C’est toujours l’impasse dans le dossier de la grève qui affecte la compagnie internationale Air Tahiti Nui (ATN) depuis une semaine.
Dans un communiqué transmis ce samedi 8 juillet, la direction générale d’Air Tahiti Nui “adresse une ultime offre écrite” aux deux syndicats PNC grévistes “tenant compte de l’ensemble des éléments de négociation abordés cette semaine”.
Selon ATN, cette proposition “vise à répondre aux attentes soulevées tout en préservant les intérêts futurs de l’entreprise.”
La direction générale “en appelle à la responsabilité de chacun” en soulignant que plusieurs centaines de touristes se retrouvent actuellement bloqués dans l’attente d’une possibilité de rejoindre leur destination finale.
“Les hôtels de Tahiti étant pleins, le manque de solutions d’hébergement apporte un stress conséquent à nos visiteurs” déplore Michel Monvoisin qui “remercie l’ensemble des employés au sol ou en vol
actuellement mobilisés au service des clients et adresse à nouveau ses plus sincères excuses
pour les désagréments causés par ce mouvement de grève.”
Courrier accusatoire de grévistes
De leur côté, par le biais d’une adresse e-mail générique qui reste anonyme (“greveairtahitinui@gmail.com”), des grévistes entendent alerter les médias sur les “vraies raisons de la grève”. Si rien ne permet d’affirmer que ce courrier est représentatif de l’ensemble des personnels grévistes, il est a minima l’expression de la colère de certains d’entre eux, et une lecture alternative des difficultés de la compagnie.
Il s’agit d’un véritable réquisitoire dont nous publions ici de larges extraits :
“• Pratiquement tous les employés ont accepté depuis la crise Covid, de baisser leurs salaires de 5% jusqu’en fin 2023 pour une économie de 200 millions par an. Mis à part certains cadres qui “gagnent tellement mal leurs vies” qu’ils ne pouvaient pas… (…)
• La masse salariale se chiffrait pour l’année 2020 à 5 milliards 400 millions environ. 5% d’économie sur 2 ans et demi = 500 millions au bas mot. Dans le même temps, la productivité du personnel a augmenté de 10%. Pour les pnc d’ATN, cela veut dire plus de vols, moins de repos, moins de temps à Tahiti. Certains mois, seulement 9 jours à la base. Le minimum réglementaire.
• Nous entendons depuis plusieurs années des rumeurs sur des primes très conséquentes pour les membres de la direction, plus particulièrement du Comex, comité d’exploitation qui réunit le PDG, le DG, le DRH, le directeur d’exploitation et le directeur financier. (…) Ces primes ont été évoquées lors d’une interview récente sur le piquet de grève et le montant de 900 000 F pour certains cadres est sorti. En fait, il se trouve qu’une erreur de la comptabilité d’ATN a abouti au versement d’une de ces primes sur le compte d’un pnc ayant le même prénom qu’un cadre. (…)
• Tous les ans, Air Tahiti Nui subventionne très largement Tahiti Nui Hélicoptères à hauteur de plusieurs centaines de millions de francs. 400 millions la première année, 600 millions la deuxième année, 300 millions la troisième année. Pourquoi cette société qui “marche si bien” a t-elle besoin d’autant d’argent provenant des caisses d’ATN ? (…)
• 30 millions de francs ont été dépensés en œuvres d’art, il y a quelques années lors de l’inauguration du siège de l’entreprise à Faa’a, le bâtiment Tu’a Rata. La grande rame de 4 mètres de long dans le réfectoire en fait partie. Pour quelle utilité ? Peut-être pour tara’i des serviettes ? (…)
• Plusieurs dizaines de sportifs, artistes et autres saltimbanques censés faire de la pub pour ATN de par leurs performances, avec en contrepartie des billets gratuits. C’est bien. Mais pour quelles retombées chiffrées pour la Compagnie ? Personne ne sait. (…)
• Qu’en est-il du procès en cours depuis 7 ans à l’initiative d’employés qui se sont rendus compte d’irrégularités sur le paiement de leurs heures supplémentaires ? Procès qui arrivera à terme prochainement et qui risque de coûter des centaines de millions de régularisation de salaire à ATN. (…)
