Un retraité “à moitié fou” prend 6 mois de sursis pour des coups sur son neveu

Un ancien pompier de 62 ans a été jugé pour avoir menacé de mort son neveu à plusieurs reprises et l'avoir frappé avec un bâton en mai 2022. (Photo : archives LDT)
(Photo : archives LDT)
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Du spectacle au tribunal de première instance, le 1er juin 2023, où un ancien pompier de 62 ans était jugé pour avoir menacé de mort son neveu à plusieurs reprises et l’avoir frappé avec un bâton en mai 2022. Surexcité, passant en quelques secondes du sourire à la colère, l’homme au discernement altéré a été condamné à six mois de prison avec sursis, mais a surtout désormais l’interdiction de se rendre quartier Villierme à Papeete où se trouve le terrain familial.


Le sexagénaire arrive souriant et jovial à la barre. Pompier retraité, ancien boxeur, il a l’air toujours en forme, le crâne toutefois marqué de nombreuses cicatrices. Dès sa première réponse aux questions du Président du tribunal, il part dans un long monologue. Il avance et recule, gesticule sans cesse, mime des poses de boxeur et surtout nie les faits reprochés, plagiant un de nos célèbres leaders politiques. “Tout est faux” lance-t-il, quand on lui parle de coup de bâton sur son neveu.

On apprend alors que les cicatrices qu’il porte sur l’arrière du crâne ne sont pas les seules séquelles engendrées par un grave accident en 1988. Placé sous la tutelle de sa femme pour d’importants troubles du comportement, la mairie de Papeete lui avait tout de même permis de conserver un emploi de planton. Il est aujourd’hui retraité. En 2001, sa maison de Arue part en fumée, il retourne alors habiter le quartier Villierme à Papeete, sur un terrain en indivision qu’il partage avec son frère, avec son neveu qui vit déjà sur les lieux.

Depuis, les brimades, les cris, les insultes sont quasiment permanents. Pas un jour ou presque sans, au moins, un léger incident. Le 1er mai 2022, sans que l’on réussisse à savoir vraiment pourquoi, les deux hommes en viennent aux mains. Le point de départ, ce jour-là, serait des insultes lancées par le neveu au fils du prévenu. “Je vais te tuer” crie alors l’ancien boxeur, muni d’un bâton avec lequel il frappe la victime aux jambes puis sur le côté du crâne.

Le prévenu nie les faits : “Je suis boxeur, champion de France, si je tape je paye je ne peux pas faire ça !” dit-il, dans un flot de paroles incessant accompagné de gestes de combat. On l’interroge alors sur un autre fait d’août 2022. Cette fois, c’est à distance qu’il aurait menacé de mort son neveu, un coupe-coupe à la main. Coupe-coupe qui ne sera pas retrouvé par les gendarmes, il faut dire que la perquisition a lieu deux jours après les faits. Là encore, les versions divergent. Selon le pompier, c’est pour se protéger du pitt-bull du neveu qu’il aurait attrapé cet outil de jardin, mais pas pour s’en prendre à lui.

Une pétition des voisins pour se plaindre de son comportement

Un contexte familial délicat, des problèmes de terre en indivision, des chiens divagants, sa femme elle-même frappé par le neveu et qui dépose plainte en mars 2022, tout se mélange à une vitesse folle et le Président du tribunal a du mal à gérer le prévenu. “Détendez-vous, monsieur, détendez-vous !” lance-t-il. Quelques instants plus tard, c’est son avocat qui tente de le calmer, alors qu’il grommelle, bougonne, et commente les déclarations de la victime d’une quarantaine d’années appelée à la barre.

Pour le neveu, la femme du prévenu est aussi responsable de la situation. Il la décrit cupide et pense qu’elle veut s’accaparer le terrain depuis leur retour sur les lieux en 2001. Il pense aussi que la colère du papy est souvent due au fait qu’elle ne veut pas lui donner d’argent, elle qui gère sa pension. Elle le laisserait aussi, parfois des jours entiers, livré à lui-même.

Son comportement exaspère aussi plusieurs voisins qui ont même rédigé une pétition pour dénoncer ses agissements. Il serait menaçant avec tout le monde, mais plus grave, le texte prétend que l’homme se masturbe parfois devant les ados du quartier. Le prévenu a, en effet, déjà été condamné pour une agression sexuelle.

L’avocat du neveu pointe du doigt ce qui ressemble à une évidence et annonce : “Vous avez vu son comportement aujourd’hui ? Imaginez cela au quotidien”. Pour le conseil, l’homme est incontrôlable : “il peut partir en vrille à chaque instant !”. Une constatation partagée par la procureure qui met en avant un risque de récidive majeur. Elle requiert entre un et deux ans de prison avec sursis, une interdiction de contact avec le neveu et surtout une interdiction de retourner sur le terrain familial. Sous contrôle judiciaire depuis les faits, le papy vit d’ailleurs déjà chez une de ses filles à la Presqu’île.

“Il est à moitié fou”

Sans ambages, Me Dubois estime que son client est “à moitié fou”, alors qu’il entame sa toute dernière plaidoirie au pénal, avant de rejoindre le secteur privé. Il rappelle les détériorations intellectuelles importantes de son client et reconnaît qu’il peut être ingérable. Mais il insiste surtout sur la plainte de la femme contre le neveu, datant de mars 2022, pour des coups reçus par celui qui est aujourd’hui du côté des victimes. Elle avait alors reçu cinq jours d’ITT. Pour l’avocat, si cette plainte avait été traitée, il n’y aurait pas eu d’événement en mai, pas davantage en août.

Il attaque alors directement le ministère public qu’il dit avoir relancé à de nombreuses reprises pour savoir où en était la procédure. Me Dubois met en avant le sentiment d’injustice de son client par rapport à ces faits : lui est jugé et pas le neveu. Le tribunal relaxe finalement le papy au cerveau fatigué pour les faits du mois d’août face au manque de témoignages concrets. Il est en revanche condamné à six mois de prison avec sursis pour les coups de bâton du mois de mai. Pour la tranquillité du quartier, le tribunal suit les réquisitions et ajoute à sa peine l’interdiction de se rendre désormais sur les lieux. 

Compte-rendu d’audience YP