Vannina Crolas : “Le président m’a donné l’OPT car il s’agit de sauver le groupe”

Pour Vannina Crolas, ici au centre avec à sa gauche, Tehea Teuira, sa directrice de cabinet et à sa droite, Vaianu Oopa-Henriou, cheffe de cabinet, il est urgent de trouver des solutions pour sauver l'OPT et préserver les emplois. (Photo : Sébastien Berson)
Pour Vannina Crolas, ici au centre avec à sa gauche, Tehea Teuira, sa directrice de cabinet et à sa droite, Vaianu Oopa-Henriou, cheffe de cabinet, il est urgent de trouver des solutions pour sauver l'OPT et préserver les emplois. (Photo : Sébastien Berson)
Temps de lecture : 5 min.

“J’aime l’OPT parce que j’y ai fait mes premières années.” C’est ainsi que Vannina Crolas, ministre de la Fonction publique, de l’Emploi, du Travail, de la Modernisation de l’administration et de la Formation professionnelle, débute lorsqu’on aborde avec elle la situation du groupe dont elle est la ministre de tutelle. Alors que ce 10 juillet, l’adoption des comptes annuels de l’OPT, pour l’année 2021, par la commission législative de l’assemblée, affiche un déficit annuel de 319 millions de francs, la ministre parle d’un déficit actuel d’environ un milliard de francs.

Comme le révélait nos confrères de Tahiti Infos la semaine passée, confirmé une fois de plus par Vannina Crolas, “la situation financière du groupe OPT est préoccupante”. Et il est urgent d’agir. Ultra déficitaire, l’OPT a des charges, rien que sur la masse salariale, qui s’élèvent à dix milliards de francs, informe celle qui fut cheffe de la division des affaires budgétaires dans le groupe. Cela représente environ 1 200 emplois. Et le but est clair pour la ministre : “l’idée, c’est d’éviter la perte d’emplois au niveau de l’OPT.

Vannina Crolas (à gauche) lors de sa rencontre du 23 mai dernier avec le PDG du groupe OPT, Jean-François Martin. (Photo : Présidence de la Polynésie française)

Le courrier envoyé par la ministre au PDG de l’OPT, Jean-François Martin, n’a pas pour “idée de taper sur l’OPT” tient à préciser Vannina Crolas. Il a pour but “d’interpeller et de travailler sur les mesures concrètes qu’il convient de mettre en place pour éviter la catastrophe” précise t-elle. “C’est dans l’idée de trouver ensemble des solutions” car, pour celle qui était encore il y a peu à la direction des services à Faa’a, il existe bien “des défaillances de gestion de l’opérateur historique.”

“Avant 2019, l’OPT ne demandait pas de subvention”

Rationalisation et réduction des dépenses vont être de rigueur dans la gestion du groupe, annonce la ministre. La solution ne peut pas venir d’une seule subvention accordée au groupe, toujours selon elle. “Donner un milliard à l’OPT, c’est un milliard en moins qu’on pourrait donner aux autres. A force de donner, on risque d’alimenter un puits sans fond”. Et la rigueur passera probablement par une remise en question des avantages.

A ce propos, les représentants du personnel seraient d’accord pour revenir sur certains avantages, indique la ministre. “Beaucoup comprennent le message de la solidarité”. “Ils ne sont pas opposés au principe de revoir les avantages. Il faut engager les discussions avec eux. Nous ne savons pas encore sur quoi ils seront d’accord.”

En plus de la révision des avantages, il faut, pour Vannina Crolas, travailler aussi pour hisser le groupe au même niveau de compétitivité que la concurrence. “Jusqu’à l’arrivée de la concurrence, les bénéfices d’Onati suffisaient pour compenser les déficits de la postale Fare Rata et de l’établissement de paiement (Marara paiement aujourd’hui, Ndlr). Ce n’est plus possible aujourd’hui.”

Des réponses ont déjà été apportées par les directions des différentes filiales du groupe, informe la ministre, mais elles ne sont pas encore communiquées. Un comité exécutif avec tous les directeurs des filiales du groupe OPT a lieu ce mardi 11 juillet à 14 heures. Des points seront travaillés et aussi vérifiés : “Les délégués du personnel disent que l’OPT a financé le budget du Pays pendant plusieurs années. Ils nous parlent de quatorze milliards de francs à peu près. Il faut que l’on vérifie. Ce sont les dividendes de l’OPT qui auraient été réinjectés dans le budget du Pays. Mais ça, c’était quand on n’était pas là… ».

