René Temeharo :  “C’est le bilan le plus approprié au développement de ce Pays”

Interrogé sur les raisons de la défaite du Tapura aux dernières territoriales, "c'est l’exemplarité qui n’a pas été de mise", pour René Temeharo. (Photo : Sébastien Berson)
Interrogé sur les raisons de la défaite du Tapura aux dernières territoriales, "c'est l’exemplarité qui n’a pas été de mise", pour René Temeharo. (Photo : Sébastien Berson)
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Alors qu’il n’avait passé qu’une année au ministère de la Jeunesse et des sports entre 2014 et 2015, il est nommé, en 2018, ministre de l’Equipement en charge des transports. Après quelques remaniements gouvernementaux, à la suite desquels il se voit confier les grands travaux et les relations institutionnelles, René Temeharo vient de passer le relais à l’opposition après cinq années passées à la tête de ses différents portefeuilles.

Lors qu’il prend ses fonctions, le projet le plus important, indique l’ex-ministre, est de reconstituer les équipes du ministère de l’Équipement. Cinq années plus tard, c’est avec plus de 25 milliards d’engagements et plus de deux années de travail assuré, toujours sur le même ministère, qu’il quitte ses fonctions.

René Temharo à la cérémonie de pose de la première pierre du futur Terminal des paquebots.
(Photo DG)

En matière de réalisations et travaux lancés par les équipes de l’actuel président du Centre de gestion et de formation (CGF), sur le portefeuille de l’Équipement, René Temeharo cite : le débarcadère de Hereheretue, travaux à 600 millions de francs, les travaux entamés pour le débarcadère de la baie de Hane à Ua Huka aux Marquises, la marina de la pointe Hiri à Toahutu, le bâtiment A3 (et son parking) sur l’avenue Pouvanaa Oopa, qui regroupera différentes administrations, ou bien encore la passerelle de Teahupoo. Cette dernière, précise René Temeharo, devrait être opérationnelle pour le début de l’année prochaine.

Le “troisième instrument financier” comme levier aux investissements prioritaires

Alors que certains projets avaient été initiés par ses prédécesseurs Albert Solia ou Luc Faatau, comme le reconnaît René Temeharo, un des projets qui lui est propre et dont il est particulièrement fier est la sécurisation du pont de Mahaena. Ce projet, bien qu’il ne soit pas le plus onéreux, est celui qui, confie l’ex-ministre, a eu le plus d’impact auprès de la population, toujours selon lui. En plus d’apporter une sécurité supplémentaire à ce pont lors de la traversée des piétons, la mise en place/construction d’un rideau de protection le long de la rivière, pour éviter les inondations des habitations à proximité, a eu un impact d’apaisement et de soulagement des habitants dont il se souviendra, ajoute t-il.

Timi Wong Yut, directeur de cabinet de René Temeharo durant ses fonctions de ministre, explique qu’une partie de ces investissement ont été rendus possible grâce au “troisième instrument financier”. Cet outil permet au Pays, via le concours de l’État, de programmer des opérations d’investissements prioritaires sur les infrastructures comme les routes, les quais, les marinas, les aérodromes… Cet outil financier est une résultante de la dette du nucléaire.

Côté déception, celui qui est troisième adjoint au maire de la ville de Papeete, admet qu’il aurait aimé avoir plus de temps pour la concrétisation d’autres projets. La non-initiation du projet de la route traversière n’est pas non plus sans lui laisser un goût amer, commente t-il.

“La population n’a pas accepté que l’on soit au-dessus des lois”

Pourquoi le Tapuraa a-t-il, selon lui, perdu les dernières élections territoriales ? René Temeharo estime que c’est essentiellement lié au “manque d’exemplarité” de l’ex-majorité. Pour lui, “la population n’a pas accepté que l’on soit au-dessus des lois”. “Je fais partie de la population. Indépendamment d’être à ce moment-là au gouvernement, c’est injustifiable ce qu’il s’est passé” admet-il. “Chacun a droit de se conformer ou pas, mais cela a tout de même laissé des traces malgré tout.”

