Le miconia, véritable “cancer vert”, a déjà attaqué les Antilles françaises selon le CNRS

Garde nature portant des feuilles de "Miconia calvescens" dans la forêt humide de Nouvelle-Calédonie. (Photo Nicolas-Alain Petit / Biosphoto)
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Dans un article intitulé “Ces plantes qui envahissent le monde“, le “Journal” du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) aborde la question des pestes végétales, et évoque le cas précis du miconia qui constitue une vraie menace pour la biodiversité végétale en Polynésie française.

“Moins médiatisées que les espèces animales invasives, les plantes exotiques envahissantes n’en sont pas moins féroces et se révèlent de redoutables concurrentes pour les plantes locales. Avec à la clé, des impacts négatifs sur les écosystèmes” reconnaît ainsi le CNRS. “Sur les dix espèces exotiques envahissantes les plus répandues dans le monde, listées dans le rapport que la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), le “Giec de la biodiversité”, vient de consacrer aux espèces exotiques envahissantes, sept sont d’ailleurs des plantes, comme le lantanier, le robinier faux-acacia ou la jacinthe d’eau”.

Très prisée dans les jardins pour ses qualités de couvre-sol, la griffe de sorcière originaire d’Amérique du Sud a colonisé tout le littoral français, mais aussi les côtes de Galice, en Espagne.

Certaines plantes exotiques ont une telle capacité à proliférer et à envahir les milieux où elles sont introduites qu’elles sont même qualifiées de “super envahissantes”. Les territoires d’outre-mer sont particulièrement touchés par ces espèces très performantes : “en Polynésie française, 70 % de la surface de Tahiti est envahie par Miconia calvescens, un arbre originaire d’Amérique centrale et du Sud“, témoigne Céline Bellard, chercheuse CNRS au laboratoire Écologie, systématique et évolution.

Surnommé le “cancer vert”, le miconia a été retrouvé plus récemment en Martinique en 2017, puis en Guadeloupe en 2020, “menaçant l’équilibre fragile de ces écosystèmes insulaires”.

Comment ces végétaux ont-ils atterri si loin de leur milieu d’origine ? L’introduction de ces plantes exotiques est intimement liée aux déplacements intercontinentaux effectués par les colons européens à partir du XVe siècle.

C’est ni plus ni moins l’héritage de Christophe Colomb, souligne Jonathan Lenoir, écologue, chercheur CNRS au laboratoire Écologie et dynamique des systèmes anthropisés. Les explorateurs ont ramené des espèces indigènes d’Amérique en Europe, et à l’inverse, ceux qui sont partis s’installer dans les colonies ont exporté là-bas les plantes qu’ils affectionnaient.”

On a introduit ces végétaux en masse dans les jardins, les villes, sur les ronds-points, le long des routes“, raconte Laurence Affre, écologue à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE), parce qu’ils sont jolis, avec leurs couleurs et leurs formes inhabituelles.” C’est précisément ce qui est arrivé avec le miconia, introduit en 1937 à Tahiti comme plante ornementale dans un jardin botanique privé, ou avec la jussie, une plante aquatique ramenée en France entre 1820 et 1830 pour décorer des bassins d’agréments.

(Extraits de l’article du CNRS)

Plantes envahissantes : un danger pour la biodiversité

“Une fois introduites dans un nouveau milieu, les plantes exotiques ne se contentent pas de “rester plantées là”. Elles disposent en effet d’un large arsenal de vecteurs de dispersion pour “s’échapper” et parcourir des distances parfois très longues. Les graines issues de leur reproduction peuvent ainsi être transportées par les humains, sous les semelles de leurs chaussures ou les pneus de leurs véhicules, mais aussi par les animaux via leur pelage ou leurs déjections, par le vent ou encore par l’eau.

Une fois introduites dans un nouveau milieu, les plantes exotiques ne se contentent pas de “rester plantées là”. Elles disposent en effet d’un large arsenal de vecteurs de dispersion pour “s’échapper” et parcourir des distances parfois très longues. Les graines issues de leur reproduction peuvent ainsi être transportées par les humains, sous les semelles de leurs chaussures ou les pneus de leurs véhicules, mais aussi par les animaux via leur pelage ou leurs déjections, par le vent ou encore par l’eau.

Leur propagation a un impact bien réel sur la biodiversité dont on commence à prendre toute la mesure. Les espèces végétales exotiques envahissantes provoquent notamment “une dégradation des écosystèmes, avec une diminution de l’abondance des plantes indigènes et une modification importante des caractéristiques du sol“, détaille Laurence Affre. Avec ses feuilles gigantesques, Miconia calvescens a ainsi la capacité d’étouffer complètement la végétation environnante, qui ne parvient plus à capter la lumière. “On assiste alors à la formation de forêts composées exclusivement de miconia qui détruisent l’habitat des espèces endémiques et les menacent d’extinction, en Polynésie et dans les Antilles notamment”, indique Céline Bellard.

Aujourd’hui encore, on trouve des plantes exotiques reconnues comme envahissantes en vente libre dans les jardineries françaises, comme l’arbre aux papillons ou la luzerne arborescente. (…) À l’issue de la COP15 sur la diversité biologique de Kunming-Montréal, en décembre 2022, 188 gouvernements ont convenu de réduire d’au moins 50 % d’ici à 2030 l’introduction et l’implantation d’espèces exotiques envahissantes prioritaires. Un accord aussi ambitieux qu’essentiel face à l’urgence de la situation. Mais qui doit maintenant être suivi d’effets.”

(Extraits du Journal du CNRS)

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