Riccardo Pineri scrute le regard des peintres sur la beauté de Tahiti

Riccardo Pineri, passionné par le regard des artistes sur la Polynésie. (Photo : PhB/LDT)
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Depuis longtemps, le professeur Riccardo Pineri écrit sur la perception de la Polynésie par les écrivains et les peintres venus découvrir puis s’inspirer de ce fenua étrange et fascinant (L’Île, matière de Polynésie parue en 1992). Il poursuit son analyse artistique dans deux ouvrages déjà connus au fenua, l’un sur Gauguin, l’autre sur Bousquet, sortis aux éditions Api.

A Paris, c’est dans la célèbre librairie internationale de l’Harmattan, sur les pentes de la Montagne Sainte-Geneviève, que l’auteur, invité par la Délégation de la Polynésie française, a présenté ses deux opus devant un petit public de passionnés. D’entrée, l’auteur de Le regard de l’étranger. Paul Gauguin et la Polynésie se pose en défenseur de l’art, face à la “déferlante dé-constructive et donc mortifère” de ce début de siècle, à commencer par la littérature. “Aujourd’hui, l’œuvre d’art est réduite en bouillie” se désole amèrement Pineri.

L’étranger n’est pas le touriste d’aujourd’hui, mais “une personne qui demeure un certain temps dans le pays et qui laisse toujours de la distance avec ce lieu qu’il regarde d’un œil critique. Il est étranger avec intimité et distance unies”. Le philosophe Georg Simmel exprimait cela en considérant que l’étranger est une “forme sociologique” caractérisée par le fait d’être à la fois fixé en un point de l’espace et détaché de ce même point. Dans son ouvrage, Riccardo Pineri démontre que dans ses tableaux, Gauguin intégrait des représentations de ses propres valeurs d’origine (notamment les nombreuses insertions chrétiennes) et des symboles typiquement polynésiens qui, seuls, guidaient son inspiration, notamment dans Ia ora na Maria, entre autres tableaux. 

Riccardo Pineri balaie d’un trait les reproches faits à Gauguin quant à sa vie d’homme pour ne s’intéresser qu’à l’artiste. “Le sens de la vie d’un homme, c’est son œuvre” écrivait Charles Morice à propos de son ami peintre. De même, dans Les seins aux fleurs rouges, la symbolique reste puissante et associe toujours regard et interprétation in situ de l’âme polynésienne. La beauté polynésienne est magnifiée, même dans les derniers tableaux révélateurs de la fin du peintre qui se consacre (comme par un message subliminal) à des natures mortes, incluant de vrais symboles polynésiens (comme la présence de Hina). 

Riccardo Pineri change de siècle avec son second ouvrage paru en 2019 aux éditions Api et consacré au peintre contemporain Jean-Luc Bousquet, Traduire l’invisible. Un essai dans lequel il observe “le désir de l’artiste de se libérer de la densité et de la fascination des éléments dont l’eau”. Les œuvres, très tourmentées, sont d’une inspiration puissante et avant tout du domaine onirique, quoi que parfois l’artiste offre une œuvre réaliste comme la vahine à l’œil au beurre noir, que Ricardo Pineri interprète comme une scène de la vie ordinaire au fenua. Un brin de sociologie locale en somme ? Un regard de peintre avant tout.

Ph. Binet, correspondant de Paris

Dans l’assistance, la nouvelle déléguée de la Polynésie française, Sarah Teriitaumihau, entourée de Marc Hélias et de Marielle Pettinato. (Photo : PhB/LDT)