Le ministre de l’Equipement avec le président du Pays Edouard Fritch et le tahu’a Raymond Graffe pour l’inauguration de la cale de mise à l’eau de Papenoo. (Photo DG)

Ces traces, comme il le dit, viennent entacher, pour celui qui est en politique depuis ses seize ans, un bilan qu’il juge tout à fait remarquable : “C’est un des bilans le plus extraordinaires que j’ai vécu. C’est le bilan le plus approprié au développement de ce Pays.”

Quelle attitude adopter face à la gouvernance du Tavini ? René Temeharo prône l’attentisme : “Nous attendons de voir concrétiser toutes les choses qui ont été dites durant la campagne. Sur l’inflation, sur la TVA sociale. Nous attendons de voir. Est-ce qu’ils auront le cran d’aller jusqu’au bout de leur engagement ?” Questionné justement sur la suppression de la TVA sociale, il en va, selon lui, de l’intérêt général de la conserver : “La TVA sociale est plus que nécessaire dans l’intérêt général de la caisse. On a sécurisé le financement, avec une fiscalité constante.”

“Entre les annonces et la réalisation, il y a un écart gigantesque”

René Temeharo veut rester très attentif aux débuts du Tavini à la gouvernance du Pays : “J’espère que la population va ouvrir les yeux (…) Indépendamment d’avoir un bon bilan, il y a eu une décision de la population de changer. On ( la population, NDLR) veut ce changement avec ces idées préconçues, l’inflation, on va baisser le coût de la vie, on va supprimer la TVA…(programme Tavini, NDLR) Tout cela a pesé dans l’élection. Nous, en étant dans l’opposition, on ne fera que constater. Puis la population verra.” L’ex-ministre prophétise : “Les cent jours seront importants. Entre les annonces et la réalisation, il y a un écart gigantesque.”

Concernant son avenir, René Temeharo reste, jusqu’en 2026, troisième adjoint au maire de la ville de Papeete, en charge de la protection civile, des ressources humaines, de la qualité et modernisation du service public et de l’informatique. Jusqu’à cette même année, il conserve la présidence du CGF. Viendront ensuite les échéances électorales et leurs enjeux : les élections européennes de 2024 et les municipales de 2026.

Alliance Tapura/Amuitahiraa :
“Seules les montagnes ne se rejoindront pas”

Interrogé sur l’alliance improbable entre le Tapura et le Amuitahiraa, durant l’entre deux tours, après une dizaine d’années d’invectives entre les deux partis, René Temeharo répond : “Il faut être polynésien dans l’âme. Il ne faut pas être français dans l’âme. Seules les montagnes ne se rejoindront pas. Comme on l’a fait en 2007 avec Oscar Temaru, cette paix…On peut ne pas être d’accord, on peut se faire la guerre, mais à un moment donné, on sait se poser.

Gaston Flosse et Edouard Fritch, à nouveau alliés pour contrer le Tavini. Le président du Pays et son ex-mentor ont multiplié les signes très visibles de détente.
Gaston Flosse et Edouard Fritch, une réconciliation qui suppose d’être Polynésien pour pouvoir la comprendre, selon René Temeharo… (Photo : DG)

Pour l’ex-ministre, l’indépendance est inenvisageable : “Nous estimons que nous n’avons pas la capacité à être indépendant. Nous avons la chance d’avoir la France comme partenaire. Constitutionnellement, c’est important. Dans la région du Pacifique notamment. Évidemment, aller chercher Gaston Flosse, c’est ce qu’il y a de plus facile. C’est moi qui ai demandé, avec mon directeur de campagne, de convenir d’une rencontre pour discuter. On s’est posé la question de savoir si on veut laisser partir vers le choix des indépendantistes.”

René Temeharo entend rappeler l’objectif premier du parti bleu ciel : “Le Tavini, fondamentalement, est un parti qui demande l’indépendance. Ce n’est pas un parti qui aime travailler avec l’État. Le fondement même du parti, c’est de couper les liens. C’est pour ça qu’on a fait la démarche. Ça passe ou ça ne passe pas, mais on l’a fait. On a voulu aller plus loin, les autres n’ont pas voulu. Sur le terrain, une partie de la population a vu cela comme une aubaine, d’autres n’ont pas su l’apprécier. Ça (cette alliance, NDLR) a été difficile pour certains, même chez nous (au sein du Tapura, NDLR).”

