A Moorea, une cérémonie s’est tenue en hommage au baleineau décédé

Arrivés sur place, les vétérinaires de Mata Tohora avaient été informés qu’il s’agissait d’une terre sacrée. "Nous en avons accepté le principe par respect, explique Agnès Benet. (Photo AB)
Arrivés sur place, les vétérinaires de Mata Tohora avaient été informés qu’il s’agissait d’une terre sacrée. "Nous en avons accepté le principe par respect, explique Agnès Benet. (Photo AB)
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“La baleine est un animal emblématique pour les Polynésiens. Il s’agissait de lui manifester notre respect et de lui redonner une dignité” explique Hinano Murphy, organisatrice, samedi 8 septembre à Moorea, d’une cérémonie culturelle en hommage au jeune baleineau retrouvé mort dans le lagon de Moorea. “C’est aussi l’occasion de sensibiliser chacun d’entre nous à la protection de l’environnement, afin de mieux comprendre que les Polynésiens sont d’abord un peuple de l’océan”.

Rappel des faits. Lundi dernier, un pêcheur de Moorea signale la présence d’un baleineau seul dans le lagon, une situation immédiatement jugée inquiétante puisqu’un bébé baleine ne peut ni se nourrir, ni même s’hydrater en l’absence de sa mère.

Un premier rapport fait état d’un animal a priori plutôt en bonne santé. Mais une deuxième équipe de vétérinaires constate au contraire, dès le lendemain que l’animal est très maigre, malade, épuisé et proche de la mort. C’est même, selon Mata Tohora, probablement l’état de maladie et de faiblesse extrême du baleineau qui a conduit sa mère à se séparer de lui, aussi cruel que cela puisse paraître pour un esprit humain.

Finalement, le mammifère marin meurt et coule au fond du lagon. La Direction de l’environnement (Diren) demande à Mota Tohora de pratiquer une autopsie afin de déterminer les causes de la mort. Pendant cinq heures à Moorea, son équipe de vétérinaires cherche la dépouille du baleineau puis la trouve enfin en baie de Opunohu, en face du Criobe.

“Arrivés sur place, nos vétérinaires ont été informés qu’il s’agissait d’une terre sacrée et qu’à ce titre, il n’était pas possible d’y conduire une autopsie” explique Agnès Benet, biologiste marin et présidente de Mata Tohora. “Nous en avons accepté le principe par respect et les deux vétérinaires sont rentrés à Tahiti.” Une autopsie aurait été tout de même réalisée sur cette même terre sacrée par d’autres vétérinaires, avant inhumation. 

Samedi matin, aux côtés d’une cinquantaine de personnes, l’association de protection des cétacés a participé à la cérémonie organisée à Opunohu. “Nous nous sommes vraiment sentis concernés et touchés par la mort de ce baleineau” souligne Agnès Benet. “C’est aussi pour nous l’occasion de montrer que l’alliance entre la science et la culture est possible, ce ne sont pas deux notions qui s’opposent. (…) Hinano et Tepua ont parlé, il y a eu des chants et surtout nous avons jeté à l’eau une immense couronne constituée de nos couronnes en ‘auti montée exclusivement sur des liens végétaux.” Enfin, Hinano Murhy a organisé chez elle plusieurs mini-conférences informelles sur l’homme, la nature et les liens complexes qui les unissent.

“C’est une situation difficile, mais aussi une occasion de sensibiliser chacun d’entre nous, en particulier les jeunes, sur l’importance du lien avec la nature : il ne faut pas le théoriser mais le VIVRE” insiste la militante de Moorea. “Nous sommes les gardiens de ce patrimoine. C’est un geste d’espoir qui stimule les communautés. Nous appelons à travailler ensemble sur ces questions. Il nous fallait aussi extirper cette douleur que nous avons ressenti, et demander pardon à cet être qui n’a pas survécu. Il faut inclure la dimension culturelle.”