Portrait : la photographe et vidéaste Lea Hahn se jette à l’eau

La jeune femme est parvenue à faire de sa passion pour le surf, l'océan et l'image son métier (Photo : Mata Hoata Photography).
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Née à Tahiti, Lea Hahn a grandi entre Mahina et Papeete, avant de s’établir à la Presqu’île, il y a six ans. Initialement, elle s’imaginait faire carrière en tant que professeure des écoles. Après son bac, elle s’est donc orientée vers une licence de sciences humaines et sociales à l’ISEPP. En deuxième année, alors qu’elle s’interrogeait sur son avenir professionnel, son côté artistique a repris le dessus.

Un coup de téléphone providentiel

C’était en 2017. « Je chante, j’aime créer et mon rêve, c’était d’être réalisatrice. Mes parents m’avaient offert un petit appareil photo-caméra et je faisais des photos sans trop y croire, tout en continuant à surfer pour le plaisir. Un jour, en plein cours, je reçois un appel de Thierry Donard, le producteur de la Nuit de la Glisse, que j’admire beaucoup. Il m’a demandé si j’étais photographe-vidéaste professionnelle pour un tournage en Polynésie et j’ai dit oui, alors que ce n’était pas du tout le cas ! », se souvient la jeune femme, amusée d’avoir osé tenter sa chance.

Elle a eu raison, puisque c’est en se rendant sur ce fameux tournage qu’elle a découvert avec exaltation le métier de photographe et vidéaste aquatique, sa nouvelle vocation.

Lea Hahn à Teahupo’o (Photo : Manea Fabisch)

« Apprendre à lire les vagues »

Lea Hahn économise pour s’acheter un caisson étanche et se jeter à l’eau. Elle fait d’ailleurs ses premières sessions avec un caisson prêté. Et tout s’enchaine très vite. « J’avais des connaissances qui surfaient dans de grosses conditions, donc je me suis rapidement retrouvée plongée dans le bain, ce qui m’a obligée à apprendre très vite à lire les vagues pour bien me placer. J’étais directement sur des spots de récif, comme Sapinus, à Punaauia, et Taapuna pour apprendre à faire des images dans le tube, comme c’est une vague mécanique qui s’y prête bien. Par la suite, j’ai pu aller à Teahupo’o, d’abord de loin, et progressivement de plus en plus près », explique la jeune femme.

La passe Hava’e est aujourd’hui son spot de prédilection, notamment par grosse houle, bien que la pression médiatique et l’augmentation du nombre de bateaux soit difficile à gérer en plus de la vague quand on est aussi exposé.

Un angle de vue imprenable sur les plus belles vagues de Polynésie (Photo : Manea Fabisch)

« En connexion avec la nature et au cœur de l’action »

Malgré les risques, ce point de vue aquatique si particulier, c’est précisément ce qui anime Lea Hahn. « Si j’avais dû rester sur un bateau, je n’aurais pas fait ce métier. Tout l’intérêt, pour moi, c’est d’être en connexion avec la nature et au cœur de l’action. La vague déroule juste devant moi. Avec cet angle de vue dans l’eau, on est plus bas et c’est encore plus impressionnant », précise-t-elle.

Passer quelques heures, voire toute une journée dans l’eau dans des conditions parfois extrêmes, ce n’est pas donné à tout le monde. Cela suppose d’être équipé à tous les niveaux, des palmes à la combinaison, en passant par les batteries de secours, mais pas seulement. « La vidéo, dans les vagues, c’est plus technique que la photo. Pour stabiliser, c’est tout dans les jambes et je retiens ma respiration pour bouger le moins possible. Il faut avoir une bonne condition physique et, au-delà du business, il faut toujours avoir cette humilité de prendre conscience qu’on est tout petit comparé à la puissance de la nature », rappelle Lea Hahn, fidèle à son Sony A6500.

Même si sa préférence va au free surf au gré des houles, la photo-vidéaste sera également à l’eau lors de la prochaine Roxy Vahine Cup, fin août, pour mettre à l’honneur les surfeuses du Fenua.

Une femme parmi les hommes

Photo : Mata Hoata Photography

Dans ce milieu essentiellement masculin, Lea Hahn s’est fait une place naturellement. À ce jour, elle reste la seule femme à exercer ce métier en Polynésie.

Une situation qui l’a conduite à mener une expérience sur les réseaux sociaux. « Quand j’ai ouvert ma page Instagram, LH Prod, je n’ai pas dit que j’étais une femme pendant trois ans. C’était intéressant… Tout le monde pensait que j’étais un homme, puis j’ai fini par montrer ma tête et ça en a surpris plus d’un ! Je n’ai reçu que des messages bienveillants et beaucoup de gentillesse. On voit de plus en plus de femmes qui repoussent leurs limites dans le surf de gros et qui montrent que ce n’est pas un monde réservé aux hommes, y compris dans la photographie. On est toutes capables ! Même si je suis souvent l’unique femme à l’eau. La seule femme photographe aquatique que j’ai croisée ici, c’est Maria Fernanda, originaire du Mexique », remarque-t-elle.

Son premier film : Tahiti Awakens

Affiche Tahiti Awakens Lea Hahn 2023

C’est un projet qui lui tenait particulièrement à cœur. L’avant-première s’est tenue le 24 janvier 2023, au Grand Théâtre de la Maison de la Culture. « C’était comme dans mes rêves : un moment rare avec toute la communauté du surf réunie pour partager cette projection. Nous étions deux caméras, et j’ai fait tout le reste toute seule, sans sponsor : c’était un énorme challenge ! Je suis très fière, parce que ça m’a demandé quatre ans de travail », confie Lea Hahn, parvenue à faire de sa passion son métier.

Et ce n’est que le début de sa carrière. En parallèle des sollicitations, la photographe, vidéaste et réalisatrice nourrit des projets plus personnels. « J’aimerais bien me tourner vers quelque chose de plus artistique en me concentrant sur les vagues en elles-mêmes, les textures, les mouvements, les couleurs, et pourquoi pas faire des expos ou des livres », glisse-t-elle, intimement liée à l’océan.

Zoom sur…

Difficile de choisir ses photos préférées, car chaque moment est unique. Pour La Dépêche de Tahiti, Lea Hahn a sélectionné ces deux clichés, signés LH Prod.

Le surfeur tahitien Mihimana Braye au cœur de la vague de Taapuna, entouré de bleu.

Le surfeur français Joan Duru, champion du monde ISA 2021, en pleine action aux Tuamotu sur une des vagues préservées de l’archipel.