Grue bloquée : Cowan dénonce un “abus de pouvoir” du Port autonome

A propos du refus du Port autonome de délivrer son agrément à la nouvelle grue Cowan, (la Liebherr 550 inactive depuis plus de 5 mois, au premier plan), il dénonce "incompétence, ingérence et abus de pouvoir." (Photo : Damien Grivois)
A propos du refus du Port autonome de délivrer son agrément à la nouvelle grue Cowan, (la Liebherr 550 inactive depuis plus de 5 mois, au premier plan), il dénonce "incompétence, ingérence et abus de pouvoir." (Photo : Damien Grivois)
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D’une portée de 54 mètres, le nouvelle grue Cowan privée d’agrément est adaptée à la manutention des conteneurs et produits en vrac sur les navires de la catégorie Capesize. La capacité de levage peut atteindre jusqu’à 154 tonnes. (Photo : Damien Grivois)


Nouvel épisode dans le bras de fer qui oppose depuis le début de l’année l’acconier J.A Cowan et la direction du Port autonome de Papeete. Le patron de Cowan, Quito Braun-Ortega, s’est déclaré “estomaqué” par les réponses du Port Autonome aux questions de La Dépêche à propos du refus de délivrer son agrément à la nouvelle grue Cowan, une Liebherr 550 inactive depuis plus de 5 mois. Il dénonce “incompétence, ingérence et abus de pouvoir.”

Selon Sébastien Lejeune, directeur adjoint du Port autonome en charge du développement et des études prospectives, Cowan doit d’abord démonter son ancienne grue qui était en panne, mais qui a été réparée depuis et se trouve totalement opérationnelle. Il s’agirait selon lui de respecter “le principe d’équité” entre acconiers mais aussi de “rationaliser” l’espace en zone sous douane. Des arguments “surréalistes” pour le patron de Cowan qui se déclare sûr de son bon droit et convaincu que justice  et indemnisations lui seront bientôt rendues par la voie judiciaire.

“Insuffisance de compétence” au Port autonome

Quito Braun-Ortega pense que le directeur du Port autonome, Jean-Paul Le Caill, a une rancœur personnelle contre lui de longue date. “Il utilise le Port pour m’atteindre, c’est inacceptable” dénonce le patron de Cowan depuis 48 ans, qui regrette surtout “une insuffisance de compétence au Port autonome”.

Quito Braun-Ortega, le patron de Cowan depuis 48 ans : “C’est de l’abus de pouvoir et de l’ingérence de nous refuser l’agrément pour la grue”. (Photo : Damien Grivois)

Il balaie d’emblée l’argument selon lequel c’est un manque de place qui justifierait le refus du Port autonome. Selon lui, la gestion des conteneurs en zone sous douane est loin d’être optimisée. “C’est le principe des carrés de sucres dans une boîte, s’ils sont mal rangés ils prennent de la place…”.

Sept grues mobiles sont actuellement stationnées au bout du quai de Motu Uta, deux Cotada dont une Liebherr 550 flambant neuve reçue en mai dernier, deux grues Sat Nui, et les trois grues Cowan dont la Liebherr 550 empêchée d’opérer.

“On constate qu’elles peuvent toutes stationner sans problème et se déplacer le long du quai au long cours” explique Eddy Cowan, le directeur des opérations de la société d’acconage qui a permis à La Dépêche d’accéder en zone sous douane et d’y photographier les opérations de manutention sur le navire porte-conteneurs Seatrade Green de la compagnie CMA-CGM.

“L’équité” fait bondir Cowan !

La question de “l’équité entre acconiers” évoquée par la direction du Port autonome ferait presque tomber Quito Braun-Ortega de sa chaise. D’abord parce que cette notion n’apparaît absolument nulle part dans aucun document, aucune convention, aucun contrat, et certainement pas dans le code de commerce ou celui de la concurrence.

