Le juge administratif ordonne la réintégration d’un agent du Pays révoqué

Temps de lecture : 3 min.

Le tribunal administratif de Papeete a enjoint, ce mardi 6 juin au Palais de Justice, au président de la Polynésie française de procéder, dans un délai de deux mois, à la réintégration et à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de M. H. à compter du 1er novembre 2022. Rappel des faits.

M.H., fonctionnaire titulaire de l’administration de la Polynésie française, a été classé depuis le 2 novembre 2020 au 8ème échelon du grade d’attaché d’administration. Depuis le 30 août 2021, il a été affecté à la direction de l’équipement à Tubuai, en qualité de chef de la subdivision des Australes, en charge de la gestion administrative et technique.

À la suite d’un contrôle hiérarchique, un rapport du 25 mai 2022 établi par un contrôleur interne et un directeur adjoint administratif a relevé plusieurs faits imputables à M. H., susceptibles d’être fautifs et de faire l’objet de sanctions disciplinaires. Le 23 juin 2022, le requérant a fait l’objet d’une suspension de fonctions à titre conservatoire.

Le 13 octobre 2022, la commission administrative paritaire des attachés d’administration réunie en formation disciplinaire : le compte-rendu de cette séance a relaté qu’aucune majorité n’avait “pu être dégagée pour une sanction”.

Longue liste de griefs

Le 27 octobre 2022, le président Fritch prononçait la révocation de cet agent, une décision contestée par l’intéressé devant le tribunal administratif.

“Il appartient au juge de l’excès de pouvoir (…) de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes” rappelle le tribunal administratif, qui souligne que le rapport d’enquête interne du 25 mai 2022 avait “révélé plusieurs manquements fautifs tenant à l’absence d’application d’une note de service relative aux commandes publiques” visant à garantir une transparence dans la passation des commandes et une meilleure gestion des deniers publics, au non-respect des règles du temps de travail en faisant faire des heures supplémentaires à 15 agents sans urgence signalée et sans autorisation de la direction, au fait d’avoir fait travailler une personne en contrat d’insertion travailleur handicapé en dehors des heures prévues par convention et hors contrat (…) “sans salaire et sans en informer la direction”, au fait d’avoir fait procéder au transport de matériaux (sable et soupe de corail) en 2021 et 2022 au profit de particuliers avec les moyens de la direction de l’équipement, au fait également d’avoir réalisé à titre gracieux des travaux pour des particuliers (…), d’avoir utilisé abusivement le véhicule de service à des fins personnelles y compris les week-ends, etc.

Le “refus d’obéissance” rejeté

Il est reproché au requérant d’avoir méconnu les dispositions d’une note de service interne qui prévoit une mise en concurrence des “besoins annuels” compris entre 50 000 F et 8 millions de francs. Il ressort des pièces du dossier que dix commandes sont antérieures à la prise de fonction de M. H. et que seules cinq commandes ont été initiées sous sa responsabilité dont quatre sans mise en concurrence.

L’intéressé a fait valoir que compte tenu de la situation concurrentielle aux Australes, aucun élément du dossier ne permet d’établir que le requérant aurait été en mesure de consulter plusieurs entreprises pour les prestations concernées. Rien ne vient démontrer qu’il aurait favorisé un fournisseur.

Pour les magistrats, “l’action du requérant en matière de commande publique ne saurait justifier, à elle seule, la qualification en l’espèce d’un refus d’obéissance à l’origine d’une sanction directe de révocation.” Puisque la Polynésie française ne conteste pas sérieusement le fait que les dépassements horaires de certains agents ont été justifiés par la nécessité de réaliser des travaux d’urgence, “la réalisation de ces heures supplémentaires (…) ne peut dès lors être qualifiée de faute professionnelle et déontologique” selon le tribunal.

“Disproportion”

Concernant le transport de matériaux au profit de particuliers, il “ressort des pièces du dossier” que le matériau fourni consiste en de la soupe de corail provenant d’opérations de déroctage, et que “les frais de transports de ce matériau ont toujours été facturés aux acheteurs particuliers de Tubuai en plus du prix du matériau.”

Enfin, à propos de la réalisation, à titre gracieux, de travaux pour des particuliers avec les moyens de la direction de l’équipement, “il ne peut être sérieusement reproché au requérant” d’avoir répondu à la situation de certains administrés par l’utilisation du tractopelle. De même l’utilisation jugée “excessive” de son véhicule de service est balayée : “la fiche de poste de l’intéressé prévoit que celui-ci doit se rendre disponible à tout moment en cas d’urgence, dimanche et jours fériés compris, ce qui implique une utilisation possible de ce véhicule en dehors des heures normales de service.” Pour les magistrats, “si certaines initiatives et certains agissements (…) sont constitutifs d’un manquement grave et fautif de l’intéressé à ses obligations professionnelles justifiant une sanction disciplinaire, ces manquements pris isolément et même globalement ne peuvent toutefois, sans disproportion illégale et sans erreur d’appréciation, fonder la sanction litigieuse consistant en une révocation”