• En parlant de procès, ATN en a eu environ une quarantaine si ce n’est pas plus. 99% d’entre eux ont été perdus, avec à la clé des millions à payer en dédommagements. Et bizarrement, ATN utilise toujours le même cabinet d’avocats localement. (…)
• Le plan de départs volontaires de plus d’un milliard se solde aujourd’hui par le recrutement et la formation en urgence de pilotes en CDI et de pnc en CDD pour des postes laissés vacants. Une gestion à court terme des ressources humaines, avec l’emploi précaire de saisonniers, certains d’ailleurs depuis 10 ans ! (…)
• Nous avons ouvert une ligne vers Seattle alors que cela fait des années qu’on nous dit qu’ouvrir une ligne est trop risqué financièrement. Nous, navigants, suggérons depuis longtemps à la Direction de refaire des charters comme avant. Air Tahiti Nui en a fait des dizaines, ce qui a contribué au rayonnement de notre compagnie à travers le monde. (…) “Pas rentable” nous a-t-on répondu maintes et maintes fois. Ah d’accord, donc on a fait tous ces charters à perte alors ? Et là, pouf, on ouvre Seattle…
• Nous laissons la place sur Los Angeles pour que d’autres compagnies s’engouffrent sur le créneau et nous prenons une destination sans grand attrait pour les consommateurs locaux. On ne fait que déplacer 2 vols PPT-LAX-CDG et retour chaque semaine par Seattle. C’est tout. Personne ne descend ni ne monte à bord. Du transit pur et simple. Pourquoi ne pas avoir gardé Vancouver du coup ? (…)
• Tout a été décidé en moins d’un an, sans réelle étude de marché. Même le GIE Tahiti Tourisme a été mis devant le fait accompli. Quels ont été les remplissages réels sur cette ligne et le nombre total de passagers transportés depuis le début par rapport à la capacité de nos avions ? (…)
• Le compte rendu de la Cour des Comptes de Paris sur la défiscalisation accordée à Air Tahiti Nui pour l’achat de Boeing américains à la place d’Airbus européen, grâce à des aides de l’Etat français, n’est aussi que la partie émergée de l’iceberg. Le coût final d’ailleurs de cette opération a été un gouffre financier, tant la formation de tout le personnel a engendré des dépenses faramineuses, non prévues et non anticipées.
• Des aides de l’État et du Territoire dont ATN a aussi bénéficié lors de la crise Covid, et dont la direction fait ce qu’elle veut avec, y compris s’octroyer des primes en ces temps difficiles. (…)
• Que le gouvernement demande à l’Assemblée de Polynésie de créer une commission d’enquête sur ATN qui sera chargée de faire un vrai audit sur les rémunérations et autres primes des cadres, sur qui fait quoi et pour quel salaire etc… (…) Que l’audit compare le coût des 20 salaires et autres indemnités de mandataires sociaux d’ATN les plus élevés avec le coût de la masse salariale des plus de 600 et quelques autres employés !
• La prime de 200 000 F donnée aux employés. (…) L’économie générée par la baisse de 5% du salaire des employés ATN représente environ 500 millions. 650 employés x 200 000 XPF de prime, ça fait 130 millions ! ATN a encore au moins 300 millions d’économies en caisse. Ce n’est donc pas une “prime” qui a été versée, simplement une rétribution de l’argent que les employés ont fait économiser à ATN ! (…)
• Tous les ans, l’ICV, l’indice du coût de la vie doit être renégocié pour suivre l’inflation. En 2022, celle-ci était de 8,5%. Ce milieu d’année, on est pratiquement à 10%. L’augmentation de l’ICV n’est qu’un “réajustement” des salaires. Pas une prime. Monvoisin indique avoir “donné” 5,5% sur l’ICV. C’est bien. Mais on est encore loin des 10% d’inflation ! (…)
• On nous fait remarquer que le Territoire a versé 8 milliards d’aide. C’est vrai. Les contribuables ont aidé ATN, le premier vecteur de touristes et de devises. Grâce à ATN, des dizaines de milliards entrent sur le Territoire et font vivre et fonctionner notre économie, hôtels, pensions, restauration etc…
• Nous PNC avons donc triplement cotisé chez ATN : une première fois en réduisant nos salaires de 5%. Une deuxième fois en renonçant à notre 13e mois, et une troisième fois en tant que contribuables polynésiens ! Sans compter nos 10% de productivité en plus pour un salaire moindre ! (…) Il faut arrêter de penser qu’on est des nantis gâtés pourris !