La grue mobile (qui soulève ici deux conteneurs de 20 pieds) est beaucoup plus adaptée que les grues des navires car elles effectuent le travail “au moins deux fois plus vite” et avec “beaucoup moins d’interventions humaines”, donc “beaucoup plus de sécurité”.
(Photo : Damien Grivois)

“Comment font-ils pour les marchés publics, ils respectent un principe d’équité ? Et comment on respecte l’équité avec des grues qui ne sont pas toutes les mêmes ?” s’étrangle le patron de Cowan. “Nous sommes un opérateur privé qui investit pour s’adapter à la demande des compagnies maritimes, la logique voudrait que le Port soit un facilitateur et pas un empêcheur. CMA-CGM nous demande d’avoir trois grues pour manutentionner leurs conteneurs, nous avons dorénavant trois grues, où est le problème ?”

Ce lundi matin, Cowan a été contraint de louer une grue à Cotada afin de disposer de trois engins de levage, soit un coût compris “entre un et trois millions de francs” à chaque location selon Cowan.

Le ministre Jordy Chan est… l’ex-adjoint du directeur du Port

“Le comble, c’est que cette attitude incompréhensible a remonté toute la hiérarchie, jusqu’à Temeharo et Fritch, sans que personne ne réagisse” s’indigne encore QBO, qui remarque que l’ancien ministre a “dépensé 300 millions de francs” pour un parcours de promenade à Motu Uta, mais qu’il a par exemple oublié d’intégrer les douanes et les affaires maritimes dans le schéma directeur du port.

Selon Cowan, l’espace limité de la zone sous douane, appelé à s’agrandir, est très loin d’être optimisé. (Photo : Damien Grivois)

Ou encore laissé lettre morte à la mise en place d’une police de la circulation portuaire. “Il y a eu un accident en 2021, des travaux préparatoires ont été menés, nous avons tous participé et puis… rien. L’inspection du travail est à présent saisie de la sécurité de la circulation”.

L’actuel ministre de l’Equipement, Jordy Chan, était auparavant un adjoint du directeur du Port, précisément celui qui a été remplacé par… Sébastien Lejeune.

“L’agrément du matériel d’acconage certifie simplement que l’engin est exploitable en toute sécurité” insiste la société Cowan. “C’est donc de l’abus de pouvoir et de l’ingérence de nous le refuser. (…) Le rangement des conteneurs pourrait être largement mieux effectué, c’est une question d’organisation du travail” conclut Quito Braun-Ortego qui se désole que “le poumon économique du fenua soit si mal géré”.

Damien Grivois

“La grue est parfaitement réparée”, explique Eddy Cowan

C’est ce bloc logiciel qui a été remplacé et permet à la grue 400 de Cowan de fonctionner à nouveau parfaitement.

Eddy Cowan, directeur des opérations, a présenté à La Dépêche la Liebherr 550 empêchée d’opérer mais également l’ancienne grue 400 réparée. C’est un problème logiciel qui a provoqué la panne de la grue, et le constructeur se montrait dans l’incapacité de trouver la pièce adéquate. Liebherr a changé ses zones de partage du marché mondial et a “négligé” son client polynésien, qui est désormais en lien avec Liebherr en Australie. “Avec beaucoup de chance”, un autre acconier en Nouvelle-Zélande avait gardé cet ancien système logiciel et a pu le fournir à Cowan pour une dépense globale d’environ 30 millions de francs. L’acconier a aussi acheté deux rouleaux de câble pour remplacer prochainement les câbles de la grue qui sont des pièces d’usure. Pour les opérations de manutention des conteneurs du Seatrade Green, c’est une soixantaine d’agents de Cowan qui sont à la manœuvre, en trois vacations, jusqu’à 21 heures au plus tard. Ce lundi, les opérations se sont terminées à 18h. “Le respect des délais est essentiel pour les compagnies maritimes.”

Les nouveaux câbles sont arrivés. (Photo : Damien Grivois)

Des travaux d’extension de la zone sous douane sont en cours. Et le quai au long cours a aussi été modifié pour accueillir à l’avenir de plus gros navires, même si l’élargissement de la passe n’est toujours pas réalisé. (Photo : Damien Grivois)

CMA-CGM demande à Cowan de disposer de trois grues pour manutentionner ses navires. La compagnie maritime l’a confirmé par écrit aux autorités du Pays.
(Photo : Damien Grivois)