“Ils sont partis comme des voleurs…”

Le fidèle d’Edouard Fritch regrette également le refus du A Here Ia Porinetia de rejoindre l’alliance. Il considère que l’égo des leaders du jeune parti est la raison de ce non-ralliement. L’ex-ministre semble d’ailleurs ne digérer ni certains propos qu’auraient pu tenir les leaders du troisième parti durant la campagne, ni leur départ du Tapura : “Quand ils sont partis (Nicole Sanquer et Nuihau Laurey, NDLR), ils sont partis comme des voleurs. On ne leur a rien fait. De jour au lendemain, ils ont démissionné. Il n’y a pas eu d’accrochage sur une loi de pays, sur un fait politique ou sur un désaccord avec le président. Ils se sont organisés seuls. Il n’y a pas eu, comme nous de clash, lors de notre éviction du Tahoeraa. Ici, ça n’a pas été le cas. Quand je les entends parler en mal d’Édouard (Fritch, NDLR), ça m’écœure.”

Concernant la rencontre Amuitahiraa et Tapura du lundi 22 mai, il était question de faire un point, informe le président du CGF, “de parler de nos défaillances et voir comment on va continuer”.
A propos du futur de la plateforme autonomiste, il indique que chaque conseil politique de chaque parti se réunira prochainement pour statuer. Mais que pour le moment, aucune échéance n’est connue, précise t-il.

Domaine de Temae : “On ne comprend pas
les réactions de l’association”

D'après le Tapura, "ce site de Temae, en concertation avec la commune de Moorea, fera l’objet d’un aménagement pour un accès public à la mer avec parkings, parcours santé, promenade et zone de vente de produits artisanaux et de terroir".
D’après le Tapura, “ce site de Temae, en concertation avec la commune de Moorea, fera l’objet d’un aménagement pour un accès public à la mer avec parkings, parcours santé, promenade et zone de vente de produits artisanaux et de terroir”. (Photo: STS)

“On était très intéressé pour acheter ce domaine, qui était la propriété de Enany. On ne s’est jamais mis d’accord sur le montant parce qu’il y avait des intermédiaires qui faisaient en sorte de faire monter les prix. Du coup, arrivé un moment, on ne peut pas s’accorder le luxe d’acheter à un prix… on a laissé tombé. Ensuite, voila que Louis Wane devient propriétaire. Il achète les parts. On s’est dit “ça tombe bien”. Maintenant qu’on a un Polynésien qui est devenu propriétaire, on va essayer de discuter avec lui. Pour convenir, d’une part, de refaire la route et aussi, pourquoi pas, de récupérer une partie (du domaine, NDLR) pour les besoins de la population. Comme agrandir l’espace de plage qui appartient à la commune et d’autre part, récupérer des parcelles de terres pour envisager de mettre des entrepôts pour donner impulsion, vie aux besoins qui se font ressentir par les entreprises de la place , que ce soit pour l’aviation ou le secteur du BTP. On s’est mis d’accord. Ensuite il y eu une polémique qu’on a pas compris. Autant, avec Enany, il n’y avait pas eu de discussions, autant on a eu la possibilité d’avoir une personne en face à l’écoute, polynésienne, avec qui on peut discuter. On a ensuite vu des attaques qui n’ont pas de sens (…) On n’a rien signé. On a budgétisé un montant si on avait abouti mais rien n’a été signé.

L’ex-ministre ne cache pas que l’ex-gouvernement n’a pas compris les réaction des associations des habitants de Moorea et de Temae : “Je pense que si les gens avaient l’âme polynésienne, ils n’auraient pas réagi de la sorte (…) Si j’étais président de l’association, j’aurais pris rendez-vous avec le propriétaire.”

A propos du prix d’achat du domaine (des parts de la société qui gère le domaine), René Temeharo informe que le prix réel d’achat des parts par Louis Wane est, non pas de 2,8 milliards de francs, comme cela a pu être annoncé dans différents médias ou bien encore durant les échanges à Tarahoi, entre l’ex-gouvernement et Nicole Sanquer, du A Here Ia Porinetia, mais de 5,9 milliards de francs. Voir notre article ci-après du 16 mars 2023 sur le sujet : https://ladepeche.pf/2023/03/16/temae-du-paisible-domaine-aux-joutes-politiciennes/