En Corse, optimisme prudent après une bataille gagnée sur le chemin de l’autonomie

L'assemblée de Corse. Le gouvernement central et les élus corses sont tombés d'accord sur un projet d'"écriture constitutionnelle" prévoyant "la reconnaissance d'un statut d'autonomie" de l'île "au sein de la République". (Photo : assemblée de Corse)
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Une “opportunité pour devenir un exemple de progrès” ou une fausse solution? A Ajaccio, mardi, l’accord trouvé dans la nuit entre le gouvernement et les élus corses sur un projet constitutionnel d’octroi d’une autonomie à l’île suscite un optimisme prudent.

Cette autonomie, “c’est une opportunité à saisir”, estime auprès de l’AFP Christophe Paccou-Mattei, employé municipal de 46 ans, qui promène sa chienne sur une plage d’Ajaccio, sous un beau soleil. Mais, “je n’ai pas une confiance absolue en ce gouvernement“, nuance-t-il.

Après cinq heures de discussions qui viennent clore deux ans de négociations, le gouvernement et les élus corses sont tombés d’accord sur un projet d'”écriture constitutionnelle” prévoyant “la reconnaissance d’un statut d’autonomie” de l’île “au sein de la République”.

Pour que la réforme constitutionnelle soit validée, il faut encore qu’après consultation de l’Assemblée de Corse, le texte soit voté par les deux chambres du Parlement dans les mêmes termes, puis adopté par le Congrès à la majorité des trois cinquièmes.

Rattachée à la France à la fin du XVIIIe siècle, la Corse, île méditerranéenne de près de 350.000 habitants, entretient une relation complexe avec Paris et a été traversée de longue date par des revendications autonomistes voire indépendantistes, qui ont parfois pris la forme d’actions violentes.

Pointant “les gens qui n’arrivent plus à se loger, de plus en plus d’anciens qui font les poubelles” et un “potentiel environnemental ruiné“, Christophe Paccou-Mattei “espère que l’autonomie donnera davantage de pouvoir” aux institutions locales.

“Pour nous protéger et être précurseurs notamment en matière environnementale et sociale. Qu’on soit un exemple de progrès et qu’on arrête d’être dans le sillage de ce qui se passe sur le continent ou ailleurs et qui n’est pas forcément un bon exemple”, ajoute-t-il.

Dans le quartier animé et commerçant du Trottel, à Ajaccio, Francine-Pascale Abadi-Pangrani, 72 ans, confie à l’AFP être “mitigée” face à une autonomie de l’île: “Si ça nous apporte quelque chose, ok, c’est bien. Mais si c’est pour que ça nous complique la vie et qu’on paye plus cher les billets d’avions et la vie quotidienne, alors non!”.

Cette logisticienne à la retraite dans une grande entreprise de chimie juge “intéressant” que “certaines décisions puissent être prises ici de façon décentralisée”.

Mais “je trouve normal que les pouvoirs régaliens restent à Paris” et “je suis vraiment contre l’indépendance de la Corse” et contre l’enseignement en langue corse, dit-elle.

“Je suis Corse, Française et Européenne, c’est clair pour moi” et “avec, peut-être, la menace d’une guerre, je pense qu’il vaut mieux rester sous la protection de la France et de l’Europe”.

“Y arriver par eux-mêmes”

Sur la balade du front de mer d’Ajaccio, Christiane-Victoria Cavallo-Beghin, profite de la douceur de la matinée.

“On aime notre terre, on aime notre Corse, on voudrait être indépendant, vous voyez et c’est pas pour ça qu’on ne sera pas Français”, dit à l’AFP cette retraitée de 74 ans.

Indépendant? Mais plus Français alors? “Dans le coeur, bien sûr que oui, on le sera toujours“, rétorque-t-elle en souriant.

“J’approuve les nationalistes parce qu’ils veulent assumer leur terre, leur bien, ils voudraient prouver qu’ils peuvent y arriver par eux-mêmes”, dit-elle, heureuse de l’accord de la nuit: “Je remercie M. Macron”.

Antoine, fonctionnaire d’origine corse à la retraite qui ne souhaite pas donner son nom parce que certains de ses proches travaillent à la collectivité de Corse, est, lui, “contre l’autonomie”.

“On n’est pas assez mûr. Il n’y a qu’à regarder ces 20 dernières années, on n’a pas été capable de résoudre le problème des ordures”, dit-il en référence à un plan de la Collectivité de Corse pour traiter les déchets qui est dénoncé par des organisations environnementales.

“L’autonomie ne sera absolument pas une solution (…), c’est les mêmes qui mangeront”, tranche le sexagénaire en espérant “qu’il y aura un référendum et que le non passera”.

Pour le politologue André Fazi, “il est évident que les différends d’hier ont été renvoyés” pour être négociés ultérieurement dans “la loi organique qui pourra définir plus précisément le cadre d’exercice des nouveaux pouvoirs des élus corses”.

AFP