de pieds, à l’extérieur, puis à nouveau dans la maison. Le président du tribunal fait lecture du certificat médical, le médecin constate des hématomes sur les bras et les jambes, le visage, la bouche, le dos, et une fracture du bras.

“Une correction que l’on peut qualifier de sévère”, lance le président du tribunal, les yeux dans les yeux d’un père à l’aspect tout aussi immature que sa coupe de cheveux. Puis le tribunal fait lecture du témoignage d’une des filles du couple qui termine de glacer l’ambiance. La jeune fille de onze ans dit être frappée deux à trois fois par mois. Selon elle, son père est violent à chaque fois qu’il se dispute avec sa maîtresse. Elle l’aime, mais avoue tout de même avoir été soulagée quand elle a vu les hommes en bleu emmener son père ce soir-là. Si la maman n’a pas demandé de dommages et intérêts, la représentante de la fillette, partie civile, demande 150 000 F.

Le procureur ne cache pas son émotion. “En 36 ans de fonction, j’ai toujours du mal à m’habituer à ce genre de dossiers”. Il rappelle le poids de la mère, 55 kilos, puis celui du père, 112…. Il fait aussi mention de l’état de santé de la victime, elle se remet d’un cancer du sein. Face à un tel “déchaînement de violence”, dit-il en montrant la radio du bras de la victime, et pour un prévenu déjà condamné en 2017 pour des faits identiques, il requiert 40 mois de prison, dont 4 avec sursis.

“Le métier d’avocat n’est pas toujours facile”

Après le récit des faits, la description de la scène et de l’ambiance familiale, le témoignage de la fillette et l’absence quasi-totale de regrets du père à la barre, son avocat est d’une franchise totale : “Le métier d’avocat n’est pas toujours facile, surtout quand on doit défendre quelqu’un comme mon client”. Il demande toutefois un abaissement de la peine demandée par le procureur, car selon lui, son client peut s’en sortir avec moins de prison et plus de suivi, évoquant de possibles problèmes psychologiques chez le prévenu.

Le tribunal confirme les trois ans ferme, et quatre mois supplémentaires avec sursis, obligations de soins et de travail ou de formation. Il a interdiction de contact avec la victime à sa sortie et doit verser 100 000F à la fillette giflée.

Compte-rendu d’audience Y.P