Hira Teriinatoofa : “Il faut que le surf reste un plaisir pour performer”

Le coach de l’équipe de France de surf revient sur ses débuts à Papara, ses souvenirs de compétitions autour du monde et sa façon d’aborder la préparation des athlètes à l’approche de l’échéance olympique (Photo : ACL/LDT).
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À 44 ans, Hira Teriinatoofa impressionne autant par sa décontraction que par sa détermination. Un équilibre physique et mental qu’il s’attache à préserver et à partager. Né à Papeete, il a grandi entre Mahina et Faa’a, puis à Papara, où il réside. À la tête d’une famille recomposée, ce père de deux enfants n’a pas cherché à faire carrière dans le surf : c’est sa passion pour ce sport emblématique du Fenua qui l’a mené vers les compétitions, et qui continue de le guider sur le chemin de la transmission.

Samedi 11 novembre 2023, le secrétaire d’État à la Mer lui remettra la médaille de l’Ordre du Mérite Maritime. Pour La Dépêche de Tahiti, il revient sur son parcours, de ses premières vagues à Taharu’u à sa conception de sa mission d’entraineur de l’équipe de France de surf aux côtés de trois autres coachs, dont Jérémy Florès, à l’approche de l’échéance olympique.

Peux-tu nous raconter tes débuts dans le surf ?

“Mes parents avaient l’habitude de passer des week-ends à Papara en famille. J’étais encore bébé, je ne savais pas marcher, ni nager, qu’ils me mettaient déjà sur une planche pour surfer des petites vagues dans la rivière Taharu’u. C’est vraiment un lieu important pour moi. Je suis très attaché à ce spot. Un peu plus tard, j’ai appris à surfer ici et j’ai été repéré vers 14 ans. Mon oncle, Christophe Holozet, m’a inscrit à ses compétitions de l’époque et c’était parti ! J’ai fait le Critérium des jeunes et je me suis inscrit à la Fédération Tahitienne de Surf. Suite à mes résultats en Polynésie, j’ai été invité à des compétitions junior en Australie. Au fil du temps et des rencontres, la vie de surfeur professionnel est venue. J’ai compris qu’on pouvait en vivre grâce aux sponsors et aux prix. J’ai aimé et j’ai persévéré sur cette voie”.

“J’ai arrêté la compétition après mon deuxième titre de champion du monde”

Photo : Wendy Cowan/archive LDT.

Quels titres et compétitions t’ont plus particulièrement marqués ?

“Plus jeune, je pense que c’est le championnat du monde junior Quickilver Pro de Capbreton, en France, où je suis arrivé troisième, en 1995, de mémoire. Et j’étais arrivé second au championnat européen. C’était une grosse satisfaction pour moi, car je voulais arriver sur le podium à l’international. Et ça m’a motivé à continuer. Plus tard, en 2004, le Fenua et ma famille me manquaient. On était loin d’être aussi connecté qu’aujourd’hui et la distance était difficile à vivre. La fédération m’a proposé de participer à un championnat du monde ISA en Équateur : j’ai accepté et j’ai gagné le titre de champion du monde. Je suis rentré en Polynésie sans penser retourner sur le tour. Mais tout s’est enchainé. J’ai été décoré de la médaille de l’Ordre de Tahiti Nui par Monsieur Gaston Flosse et Billabong est arrivé comme sponsor de la Tahiti Pro à Teahupo’o. Ils m’ont proposé un contrat pour trois ans et c’était reparti pour les compétitions internationales sur le circuit professionnel, les WQS, l’équivalent actuel des Challenger Series. J’ai arrêté la compétition en 2010 juste après mon deuxième titre de champion du monde, au Pérou”.

Comment as-tu abordé le surf sous l’angle de la transmission ?

“Le surf aujourd’hui, pour moi, c’est un apaisement et une façon de me ressourcer. Je me suis reconverti dans le partage en tant que coach. Je transmets mon savoir et mes expériences. J’ai commencé le coaching en 2006 avec le lycée de Papara : j’intervenais auprès du pôle espoir, l’actuelle section surf, où sont passés Vahine Fierro et Matahi Drollet, qui ont percé chacun dans leur domaine. Actuellement, j’interviens dans le cadre de la formation BPJEPS Surf et disciplines associées sur le volet technique et performance. Et en 2011, j’ai signé avec la Fédération Française de Surf”.

“Il faut passer du temps dans l’eau à Teahupo’o pour comprendre la vague”

Photo : FFS / We Creative / Antoine Justes, 2022.

Concrètement, en quoi consiste ta mission en tant que coach de l’équipe de France de surf à l’approche de l’échéance olympique ?

“On s’organise différemment selon l’endroit où l’on va. Par exemple, la semaine prochaine, on va à Puerto Rico pour une pré-sélection, car nous avons besoin de deux autres surfeurs masculins pour rejoindre le team aux championnats du monde ISA de février. Pour deux places, ils sont trois : Marco Mignot, Joan Duru et Mihimana Braye. En sachant qu’il y a encore potentiellement deux places à prendre chez les hommes et une chez les femmes pour rejoindre la sélection en vue des JO avec Kauli Vaast, Vahine Fierro et Johanne Defay. Vu que ce sont des athlètes de haut niveau, la plupart ont déjà leur routine. On les accompagne et on s’adapte à leurs besoins. On peut faire appel à un psychologue, un nutritionniste, un entraineur physique, etc. On travaille beaucoup sur les mises en scène de séries, car l’objectif, c’est qu’ils soient à l’aise pendant la compétition sur le plan physique, mental et matériel. Et bien sûr, il faut passer du temps dans l’eau à Teahupo’o pour comprendre la vague et être en harmonie avec le spot, dans une situation de partage avec la nature pour trouver le mana, comme on dit chez nous. C’est ce que je recherche pour faire progresser nos surfeurs. Dès qu’ils sont disponibles et présents en Polynésie, je les accompagne, en sachant qu’ils ont aussi d’autres objectifs en vue, comme les premières compétitions des Challenger Series en Australie, en mai. Et être coach, c’est accueillir les victoires, mais aussi gérer les déceptions”.  

Quel est le principal conseil que tu leur donnes ?

“Les Jeux Olympiques, c’est la plus grande compétition du monde qu’il faut prendre très au sérieux, car c’est difficile d’y accéder. Ce n’est pas une opportunité qui se présente souvent, donc il faut la saisir et bien s’y accrocher. Il faut aussi réussir à faire en sorte de profiter au maximum et de prendre du plaisir. Pour moi, c’est comme ça qu’on peut gagner. Ça peut paraître contradictoire, mais il faut que ça reste un plaisir pour performer. Il faut imaginer que la pression est déjà énorme, alors que la compétition n’a pas encore commencé. Notre objectif, c’est la médaille, quelle qu’elle soit !”.

Un mot sur Teahupo’o : on entend tout et son contraire ces derniers jours. Que représente ce site pour toi en tant que coach et surfeur ?

“Teahupo’o mérite les Jeux et les Jeux méritent Teahupo’o. Faire la compétition à Papara n’aura pas le même impact, c’est certain, car Teahupo’o est une vague mythique. C’est un rêve pour tous les surfeurs et Kauli le rappelle souvent en interview. Maintenant, il ne faut pas que le rêve s’arrête là”.

Pour suivre les coulisses de la préparation de Hira Teriinatoofa, de l’équipe de France de surf et de nos athlètes polynésiens, rendez-vous sur le site Surfing France de la Fédération Française de Surf.