Dossier Interoute : “Moetai Brotherson est allé voir les banques
pour demander un gel des mensualités des crédits”

Selon nos informations, le Pays serait débiteur auprès d'Interoute d’une somme avoisinant les 150 millions de francs. (Photo illustration STS)
“Nous (le Tavini, Ndlr), nous sommes contre la caisse chômage mais pas contre trouver un dispositif d’aide pour les personnes qui se retrouvent à la porte suite à un licenciement économique.
(Photo : archives LDT)

Interrogée sur le dossier Interoute, Vannina Crolas informe que les représentants du personnel de la société ont été reçus dès le jour de l’annonce de la liquidation judiciaire, pour faire un point sur la situation individuelle de chaque salarié. Sur la centaine de collaborateurs se retrouvant sans emploi, la ministre précise qu’environ une vingtaine répond aux conditions d’éligibilité de départ à la retraite. Environ vingt autres personnes seraient d’ores et déjà réembauchés par la concurrence.

Enfin, pour la soixantaine de personnes restantes, la ministre du Travail met en avant les mesures d’aides à l’emploi qui seront mises en place rapidement afin que les ex-employés d’Interoute puissent revenir sur le marché du travail. Stages, formations pour monter en compétences, accompagnement dans la création d’entreprises… sont, entre autres, les types de mesures qui seront proposés dans le cadre d’un projet personnel de chacun. “On a reçu les personnes avec le SEFI. Un job dating sera organisé. Avec celui-ci, on espère placer des personnes. Les autres bénéficieront de l’accompagnement. Le SEFI doit trouver un projet adapté à chaque personne, à trouver un projet d’insertion professionnelle. Les mesures d’aides à l’emploi ne sont pas sociales, ce sont de vraies mesures d’aides à l’emploi.” 

Dans cet accompagnement à la reconversion, à la requalification, à la réinsertion, cinq secteurs seront priorisés, les cinq mêmes qui faisaient partie du programme électoral du Tavini lors des dernières territoriales : agriculture, pêche, énergies renouvelables, tourisme, économie numérique et audiovisuelle.

Sur ce même dossier, Vannina Crolas rapporte que le président du Pays, Moetai Brotherson, en soutien aux employés licenciés économiquement, est allé à la rencontre des trois banques du Pays afin de demander un gel des mensualités de crédit, pour les ex-salariés concernés, le temps que ces derniers puissent rebondir et retrouver un emploi.

Questionnée enfin sur la potentielle création d’une caisse chômage : “Nous (le Tavini, Ndlr), nous sommes contre la caisse chômage mais pas contre trouver un dispositif d’aide pour les personnes qui se retrouvent à la porte suite à un licenciement économique. On veut remettre au goût du jour la valeur du travail. Tu n’as rien sans rien. Il faut que derrière, les gens ne se contentent pas de recevoir l’aide. L’aide doit être ponctuelle.

La citoyenneté polynésienne sera une première étape avant l’objectif final qu’est l’indépendance”

Vannina Crolas, ministre de la Fonction Publique, de l'Emploi, du Travail, de la modernisation de l'administration et de la Formation professionnelle : "L’idée est d’optimiser l’administration pour qu’elle coûte moins chère aux entreprises et à la population et que l’on puisse libérer le potentiel du secteur privé." (Photo : Sébastien Berson)
Vannina Crolas, ministre de la Fonction publique, de l’Emploi, du Travail, de la Modernisation de l’administration et de la Formation professionnelle : “L’idée est d’optimiser l’administration pour qu’elle coûte moins cher aux entreprises et à la population et que l’on puisse libérer le potentiel du secteur privé.” (Photo : Sébastien Berson)

Concernant le départ de Valérie Bépoix, à la tête de la Direction du travail, Vannina Crolas tient à préciser que celle-ci arrive au terme de ses quatre années réglementaires en détachement sur le territoire. Il n’a donc jamais été mis fin à ses fonctions. “On tient à la remercier car c’est elle qui a insisté pour que sa remplaçante soit une Polynésienne. Elle prendra ses fonctions en octobre. Elle a également contribuer à l’embauche d’une deuxième inspectrice du travail polynésienne. Elle a beaucoup contribué au Pays.”

A propos de l’avancée sur la citoyenneté polynésienne : “on essaie déjà de faire appliquer les textes en place. Les textes ont été faits mais on ne sait pas qui doit faire appliquer ces derniers. On doit se réunir avec la Direction du travail et le SEFI. La Direction du travail demande des moyens supplémentaires pour assurer le respect de cette loi. On ne contrôle pas tout, c’est une usine à gaz… Sur la citoyenneté, c’est un travail parlementaire avec nos députés à Paris. C’est un travail sur la loi organique, même constitutionnel… La citoyenneté polynésienne sera une première étape avant l’objectif final qu’est l’indépendance.”

En plus de la sectorisation des mesures d’aides à l’emploi mentionnées précédemment, ou bien la simplification du code du travail et la facilitation de la création d’entreprise, la décentralisation de l’administration fait partie des dossiers prioritaires de la ministre. “Avec les Fare Ora, l’idée est d’articuler la Fonction publique territoriale et communale afin d’être au plus près du terrain. Il y a une organisation du service public à faire entre le Pays et les communes pour que leurs populations puissent avoir tous les services publics de proximité. Fare Ora sera une entité qui va concentrer ces derniers. Les communes de Mahina et de Faa’a seront les communes pilotes.