• Ce que nous demandons, c’est une revalorisation de notre grille salariale. C’est ce qui détermine notre avenir et notre future retraite. (…)
• Il existe d’autres pistes pour économiser de l’argent. Nos propositions viennent de notre expérience à bord. On parle de nos mises en place, le dead-head dans le jargon aéronautique ?
On nous envoie et ou on nous ramène en passager pour faire une demie rotation, tout ça pour gratter sur les nuits d’hôtels et nos perdiems. Quelle économie fait-on lorsqu’on a trois équipages (30 pnc en classe eco. + 6 pilotes en business) qui prennent la place de passagers payants ? TOUS nos vols sont full ! (…)
• Les repas à bord sont de plus en plus minable, les sièges sont cassés ou ne marchent pas, même en classe business ! On ne répare rien mais on les commercialise ! Idem pour les accoudoirs qu’on remplace à la pelle. (…)
• Quand Monvoisin nous dit en direct qu’on peut trouver des tarifs PPT-Paris au prix d’un Paris-Toulouse !!! N’importe quoi ! Il adore balancer des infos et contre infos pour semer le doute dans l’esprit des gens. (…)
• L’intox des chiffres ! Comme les soit-disant 500 ou 600 millions qu’on demanderait et que Monvoisin sort de son chapeau (ça change tous les jours !) et notre demande de 30% d’augmentation (encore les chiffres de la direction) !
• Tout le monde l’encense et le congratule sur sa gestion d’ATN ! Michel, tu n’as fait que récolter les fruits des réformes de Cédric Pastour, l’ancien PDG avant toi. Et tu as eu la chance que le prix du carburant baisse juste quand tu es arrivé, c’est tout. (…)
• ATN a remporté plusieurs fois des prix pour son service cabine, c’est-à-dire NOTRE SERVICE, NOS EFFORTS DE PNC ! (…)
• L’ambiance au sein de notre entreprise se dégrade depuis des années, et nous assistons impuissants à tout ce qui arrive, avec en plus un mépris constant de notre direction envers notre travail et nos efforts. (…)
• Revenons sur le SYNACO, le fameux “syndicat maison” qui ne fait pas grève ! En 2012, lors du dernier mouvement social, TOUS les pnc étaient adhérents ! TOUS ! Sauf que quand Monvoisin est arrivé, ces messieurs dames du Synaco ont fait copain copain avec lui ! (…) Depuis des mois, le Synaco nous balade et fait traîner les négociations.(…) Sauf que les nouveaux élus bossent très bien et on avance SANS le Synaco ! (…)
• Update du samedi 08-07 : la direction fait pression sur les pnc en escale pour qu’ils ne rentrent pas ! Menaces ! (…) Que dire des saisonniers en CDD que vous forcez à repartir en vol à peine rentrés, au risque qu’ils perdent leurs licences de vol ! Le SEAC (Service d’État de l’Aviation Civile) est au courant de la situation ! (…)
• Ah oui, une dernière chose la Direction : arrêtez de faire croire aux gens que nous sommes agressifs sur notre piquet de grève ! (…) Nous on continuera d’accueillir en chant et avec des couronnes les membres de notre famille PNC, grévistes ou pas. (…)
• Laisser la situation pourrir, gaspiller l’argent du contribuable en affrétant Aircalin, les nuits d’hôtel pour les passagers bloqués etc… Magnifique comme gestion !
• Nous, PNC d’Air Tahiti Nui, continuerons à œuvrer pour la compagnie. Être accueillant et disponible envers nos passagers. Veillez à veiller à leur sécurité à bord. (…)
