Made in France 2023 : les lauréats du fenua contraints d’abandonner

"Le pôle Outre-mer se fera sans la Polynésie", faute d’accompagnement à la hauteur pour les lauréats du salon Made in Fenua 2022. De son côté, la CCISM estime "avoir fait tout ce qui était en son pouvoir" dans un contexte de mise sous tutelle (Photos : DR).
Temps de lecture : 3 min.

Cette semaine, Couleur Cacao et Coconut Me, lauréats du concours Made in Fenua 2022, devaient représenter la Polynésie au salon Made in France 2023. Mais les échanges de ces dernières semaines avec la Chambre de Commerce, d’Industrie, des Services et des Métiers (CCISM) et le Pays n’ont pas abouti comme ils l’espéraient. Malgré un stock de produits engrangé spécialement depuis plusieurs mois, les deux entreprises ont préféré renoncer, faute d’accompagnement à la hauteur de ce qui leur avait été promis.

“Nous ne serons pas dans l’avion”

Dimanche 5 novembre 2023, en début de soirée, la gérante de Couleur Cacao a publié une vidéo sur sa page professionnelle pour annoncer l’issue de cette “aventure rocambolesque” teintée de déception. “Après des mois de travail, des jours de négociations entamées ou pas du tout, après des heures de sommeil inutilement perdues, on abandonne : nous ne serons pas ce soir dans l’avion qui devait nous emmener vers Paris. Ce n’est pas un mot qu’on a l’habitude d’employer, ni même une attitude que l’on aime, mais on n’a pas vraiment le choix. La charge financière est trop lourde pour être supportée toute seule par Couleur Cacao”, explique Sarah Bourgeon, avec une émotion palpable, à la hauteur du travail fourni par la chocolaterie.

“Ce pôle Outre-mer se fera sans la Polynésie. On n’y allait pas pour faire de l’argent, au moins on y allait sans en perdre et on était très fiers, parce que finalement c’est dur pour nous, pour notre équipe, pour la filière cacao et pour toutes les personnes qui y croyait, que ce soit en Polynésie ou en métropole”, poursuit-elle. Cet abandon ne signe par pour autant la fin des projets de l’entreprise, qui ne manque pas de dynamisme. “L’aventure va continuer sous une autre forme”, annonce-t-elle, forte du soutien de ses clients. En quelques heures, sa vidéo a en effet été largement relayée et commentée.

“On est devant un retrait de financement”

Les deux ambassadeurs de l’artisanat local ont fait les frais de l’imbroglio lié à la contestation des élections à la CCISM, qui s’est soldée par une validation tardive des résultats et un gel des dépenses non-engagées. Coconut Me a d’ailleurs opté pour la même décision concernant “l’affaire Made in France”. Partagé entre “tristesse” et “rage”, le gérant de l’entreprise de cosmétiques s’est lui aussi exprimé en vidéo.

“On est venu nous chercher et cette opération a été purement et simplement annulée, ce qui a provoqué la mise à zéro de quatre mois de travail et de préparation pour représenter la Polynésie à ce salon pour la première fois. Ce soir, je ne prends pas l’avion. (…) On nous a menés en bateau et on nous a fait travailler sur un événement qui était une opportunité de dingue pour nous, de manière à rencontrer une clientèle en France dans un salon qui accueille 100.000 visiteurs en quatre jours. On est devant un retrait de financement et, pour une petite structure comme la mienne, ce n’est pas du tout possible d’assumer”, déplore Thierry Chaussinand, en indiquant que les frais engagés pour constituer son stock de produits ne seront pas sans conséquence sur sa trésorerie.

Tandis que de nouveaux lauréats Made in Fenua ont été primés le mois dernier, il espère que l’opération Made in France sera “plus efficace l’an prochain”.

Réponse de la CCISM : “On a fait tout ce qui était en notre pouvoir”

Contacté par la téléphone, le directeur communication et marketing de la CCISM nous a indiqué qu’un droit de réponse serait formulé par voie de communiqué dans la journée, demain au plus tard. “On a fait tout ce qui était en notre pouvoir. Le Made in France fait partie des missions qui ont été annulées dans le cadre de la mise sous tutelle de la CCISM, dans l’attente de l’installation du nouveau bureau, le 27 octobre dernier. C’est un concours de circonstances et de calendrier. On comprend leurs problématiques. On a essayé de trouver une solution alternative en passant par l’Agence de Développement Économique. Des réunions tripartites ont été menées avec une solution proposée aux entreprises, à savoir un remboursement des frais engagés après passage de la demande de subvention en conseil des ministres. Mais les entreprises n’avaient pas suffisamment de trésorerie pour avancer les frais”, explique Vatea Toofa.

Quant à la récente mission à Singapour, elle a été rendue possible grâce à la CCI-France qui s’est occupée de la partie logistique. “C’est dommage de dénigrer la stratégie de la CCISM à l’export en sachant que l’entreprise de Thierry Chaussinand faisait partie de la délégation polynésienne, partie le 27 octobre et revenue vendredi dernier”, remarque notre interlocuteur.

Ce rendez-vous manqué ne signe pas pour autant la fin du projet, selon Vatea Toofa. “On est déjà en négociation avec l’organisateur pour la présence de la Polynésie au Made in France 2024. C’est l’objectif du nouveau bureau de Kelly Asin : envoyer une délégation encore plus étoffée et dans de meilleures conditions, assurément, car c’est la première fois que la CCISM était mise sous tutelle”.